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Traversée Pointe à Pitre-Toulon Mai-Juin 2021 : vers les Açores

À moins que le Covid ne vous ait laissé dans un état de délabrement intellectuel avancé, rien ne vous oblige à ingurgiter les élucubrations délirantes des quatre fêlés qui ont entrepris cette traversée. Installez-vous plutôt devant une émission de télé-réalité ; c’est là que se trouvent les vrais aventuriers. Vous aurez été prévenus.

12 mai 2021

9 heures : le petit déjeuner est avalé… Nous quittons notre place de la marina du Bas du Fort, facture réglée. Nous avons apprécié la qualité de l’accueil ici, aussi bien de la capitainerie que des voisins. Hier soir, c’est avec Marie et Marc que nous avons pris un dernier apéro.

La fine équipe…

Le premier stop n’est pas loin : arrêt à la pompe de gasoil pour faire les pleins, réservoir et quatre jerrycans de 20 litres. Nous discutons avec un gendarme maritime, qui nous dit que nous n’avons pas le droit de nous éloigner de plus de 10 km du ponton… Mais que comme on veut traverser l’Atlantique, on peut tout de même aller mouiller à Marie Galante.

Ensuite, cap sur Marie Galante où nous avons décidé de mouiller pour la première nuit et profiter une dernière fois de la douceur antillaise : avec le vent d’est-nord-est il faut de toutes les façons tirer des bords qui nous mènent près de l’île , pour ensuite passer la Pointe des Châteaux, à l’extrémité est de la Grande Terre, entre la Guadeloupe et la Désirade.

Nous mouillons sous la pointe de la Fleur de l’Épée. Un autre voilier est déjà là, mais ne restera pas longtemps, et nous nous vite retrouvons seuls pour profiter du beau paysage et du ti punch mais interdiction de débarquer pour compléter les réserves. La première nuit sera plutôt cool…

13 mai : cette fois c’est vraiment parti

7h25. Là, c’est le vrai départ. Un bon vent ENE de 18 à 20 nœuds nous tire au près sur un bord devant la Pointe des Châteaux que nous laissons à quelques encablures sous notre vent vers 10h20. Cette fois, plus de terre avant les Açores…

Le bateau est bien gîté, dans une mer un peu formée : l’amarinage des matelots du bord ne va pas durer longtemps !

La Pointe des Châteaux: bye bye Guadeloupe!

Les deux bizuths1 écoutent religieusement (tu parles !) les expérimentés, qui en sont à leur deuxième traversée dans ce sens, d’ouest en est. Les statistiques veulent que l’on monte vers le nord avant de virer tribord sur les Açores. Sauf que là, aussi loin que nous permettent d’analyser les prévisions météorologiques, l’anticyclone s’étale en une longue dorsale assez haut en latitude, et semble privilégier une route proche de l’orthodromie. Nous décidons de prendre le risque…

Saloperie de sargasses!

Le vent tient bien les trois premiers jours : Kousk Eol avance bien malgré une mer un peu cassante. La moyenne s’en ressent : autour des 140 milles par jour.

L’équipage trouve vite ses marques. Les quarts seront de 2h30 chacun, individuel et par ordre alphabétique, et rotation tous les jours, entre 20h30 et 6h30.

Nous aurons trois cuisiniers à bord : fidèle à sa réputation, Jacques se cantonnera à la vaisselle pour le bien de nos estomacs. Il est prévu de renouveler les provisions de protéines par des échantillons de faune halieutique. Petit souci : des bancs de sargasses dérivent autour du bateau, certains impressionnants par leur surface. Ils nous accompagneront pendant longtemps…

Nous nous rabattrons sur les pâtes, le riz et les pommes de terre, avec œufs et saucissons en attendant. Et les salades mixtes à base de choux, légume préféré de Jacques. C’est important, le mixte sur un bateau : comment sélectionner et mélanger les ingrédients, forcément limités, pour briser une monotonie, ici gastronomique, qui ne demande qu’à s’installer ?

17 mai

Nous nous y attendions, et ça y est : après un très long bord sous Code D qui a duré toute la journée, le vent tombe et Volvo, le cinquième équipier de Kousk Eol, prend le relais. Ce ne sera pas la dernière fois.

La mer est désespérément vide. L’AIS nous indique bien un pétrolier norvégien et un cargo chinois, mais ils passent assez loin. Et autour de nous pas d’autre voilier candidat au retour en métropole.

Les derniers fichiers GRIB récupérés via le téléphone Iridium nous confirment un anticyclone qui s’étale un peu sur le nord, avec des bulles perturbant les flux.

Il est resté avec nous le temps que le grain passe…

Et l’équipage dans tout ça ?

Mis de côté l’impression persistante qu’il y en a trois qui lorgnent la place du skipper2, l’ambiance est très bon enfant. Les quatre argonautes ont au moins une transat à leur actif. Certains un peu plus que d’autres. Mais seuls deux, Eric et Jacques , ont déjà traversé dans ce sens, d’ouest en est. Même s’il y a deux bleus à bord, tout le monde a l’expérience des traversées, donc les rôles se prennent naturellement, de façon autonome.

La lecture de la météo, les fameux GRIB, donne évidemment lieu à des discussions animées sur les options qui se présentent à nous, la meilleure stratégie pour traverser l’anticyclone.

Le cockpit de Kousk Eol s’anime régulièrement au gré des discussions politiques, dans lesquelles différents bords sont représentés avec conviction. Mais le ton ne monte jamais très haut, et chacun arrive à s’exprimer. Les propositions ou positions pour reconstruire le monde ne manquent pas… Les divers modèles économiques sont évalués. Même ce brave Malthus est cité : « L’individu qui ne contribue pas à la société n’a pas à être soutenu par cette dernière… ». Malaise instantané sur Kousk Eol : les quatre marins se regardent tout d’un coup d’un œil torve : « Mais qu’est-ce qu’il a voulu insinuer, avec sa citation à la con ? Je contribue, moi, à la bonne marche du canot… Par contre, lui, l’autre là, il faut voir… »

Il paraît que le 19 Mai, les terrasses des bistrots et autres restaurants rouvrent en métropole. Sur Kousk Eol, ça fait un moment que la terrasse fonctionne : plutôt que les décrets gouvernementaux, c’est la météo qui dicte sa loi. Et pour l’instant, elle est d’humeur clémente.

Jeudi 20 mai

7h00. Eric est à la barre, c’est la fin de son quart. « Claude, tu pourrais venir ? Il y a un problème avec la têtière de grand-voile, le chariot pendouille et que la drisse… ». Le Claude en question dormait comme un bienheureux, mais se lève rapidement3 sous l’injonction. Effectivement, le chariot de têtière n’est plus dans son rail le long du mât… Il faut affaler et retirer le chariot pour évaluer les dégâts. C’est la partie qui coulisse à l’intérieur du rail du mât qui s’est usée, désolidarisant le chariot du mât. La voile est remontée sans ledit chariot, avec deux ris pour soulager la têtière. La réparation ne pourra se faire avant Horta. Espérons que le vent ne faiblira pas trop et que la drisse de cèdera pas car raguant un peu sur la cage du réa !

Aujourd’hui vendredi 21 est un grand jour : nous venons de franchir la mi-parcours. Il reste un peu plus de mille milles jusqu’à Horta, sur les deux mille deux cents de l’orthodromique.

Nous profitons d’un vrai temps d’alizé aujourd’hui. Mais toujours pas de pêche car les sargasses se propagent jusqu’ici et les hameçons ne remontent que de la salade de sargasse qui n’est pas appétissante et sent mauvais…

Le rituel des GRIBs

Sur un voilier, c’est plutôt considéré comme un avantage de savoir d’où va venir le vent, et avec quelle force… D’autant plus que la traversée est longue. Vous l’avez compris, ce sont ces fameux fichiers GRIBs qui contiennent l’information magique. Donc il faut récupérer ces fichiers. Ceci se fait via un téléphone utilisant la constellation de satellites Iridium. Simple, non ? Sauf que la transmission de données est très lente (on est très loin de la bande passante de la fibre optique !). Et qu’il semble qu’il manque toujours un satellite au beau milieu de ladite transmission, obligeant à répéter la manœuvre.

Si on allège trop le fichier à transmettre, les sorciers de la météo râlent parce qu’ils n’ont pas assez d’informations pour définir une stratégie de route. Et si on veut couvrir les besoins des gourous, il faut s’y reprendre à trois, voire quatre fois, en consommant bien sûr les précieuses (et limitées) unités de communication… Ah vous croyiez que la navigation à voile était une partie de plaisir ?

Au bout d’un temps en général certain (plutôt variable, cf les jurons du capitaine…), les GRIBs sont reçus et affichés sur la carte sous forme de petites fléchettes avec plus ou moins de plumes suivant la force du vent : petite plume = pétole, plein de plumes = gros temps. S’ensuivent de longues et animées discussions sur les mérites comparés des diverses stratégies : au nord-ouest de l’orthodromie ? Dessus ? En dessous ? Et où se trouvent les dépressions ? Et…

Quand le vent tombe vraiment, la tactique est de menacer Éole (avec un e) de mettre le moteur. Où est c’qu’ éole ? Mais le bougre n’est que rarement sensible à l’argument.

Samedi 22

Aujourd’hui, par exemple, nous sommes en plein dans la pétole… Et le Code D, avec ses 160 m², a du mal à nous déhaler à plus de quatre nœuds…

Pour couronner le tout, les batteries s’amusent à nous donner des inquiétudes : deux nuits maintenant que leur tension chute assez brutalement, obligeant à démarrer le moteur pour les recharger. Nous les déconnectons une par une pour trouver si l’une d’entre elles est morte, vidant les deux autres. Ce ne semble pas être le cas. Bizarrement, pendant ces manipulations, nous notons des sautes de tension alors que le pilote est branché. Sautes qui disparaissent dès que l’on reprend la barre à la main… Curieux… Serait-ce le module économiseur installé avant le départ qui fait des siennes ? On va aller voir ça illico !

En attendant, pas la moindre dorade coryphène : nous sommes toujours entourés de sargasses qui ne se gênent pas pour s’accrocher à l’hameçon dès celui-ci dans l’eau…

Et toujours des sargasses…

Ah oui, le pilote… Ben on a remis la connexion de l’électrovanne sans électronique, qui était montée à l’origine : on va vérifier cette nuit…

Et dans la nuit, ben les batteries s’effondrent, les copains… Donc ce n’est pas l’électronique. Il semblerait que les batteries elles-mêmes soient en cause. Il faudra probablement les changer à Horta. Et d’ici là, barrer à la main la nuit, à moins que le vent ne fasse tourner l’éolienne assez vite pour les recharger un peu pour supporter le pilote. Pas gagné…

Lundi 24 mai

Comme prévu, les quarts ont été réorganisés : toujours quatre de 2h30 chacun, démarrant à 20h30, mais cette fois à deux : un à la barre et l’autre prêt à intervenir (de fait somnolant affalé sur le banc du cockpit). Donc on y passe deux fois par nuit.

4h du matin : les risées sous les grains frôlent les vingt nœuds : on affale vite le Code D pour le remplacer par le génois. La vitesse s’en ressent immédiatement.

Et après le petit-déjeuner, nous larguons le deuxième ris de la grand-voile, sous la pression insistante d’un équipier dont nous tairons le nom. Rappelez-vous : nous l’avions mis pour protéger le point de drisse de cette dernière, suite à l’avarie de chariot de têtière. Kousk Eol file entre 6 et 7 nœuds. Devant nous, à environ six milles, un voilier, le Poco Loco… Mais son émetteur AIS doit être un peu faiblard : pas d’information détaillée… Je comprends mieux l’insistance de l’équipier en question, d’origine belge : « Quand est-ce qu’on passe d’une GV de Pâle Damoiseau4 à une GV de Rambo ? ». C’est vrai que c’est inadmissible d’avoir un voilier devant soi… Et du coup le skipper est surnommé Claude dit Rambo !

Mauvaise foi

Si vous avez été assidus au blog de Kousk Eol, vous savez qu’à bord, il peut y avoir trois catégories d’équipiers :

  • Les blaireaux, à éviter à tout prix.
  • Les sangliers, qu’on aimerait plutôt voir sévir sur les autres bateaux.
  • Les amis.

La cohabitation entre Jacques, Eric, Hervé et Claude en a fait surgir une quatrième : les renards5, rois de la mauvaise foi. Pas forcément incompatible avec les amis.

Eric : « Personne n’a vu les Bounty ? Qui les a cachés ? ». Jacques : « Mais ils ne sont pas cachés, ils sont sous l’étagère dans le petit frigo. ».

Le lendemain. Jacques : « Personne n’a vu les Bounty ? Qui les a cachés ? ». Eric : « Mais ils ne sont pas cachés, je les ai mis dans l’équipet derrière la couchette de Claude. ». La partie de cache-cache dure depuis que les deux ont découvert qu’il y avait des Bounty dans les réserves, leur péché-mignon durant les quarts de nuit.

Une situation quasi identique se répète quotidiennement ; entre les mangeurs de pain et ceux de krisprolls ; ces derniers étant évidemment systématiquement planqués par un traître d’une mauvaise foi patente.

Arithmétique du réservoir à gasoil

Il y a quatre ingénieurs à bord, ou prétendant l’avoir été. La question, simplissime, de savoir de combien de gasoil nous disposons au bout de dix jours de navigation génère pourtant d’interminables discussions, entre les tenants d’une soi-disant théorie des flux et mécanique des fluides, s’opposant à une simple règle de trois. Cette dernière, apprise sur des bancs d’école dans un passé si lointain que plus personne, au moins sur Kousk Eol, ne s’aventure à prétendre la maîtriser…

Et donc la réponse, cruciale, à la question : « Combien d’heures moteur nous reste-t-il ? » fluctue entre « Oh, un temps certain ! », « Ça va être juste ! » et « On verra bien quand on en aura besoin. ». Plus la remarque pragmatique : « Je n’ai pas envie de devoir purger si le réservoir est vide avant de transvaser le dernier jerrycan ! » .

Un équipage de scientifiques, moi je vous le dis !

En attendant, le 24 mai à 11h00, il nous reste environ 750 milles avant Horta : la descente vers les Açores est bien engagée. Six jours en principe. Là, présentement, notre coursier des mers file à plus de 7 nœuds. Pourvu que ça dure : de la pétole est prévue pour ce soir par ces #&@% de GRIB.

Évidemment que ça ne dure pas : les bords sous voile succèdent à l’utilisation du Volvo, et réciproquement. Le ciel s’est couvert, se vide régulièrement de son trop-plein aqueux, et le zéphyr est devenu d’humeur très changeante.

Autre constat : la température de l’eau est passée de plus de 28° à moins de 23°…

Pêche du matin…

Mercredi 26

7 heures du matin : Eric et Hervé débordent d’énergie à la fin de leur quart, et profitent d’un peu de vent favorable pour hisser le Code D : ce dernier aura bien servi durant cette traversée.

Une longue période en mer, au milieu de nulle part, peut rendre mystique le plus mécréant des équipages. Ce dernier, très respectueux des forces cachées de la Nature et rêvant depuis plusieurs jours de sushis, se lance dans une supplique incantatoire emplie de ferveur et sincérité : « Putain de merde de saloperie de connerie de sargasses de fait chier ! ». C’est vrai qu’en remontant le Rapala, il n’y a pas tout à fait le même enthousiasme en sortant de l’eau de la salade jaunie et puante à la place d’une belle coryphène…

En parlant de salade : aujourd’hui, nous finissons le dernier chou (rouge). Avec beaucoup de constance et de goût, Hervé nous aura préparé quasiment tous les jours une excellente salade au chou, appréciée par quasiment tout l’équipage. Jacques : « Plus de chou ? Ça c’est une bonne nouvelle ! ». « Quoi, elles n’étaient pas bonnes, mes salades ? ». C’est qu’il ne faut pas m’énerver mon Hervé !

La bonne nouvelle du matin est qu’il reste 560 milles avant l’arrivée. On évitera de discuter sur le « encore » ou le « plus que ». En gros, nous avons fait les trois quarts de notre traversée.

Côté moins drôle, nous devons toujours économiser notre réserve de gasoil, brûlée en grande partie lors des pétoles précédentes, et nous n’avons plus d’unités pour notre téléphone Iridium… donc plus de prévisions météo !

Tentative désespérée de récupérer des GRIBs sans Iridium…

L’application fournie est très pratique pour récupérer les fichiers GRIB, mais ne donne que très peu d’information sur les unités consommées : nous avons probablement été un peu trop optimistes sur la taille de ces fichiers.

Et aujourd’hui est jour de pétole, molasse, marais météorologique, bulle anticyclonique, bonasse…

1027 hectopascals : anticyclone de haute zone comme chantait Dick Annegarn…

Eric a lu d’un trait les aventures de Louis Adhémar Timothée Le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la Flibuste, et enrichit le vocabulaire marin de l’équipage de termes fleuris ! C’est le livre de référence du bord…

Depuis vingt-quatre heures, le vent s’est tout de même levé : entre 15 et 20 nœuds, avec rafales, mais de face… Avec un peu de mer. Ça n’arrange que moyennement nos affaires : on avance bien, mais pas en direction de Horta !

Racine (2) ou la VMG du poivrot

Vous rappelez-vous la longueur de l’hypoténuse dans un triangle rectangle ? Le fameux théorème de Pythagore ? Cas particulier : dans un triangle rectangle isocèle de côté 1, l’hypoténuse fait Racine(2), soit environ 1,4. Ça y est ? Ça vous revient ?

Pourquoi parler de ça ici, me direz-vous ? Eh bien, lorsque le vent vient de face, et que votre bateau remonte à 45° du vent, ce qui est le cas de Kousk Eol avec un peu de mer, si on progresse de 10 milles sur deux bords consécutifs, soir 20 milles en tout, on n’aura progressé que de 14 milles vers le but, soit environ 70 % de la distance effective parcourue. Même chose pour la vitesse moyenne : nous avançons vers le but à 70 % de la vitesse réelle du bateau : c’est la fameuse VMG. C’est ce qui nous arrive depuis deux ou trois jours : avec ce malicieux mais costaud zéphyr venant directement d’Horta, nos prévisions de date d’arrivée explosent… Situation propice aux délires de l’équipage, comme vous n’aurez pas été sans le remarquer dans les lignes précédentes.

Et le poivrot dans tout ça, ne manquerez-vous pas de me faire remarquer ? Même combat que Kousk Eol : un poivrot en état normal (pour un poivrot) d’éthylisme tire des bords pour rentrer chez lui (ou pour aller au bistrot suivant). Et met donc beaucoup plus de temps qu’un individu modèle, humidifié à l’eau du robinet. Qui lui rentre directement et sagement chez lui pour ne pas rater son rendez-vous quotidien avec Hanouna, une tisane à la main.

CQFD. Mathématique. Rien à dire.

Équipier sur Kousk Eol, c’est tout un métier!

Vendredi 28

Nuit au près avec un ris dans la grand-voile et le génois. Mais le meilleur cap nous emmène progressivement à plus de 40° de notre but, Horta, encore à environ 377,62 milles nautiques au nord-est. Nous faisons le pari que la bulle anticyclonique juste à notre nord se décale, et que la direction du vent est en train de basculer vers l’est : virement de bord pour en profiter ! Et assez vite, nous frôlons les 30° par rapport à notre route : nettement mieux ! Et ça devrait progresser… On vous racontera.

Au fait, j’oubliai… Malgré la ferveur des pourtant très pieuses incantations, il semble que ces putains de sargasses ont décidé d’envahir l’Atlantique Nord… Va-t-on les retrouver sur les rivages bretons cet été ? Je pose la question…

Vendredi 29

Nuit très tranquille suivant un cap nous rapprochant sérieusement du cap idéal, avec un alizé qui fait le minimum syndical : les cinq nœuds sont rarement franchis. Mais au petit matin, nous passons sous la barre des 300 milles. Il fait grand beau et pour l’instant, le vent, toujours pas trop violent, semble stable. Les dernières prévisions nous donnent arrivant à Horta dans la nuit du 31 mai au 1er juin. Question subsidiaire n’ayant pu obtenir de réponse satisfaisante : arrivera-t-on avant ou après la fermeture chez Peter ?

Le vent reste stable pendant toute la journée suivante, mais dans la soirée, il faut se résoudre à brûler des résidus carbonés fossiles. Le moteur tournera toute la nuit, sur une mer aussi plate que l’encéphalogramme d’une huître décérébrée.

Le vent revient vers 5 heures, juste le temps de virer le Glaude de sa banquette dans le carré, avec la gîte : « Merde, Hervé ! Tu pourrais prévenir ! ». « T’avais qu’à anticiper, captain de mes deux ! ». C’est qu’il ne faut pas m’énerver mon Hervé6

Les sargasses ont finalement disparu… Il y aurait des choses à dire sur l’administration là-haut : notre dossier a quand même mis un sacré temps à être traité. La ligne est enfin mouillée. En attendant, notre premier groupe de dauphins vient nous narguer, assurant le spectacle pendant un bon moment.

Le 30 au matin, Horta est à 190 milles : cette fois c’est sûr, on sera à quai le 1er juin dans la matinée !

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30 mai, midi. Je ne sais pas comment c’est arrivé… Pourtant, tout paraissait calme. Dans le carré, la discussion, qui avait bien démarré sur l’état de la mer, la visite de quelques lagénorhynques et autres physalies, dérape progressivement. Y passent la comparaison entre les révolutions anglaise, française et russe, l’exploitation des peuples par les nobles et les dirigeants soviétiques, la notion d’économie extractrice, Marx, Engels, Malthus, Tsun Tzu, Machiavel, Tocqueville, le massacre des civilisations sud-américaines par les Espagnols, Bartolomeo Diaz et Vasco de Gama, Staline et Mao… Serait-on passé sans le savoir sur une singularité magnétique ? Une aberration de l’espace-temps ? Vivement qu’on arrive ! Et que les soi-disant garants de la bien-pensance et autres bonnes manières prétendues retournent à leurs frustrations : la consommation à bord de liquides à base de sucreries fermentées est réduite à un minimum ridiculement bas, minimum qui se fera heureusement tordre le cou dès l’arrivée.

Entre temps, un message sympa arrive sur l’Iridium : ce sont JC et Tatiana, sur Duetto, sister ship de Kousk Eol, en train de naviguer autour de la Corse et demandant des nouvelles de notre traversée.

14h30, TU : 164 milles avant Horta, et le vent cette fois nous pousse dans la bonne direction, bon plein à plus de six nœuds. La musique du chuintement de l’eau le long de la coque est plaisant. Une question se pose depuis le départ : quelles seront les conditions de débarquement liées au Covid ?

Soudain, la VHF se réveille : un appel d’un chalutier portugais (sans AIS) qui nous demande de ne pas changer de route pour ne pas nous prendre dans ses filets. Le capitaine est très avenant : « Vous avez déjà passé dix-sept jours en mer ? C’est trop ! Dix jours c’est un maximum pour moi ! Voulez-vous du poisson ? ». Il n’est pas trop au courant des conditions d’entrée particulières liées à la pandémie…

Lundi 31 mai

Le vent nous pousse toujours vers Horta, et au matin ce ne sont plus que 70 milles qu’il nous reste à couvrir. Le ciel s’est bien couvert, contrastant avec les dernières journées, très ensoleillées.

Durant la nuit, un oiseau bateau-stoppeur vient s’installer dans le cockpit. Il reste avec nous jusqu’au petit matin. Un noddi ? André, help !

Passager clandestin…

Brouillard bruineux juste à l’arrivée, suivi d’un petit coup de vent (30 nœuds dans les rafales) : mais que fait le comité d’accueil ?

Faial dans sur l’horizon…

18h30 : nous sommes dans le port d’Horta. Mais la capitainerie nous demande de mouiller l’ancre : demain on se fera tester pour le covid, et en attendant on se confine… On boira un ti punch pour se consoler !

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1 Hervé, une traversée France-Antilles, et Claude, quatre traversées de l’Atlantique d’est en ouest. Mais jamais dans l’autre sens… Il y a trois jours, nous prenions l’apéro avec Eric Dumont, deux Vendée Globe et deux transats anglaises à son actif, sans compter cinquante-neuf traversées de l’Atlantique avant 60 ans ! Nous sommes loin du compte…

2 Parano, moi ? Mais où allez vous chercher ça ?

3 Il est comme ça, le Glaude. Instantanément disponible et prêt à tout. Même à se la péter…

4 Le souci de la vérité historique m’oblige à préciser que « Pâle Damoiseau » n’est pas vraiment le terme exact utilisé, aux initiales près. La censure du bord m’a interdit d’utiliser le qualificatif mettant en doute ma virilité, soi-disant pour protéger un lectorat parfois moins prévenu et sensible.

5 « Fouines » a aussi été proposé comme emblème de cette nouvelle catégorie.

6 Je ne m’en lasse pas…

ACORES – GIBRALTAR – 10-16 juin 2017

Ce n’est pas faute d’exercer une pression certaine sur lui, mais notre envoyé spécial Tonio s’accroche, tel l’arapède à son bout de granit, à un supposé coup de mou subséquent à une traversée prétendument agitée plus que de raison pour retarder la production d’une prose censée relater de la manière la plus objective possible les exploits du vaillant équipage de Kousk Eol lors de l’expédition depuis les Açores jusqu’à Gibraltar. Vous pouvez reprendre votre souffle.

L’équipe de rédaction, butée comme vous avez déjà pu le constater, ne désespère pas arriver à ses fins, quitte à utiliser le chantage le plus mesquin (« Non, pas de ti punch ce soir : c’est pas bon pour la crampe du clavier ! »).

Quelques jours plus tard, tout arrive… Le travail de sape aura finalement porté ses fruits : le jeune Antoine a écrit ! Nous vous livrons ci-dessous sa production littéraire. Bonne lecture !
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L’arrivée au petit matin au port d’Horta (sur l’île de Faial) fut bienvenue pour tout le monde, malgré la pluie, chacun sentant la fatigue d’une longue traversée de 2600 miles d’une traite, somme toute sans encombre aucune. Nous aurons même été accueillis la veille en s’approchant par plusieurs visites de cétacés : rorquals communs, dauphins et même subrepticement un hypérodon boréal (qui n’est pas une licorne arc-en-ciel). Le deuxième rorqual, peut-être tout aussi curieux que nous, après avoir surgit à 50 m à tribord, viendra nous zieuter de plus près encore à vingt mètres à bâbord après avoir nagé sous le bateau. Impressionnant, même si l’on n’aperçoit que le haut du dos, on en devine la taille (celui-là faisait bien ses vingt-deux mètres). En ce qui concerne les dauphins, nous aurons été gâtés ces derniers 3-4 jours et avons été visités plusieurs fois quotidiennement par différents groupes, allant de 5 à 100 individus, des espèces tachetées d’Atlantique d’abord puis des communs. Leur jeu, toujours, est de surfer sur la vague avant du bateau, tout en jetant quelques coups d’œil à son équipage (et vice-versa). Cela restera toujours un grand plaisir de les observer libres et enjoués dans leur élément.

Ah elles ne se prennent pas toutes seules les photos de dauphins!

Rien de tel qu’un poisson-pilote pour trouver sa route!

L’accueil sur Faial est chaleureux, l’ambiance détendue et agréable, tout le monde se parle et se raconte ses péripéties pour arriver jusqu’à cet archipel perdu dans l’océan. On y croise toutes sortes de navigateurs : touristes d’un jour, aventuriers solitaires, équipages professionnels, amateurs passionnés, pêcheurs locaux, le tout distillé au sein d’une population locale des plus sympathiques. Tous, ou presque, se retrouvent le soir chez Peter, dont nos matelots ne manqueront pas de s’assurer quotidiennement que la fermeture est bien aux alentours de 2h du matin, disons histoire d’être sûr… Chacun donc gardera un souvenir impérissable de cette petite île tout ce qu’il y a de plus accueillant.

Les lumières de Faial au loin…

Nous louons une voiture pour faire le tour de l’île (volcanique, comme toutes les autres des 9 îles des Açores), qui ressemble un peu à une petite Irlande pour ses pâturages vallonnés et verts. Tentative de visite du cratère tout en haut, qui ne se dévoilera pas pour nous ce jour-là, car le brouillard y était bien trop dense. Ce sont plutôt les restaurants qui se révéleront à l’équipage les uns après les autres, et plutôt deux fois qu’une. Tombés en plein période de fête nationale, nous aurons même l’honneur de dîner à côté du président portugais De Sousas venu célébrer la Pentecôte sur l’île. Évidemment personne n’avait prévenu les quatre jeunes (DD au lit) et nous étions donc les seuls pouilleux assis dans ce restaurant où en ce dimanche soir tous les locaux s’étaient mis sur leur trente-et-un pour avoir une photo souvenir avec leur représentant. Nous aurons droit à un salut amical de sa part, car il se fit que nous sortions dans la ruelle tous en même temps, entourés des assistants présidentiels et des « services secrets » portugais qui surveillaient d’un coin de l’œil ces quatre chevelus en short et tongs apparemment pas au courant.

Ravitaillements en tous genres fait, il nous restait un « devoir » en tant que navire de passage à Horta : laisser la fameuse trace du bateau en exécutant une peinture au sol ou sur l’un des quelques espaces restants de béton de la marina. C’est une des premières choses qui m’ont frappé en arrivant, car ne connaissant pas cette tradition, la beauté de cet ensemble de motifs colorés que sont toutes créations laissées par les différents équipages au fil des années, certaines encore visibles et indiquant des dates antérieures aux années 80 ! Nous nous mettons donc collectivement à préparer une reproduction aussi fidèle que possible du logo de Kousk Eol, qui ma foi, fut plutôt réussie. André reconnu même plusieurs peintures de bateaux amis rencontrés lors du tour du monde des frangins, espérons que d’autres un jour nous raconterons avoir vu la nôtre.

La signature de Kousk Eol…

Fiers marins-artistes!

En ce qui concerne l’équipage, nous nous retrouvons temporairement à quatre car Tom nous quitte ici-après avoir pris la sage décision (en fait déjà prise depuis une douzaine de jours) de ne pas pousser plus loin ses limites physiques. Pour lui, ça aura été « Veni, Vidi, Vomi » ! Nous le laissons donc au petit matin sur le quai lors de notre départ, 5 jours de fête après notre arrivée sur l’île de Faial. Compagnon d’une si belle traversée, nous te regretterons mais comprenons. Et la suite te donnera raison.

Nous partons donc en route vers Sao Miguel, presque plus fatigués qu’à notre arrivée pour certains (fallait pas se coucher à 3h la veille d’un départ à 5h !), où nous récupérerons notre cinquième compère pour la traversée Açores-Gibraltar, le grand Nicolas. Nous contournons par le sud l’île de Pico, qui tout du long depuis Horta nous avait offert un magnifique panorama depuis la marina : imaginez-vous une grimpette du niveau 0 jusqu’à 2351 m en ligne droite sur ce sommet volcanique ! Sur mer, la navigation sera relativement aisée malgré quelques interventions du moteur pour nous aider à passer la première pointe où les courants nous seront contraires. Le reste se fera à la grand voile et au génois grâce à un vent constant de sud-ouest. À noter que notre départ fut précipité par une dépression du genre inquiétante qui passait au nord de l’archipel des Açores et qui balançait du 50-60 nœuds en son centre. Profitant des contours de celle-ci, Kousk Eol aura de belles accélérations jusqu’à 30 nœuds histoire, pour l’équipage, de se remettre en forme. Nous arriverons vers 2h du matin à la marina de Punta Delgada où par hasard nous croisons Sirius, avec qui nous apéroteront (vous savez, ceux qui avaient failli nous rentrer dedans au milieu de l’Atlantique ?). Pour faire court : nous visitons rapidement les prémices de la vieille ville, exécutons quelques dernières courses de ravitaillement, récupérons l’ami Nicolas, mangeons le repas le plus mauvais de tout ce tour du monde après avoir fait confiance au mauvais resto et son rabatteur, prenons les dernières vraies douches et derniers apéros à terre avant l’Europe continentale, suivis d’une bonne nuit de sommeil, et partons pour la deuxième étape de notre traversée, car, mien de rien, ce n’est pas encore fait !

Départ tranquille vers la fin de matinée, la première après-midi commence sagement, parfait pour Nico qui prend ses marques auprès du bateau. Nous partons en même temps que plusieurs voiliers de l’ARC, nos routes se longeant pendant 150 miles environ avant qu’eux ne prennent une direction plus au nord que nous, probablement Lisbonne d’après nos estimations de cap. Grand spectacle pour Nico à peine arrivé (et les autres) : un gigantesque rorqual remonte de plongée en faisant jaillir son jet d’eau à 20 m tribord du Kousk Eol, en plein moment de torpeur générale ! Peu de temps après, au fur et à mesure que la mer se lève, les aléas commencent : quarante minutes plus tard, alors que le vent a commencé à se gonfler (20-22 nœuds établis), c’est le hale-bas de bôme qui lâche soudainement ! Le bout trop usé n’aura pas résisté plus longtemps. Réparation expresse de DD au milieu d’une bonne houle. Quelques heures plus tard, alors que nous avons retrouvé tout l’inconfort du monde penché mais l’assurance d’un bateau qui avance, c’est tout d’un coup le pilote qui décroche et fait virer le bateau avec moult fracas… Ça commence bien ! Certains trouveront peut-être tout cela excitant, personnellement je suis plutôt du type « please don’t rock my boat », comme le chantait l’ami Bob.

En voilier, il n’y a pas que la voile…

Les jours suivants, rien de particulier à signaler, à part un temps maussade, des grains de temps à autre, une houle constante et assez énervée due à cette maudite dépression au nord et un vent de nord nord-est d’un bon 20-30 nœuds qui nous fera prendre moult ris et alterner génois et trinquette toutes les 50 minutes. Tom, si tous nous lis, sache que c’est là que nous nous sommes tous mis d’accord sur le fait que tu n’aurais pas apprécié cette deuxième traversée, déjà bien plus tumultueuse en trois jours que les dix-sept jours qui avaient été nécessaires pour l’étape depuis la Guadeloupe. Puis, au troisième jour c’est la rotule de fixation d’une latte de grand voile qui lâche – obligés de réduire la GV pour qu’elle ne s’arrache pas… allez un dernier petit effort Kousk Eol on est bientôt de retour au bercail. Après consultations et réflexions à bord, une réparation maison au marteau fera finalement l’affaire (et tiens encore au jour où je rédige ces lignes).

A nouveau des visites régulières de dauphins, nos fidèles compagnons de route ; parties de scrabble endiablées (ce sport qui se joue à 3 ou 4 et où c’est toujours Nico ou DD qui gagnent !) ; apéros, repas et causettes ; RAS la vie à bord continue comme à ses habitudes. Un petit coup de gueule de l’équipage tout de même contre la mer qui ne nous offre que des bonites à manger (cinq pêchées en six jours, trop c’est trop) alors que nous rêvons de daurades, d’espadons ou de thons.

S’ensuit au quatrième et cinquième jours une alternance de moteur et de voile, toujours un temps plutôt couvert, et relativement peu de vent en général même s’il nous faisait la grâce d’être au portant (de dos). Par contre à l’approche du détroit de Gibraltar, véritable goulot de la Méditerranée, tout s’annonçait contre nous : augmentation par 25 nœuds de vent pleine face – par effet de venturi (engouffrement des vents d’un côté et démultiplication de l’autre) – multiplication du trafic de cargos (déjà ressentie depuis 24h) et arrivée de nuit… On passe à des quarts par deux histoire de pouvoir manœuvrer rapidement si besoin pendant l’approche (on la croit rapide, mais non, qu’est-ce qu’elle est longue cette côte descendante espagnole), DD ne dormant finalement pas de la nuit et chacun l’assistant par tours jusqu’au petit matin. Magnifique lever de soleil, sentiment de retour à notre bon vieux continent, mais les éléments sont en furie : 30 nœuds de vent et grosse houle de face qui vient frapper la coque de trois-quarts ce qui nous empêche littéralement d’avancer et fatigue bien le bateau. Je dis bien “littéralement” : malgré des bords tirés autant que possible suivi du moteur, nous faisons du 1,5 nœuds de vitesse… autant dire que nous avons le temps de profiter du paysage. C’est – après avoir tout envisagé, même d’aller se réfugier à Cadix – finalement en se rapprochant de la côte que nous y trouverons un peu de répit, de quoi avancer lentement mais sûrement. Le franchissement du cap de Tarifa sera plus que sportif, sous un ciel dégagé et le retour de la chaleur qui nous avait quittée aux Açores. Mais, pour le plus grand plaisir de tous – ENFIN – de la voile comme en régate avec des bords tirés non-stop, un équipage sur-motivé, une mer défiante et dans le fond un paysage aride mais sublime. Et un DD au top de sa forme, en tenue fringante (ciré jaune canari collector et chemise bleue à motifs provençaux – voir photo) et bonne humeur malgré sa nuit blanche et nos questions redondantes sur ce qu’on allait faire. DD, chapeau bas ! Incapable de dire combien d’heures ce petit bout de traversée nous aura pris, voyant d’autres bateaux luter autant si pas plus que nous (pauvres catamarans), c’est presque avec regret que nous effectuons notre dernier bord qui nous mènera au-delà de la dernière pointe, puis de la dernière anse, et finalement de la dernière crique de l’Atlantique. Méditerranée, nous voilà !

Pourquoi il faut être attentif lors des quarts vers Gibraltar….

GIBRALTAR – BENALMADENA (MALAGA) – 19-20 juin 2017

C’est sous la menace de Claude, qui nous a maintenant rejoint dans ce paradis perdu – pardon que dis-je : cette terre vierge, ce trésor de pureté, cet îlot de l’innocence (j’y reviendrai) – qu’est la marina de Benalmadena, que je vais terminer mon rôle de narrateur de nos voyages en commun, sur nos quelques jours de repos bien mérités à Gibraltar. Intenable sur la qualité et la ponctualité de son blog, imposées selon lui par l’exigence de (centaines de) milliers de lecteurs assidus, il serait impensable de ne pas publier sous moins de 24h le compte rendu détaillé des périples de Kousk Eol et de ses équipages successifs. Ayant la flemme – pardon – ayant pris le temps de réflexion bien mérité de douze jours avant d’aligner nos premières impressions du temps passé à bord, j’espère que vous aurez apprécié ce débriefing vu par un novice de la voile. Il faut dire qu’à bord la motivation pour la retranscription tant iconographique que narrative des événements issus de nos péripéties est à peu près égale à celle démontrée pour faire la vaisselle un jour de grande gîte.

Mais je m’égare. Nous voilà donc arrivés à Gibraltar, ou plutôt à la marina de La Linea, ville espagnole frontalière avec l’enclave britannique qui a le mérite de ne pas vous voler pour accoster. Marina quasi neuve offrant tous les services appropriés sauf l’ambiance (à ce niveau-là, Horta était catégoriquement la plus agréable, vivement recommandée, et sans ironie). Nous aurons même l’honneur de profiter de la « fête du camping-car » qui se déroule le week-end de notre passage sur le parking jouxtant la marina. Les visites au rocher voisin se feront par des chaleurs écrasantes, heureusement arrosées à l’anglaise par la suite. Il faut dire que c’est un phénomène assez particulier que ce rocher : les Anglais se sont construits un aéroport dont il faut traverser la piste (à pied ou à moteur) pour entrer chez eux. Il faut donc attendre les intermèdes entre atterrissages et décollages pour le faire… mais avouez que ce n’est pas commun de se retrouver au milieu d’une piste d’aéroport. Bref, une fois de l’autre côté vous aurez la bonne surprise de vous rendre compte rapidement qu’en tant que fier européen vous serez volé deux fois : la première en étant obligé soit de changer auprès des commerçants vos euros en livres (au taux “préférentiel” de deux euros pour une livre…) soit d’aller retirer des livres au guichet pour un taux peu amical également ; et la deuxième en vous rendant compte que toute livre non dépensée ne vous sera plus jamais d’aucune utilité, puisqu’elle est unique à Gibraltar et ne pourra pas être utilisée en dehors du micro-territoire, pas même en Grande-Bretagne. Une fois cela accepté, la visite du rocher peut se dérouler tranquillement, très tranquillement car les horaires des commerces eux sont encore mieux qu’à l’espagnole : vu sur place, « ouverture : 10 :45 à 14 :00 ». En dehors de ce laps de temps vous pourrez revenir en hiver histoire d’avoir un peu plus de chances de rapporter chez vous vos produits détaxés.

La fine équipe, sur la piste de l’aérodrome qu’il faut traverser pour aller à Gibraltar.

Jolies balades donc sous un cagnard plombant, rencontre avec autant de macaques en haut que de commerçants ouverts en bas, puis retour à la marina en passant avant par la case restaurant. Rien de plus. Ah si, découverte d’un environnement dominé par le pétrole, le gaz et les navires marchands offrant un ballet en mer sur fond de raffinerie et chantiers navals. Autant vous dire qu’on n’y va pas pour la vue. Anecdote au départ : lors du règlement des frais de marina côté espagnol, la capitainerie vérifie les documents du bateau et s’exclame : « Vous étiez déjà venus il y a quatre ans, n’est-ce pas ? » ; “Oui” répond André, « à l’aller ». « Très bien, vous étiez partis sans payer, nous allons pouvoir corriger cette erreur ». Les bons comptes faisant les bons amis, le tour du monde peut se rapprocher de sa fin en se disant fier de ne laisser aucune ardoise nulle part mais une multitude d’amitiés nouvelles !

Vue depuis le haut du Rocher.

Et un des habitants du lieu.

Singe se lamentant sur le manque d’ombre…

Transatlantiquement vôtre,

Antoine

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1- Petite précision du Glaude concernant l’impertinence du jeune Tonio : l’avion est trois fois moins cher et quatre fois plus court vers Malaga (à côté de Benalmadena) qu’à Gibraltar… Sinon, l’enthousiasme pour la marina est complètement partagé : mauvais goût et beauferie sont au rendez-vous.

Traversé Guadeloupe – Açores, 18 mai – 4 juin 2017

La rédaction (vous savez, les deux frangins qui se la pètent), ne reculant pas devant la dépense pour tenter de satisfaire les exigences toujours plus inaccessibles de son lectorat, n’a pas hésité cette fois à carrément s’adjoindre un grand reporter pour relater la balade des valeureux marins vers les Açores sur leur vaillant coursier. Ce chapitre majeur de la vie de Kousk Eol est donc confié à Tonio. Bonne lecture !

18 mai 2017
Ça y est, on peut le dire cette fois-ci : « On y va » ! Il ne s’agit plus maintenant d’aller faire des courses, d’une excursion en montagne ou sur une plage, de larguer des amarres pour aller mouiller sur le récif un peu plus loin, non, là c’est la grande annonce, c’est la phrase qu’on ne réentendra pas avant d’avoir touché terre à nouveau, aux Açores. Car à partir de maintenant Kousk Eol ne s’arrêtera plus – du moins si les vents sont cléments avec nous.

L’équipe de choc…

Avant la mer.


En effet jusqu’ici, les premiers jours d’acclimatation pour les quatre métropolitains qui ont rejoint le bord pour épauler André ont été jusque-là plutôt orientés vers un cabotage plaisant que la vraie navigation. Un peu un moyen de bien charger les batteries avant la grande aventure. Et pour cela rien de tel qu’un petit mouillage en face d’une plage paradisiaque sur l’ile de Marie-Galante la belle. La traversée a tout de même été un peu rude, face au vent et houle secouante, mais cela permet de prendre la mesure de ce qui nous attendra sûrement plus tard, et de tester pour les débutants (Tom et Tonio) nos connaissances et notre résistance.

Malheureusement, nous ne sommes pas tous égaux face au mal de mer, et les premiers signes d’intolérance à la houle apparaissent. Après une traversée de quatre heures et demie environ de la marina de Pointe-à-Pitre vers Marie-Galante, le spectacle redonne vie et envie à tous, même au plus malade d’entre nous. Moment magique partagé par tous, pêche aux langoustes, repas délicieux, apéro ti punch partagé à bord avec nos voisins de marina de la veille, les marins du bateau Sirius, tout se présente pour le mieux.

Studieuse préparation…

Le lendemain matin, après un petit bain dans l’eau cristalline et une virée sur la plage, le tour de Kousk Eol est fait afin de ranger tout ce qui sera superflu pour la suite : entre autres l’annexe, la table à apéro – mais je vous rassure pas l’apéro en lui-même. En arrivant la veille au mouillage on avait tout de même constaté un problème électronique concernant certains appareils de bord, mais nous décidâmes de vérifier cela le lendemain.

Putain d’électronique! Si je tenais le Glaude…

Il s’avère que l’on a tripatouiller tout le circuit de connectique des principaux appareils (et donc de littéralement retourner tout le rangement qui avait été fait la veille à la marina) afin de finalement localiser à peu près ou se situait le problème, de débrancher ce qui était source de conflit, et de ne garder que le pilote automatique qui reste le principal ami de ceux qui aiment se reposer la nuit. Plus de profondeur, plus de speedo, ni de répétiteurs. Au final on s’en passe très bien jusqu’à présent, on verra pour la suite.
Et nous voilà donc partis à treize heures trente, rassurés, car André s’était bien gardé de se prononcer sur sa décision pour la suite (doit-on rentrer réparer à la marina, ou peut-on partir ainsi) avant d’avoir le cœur net sur la situation. Un grand bravo à Nico qui s’est plié en quatre pour accéder aux branchements situés en fond de coffres, et au capitaine Dédé pour son calme et sa vision d’ensemble.
Petit à petit, Marie-Galante s’éloigne, puis Grande-Terre à notre gauche apparaît et disparaît, Petite-Terre à tribord nous fait parler et rêver (ce sera pour une prochaine fois pour ceux qui ne connaissent pas), la Désirade et sa forme de plateau surélevé nous salue alors que finalement nous passons le cap de la Pointe des Châteaux. Bientôt, plus de terre à l’horizon.

Adieu la Guadeloupe!

Cette fois, c’est la bonne, c’est le départ, c’est sûr.


19 mai 2017
Les premières vingt-quatre heures de navigation ont été rudes. Un bon vent de face, au près (c’est un des mots qu’on a durement appris à bord), mais une houle chaotique laissant peu de chance d’acclimatation aux novices dont je fais partie. La nuit a été longue et peu reposante, le bateau claquant et secouant de toutes parts. Encore une fois, cela ressemble à une mise à l’épreuve de la mer, nous rappelant que nous n’y sommes que des passagers et qu’il ne s’agirait pas de la sous-estimer. Chacun fait du mieux pour s’accrocher comme il peut, estomacs compris, sauf bien sûr le (vieux) loup de mer Dédé ainsi que Nico qui sont plus habitués que les autres (je les soupçonne d’avoir quand même un peu souffert en silence). Celui qui s’en tire le plus mal, c’est Thomas : l’amarinage prend du temps, la première journée l’ayant vraiment secouée. Pas drôle, et rester en cabine à l’horizontale est parfois la seule façon d’attendre que ça passe, si ça passe. Moi aussi cette nuit je me suis demandé alors que je me faisais balader dans toutes les directions autour de ma couchette « Mais dans quelle galère tu t’es embarqué mon vieux ? », imaginé tout et l’inverse, bref, le moral un peu secoué. Le lendemain, les conditions se sont bien calmées, on fait le point, ça ne devrait plus être aussi mauvais, ce qui nous redonne de l’appétit au sens propre comme figuré.

L’horizontalité est un concept particulier à bord e Kousk Eol…

Les jours suivants se déroulent merveilleusement, malgré le faible vent qui ne nous permet pas de suivre un itinéraire logique. On va donc les trois prochains jours imprimer une ligne tout ce qu’il y a de plus erratique sur l’écran de navigation, en partant un coup vers l’est, un coup vers l’ouest, se retenir presque parfois de devoir faire un demi-tour, et sortir comme dit précédemment toutes les voiles à bord une par une et selon toutes les combinaisons possibles, afin d’essayer de s’en tirer au mieux, le tout en essayant d’aller au nord pour chercher Eole.
Vous aurez remarqué que le style du blog a du bien changer par rapport aux écrits de Claude, technicien et linguiste hors-pair, pour ma part je me concentrerai sur l’expérience humaine et moins sur la voile car mes connaissances en ce domaine sont limitées (mais on y travaille !). D’autre part, nous avons une véritable équipe de journalistes à bord, l’un vidéaste l’autre photographe, nous essaierons donc d’illustrer ce blog en profitant du vieil adage qui dit qu’une image vaut mille mots.


23 mai 2017 – 4h
Il y a des moments où l’on se rend vraiment compte que l’on est au milieu de l’océan, et pour cela rien de tel qu’un quart qui démarre à quatre heures du matin, juste avant le lever de soleil. Le fin croissant de lune, bordé de son étoile unique – lui ayant fait la conversation des dernières heures de nuit avant de filer – laisse place petit à petit aux couleurs chaudes de notre étoile de vie, le soleil.

Juste avant le premier quart.

Un oiseau se détache du creux d’une vague presque inexistante en ce petit matin (peu de vent et pas de houle, donc nuit de sommeil agréable), et cercle autour du Kousk Eol. Lui aussi profite de la vue, ou alors s’intéresse au bateau et à ses deux occupants dans le cockpit. Ces oiseaux solitaires, volant à plusieurs centaines de miles des cotes, ont le caractère des marins qui prennent le large pour se retrouver seuls au milieu de ce bleu infini. Celui-ci par exemple a-t-il déjà vu un humain ?
En attendant impossible en ce petit matin de trouver le bon coup de vent qui nous amènera dans notre direction souhaitée. On file quasiment vers l’ouest, direction la Floride, alors que nous cherchons à remonter vers le nord, voire partir vers l’est dès que possible pour se jeter dans les premières dépressions de l’Atlantique Nord. Coincés donc. Litinéraire de ces quatre derniers jours, depuis que nous avons quittés Marie-Galante, est erratique. Bon entraînement pour les novices de la voile puisque du coup nous déployons tous nos moyens pour tenter de remonter, alors que le vent s’amuse à nous tourner autour. Prendre et lâcher les ris environ une cinquantaine de fois, rentrer la trinquette pour sortir le génois pour le ré-enrouler tout de suite après (fois dix, jusqu’à lui trouver sa place), déployer le code D tout beau tout violet (enfin un peu de couleur dans ces voiles), donc finalement rien d’anormal pour celui qui cherche en permanence les meilleures conditions. Et il faut dire que Dédé connaît bien son bateau. On ne la lui fait pas, même quand il est dans les bras de Morphée ou sur le trône, le moindre écart de barre et on entend une voix qui s’élève du fond du carré : « Tu lofes trop, abats ! » ou encore « Reprend les 10° que tu viens de perdre »… Tout ça avec beaucoup de patience bien sûr. C’est qu’il est quand même content d’être là avec ses deux fistons, André.

Manœuvres à bord.


Donc pour en revenir à notre itinéraire, les conditions font que nous faisons route vers le nord – cap sur les Bermudes – afin d’aller chercher les bonnes conditions de vent qui nous permettront de piquer à l’est dès que l’on atteindra la zone intermédiaire entre l’anticyclone des Açores et les dépressions du nord. Bon rien de nouveau pour ceux qui connaissent la traversée de l’Atlantique dans ce sens, donc nous ne nous étendrons pas plus sur le pourquoi du comment.

Il a même fallu récupérer la drisse de grand-voile à cause d’une manille qui a lâché…


Suite du voyage
Et voilà le virage a été pris vers l’est, les conditions de vent le permettant enfin.
Le tracé de route jusque-là n’a pas été linéaire, les manœuvres non plus, mais considérons cela comme de l’entraînement.
Les quelques jours de pétole qui se sont
enchaînés les quatre premiers jours ont présenté l’avantage de pouvoir pécher, avec dans l’ordre : une tête de poisson arrachée, un barracuda de 18 kg qu’on rejettera (ciguatera oblige), une petite bonite, suivi d’une dorade coryphène (mai-mai) qui nous rassasia de sashimi et de bon ceviche. Après cela, plus rien ne sera péché à part algues, physalies et un capot de jerrican (gros espoir pour Antoine qui pensait avoir pêché sa première prise), à croire que l’océan est vide.

On mange quoi, ce soir?

Sashimis dans le sloop! Oui je sais: déjà fait, mais je n’ai pas pu me retenir…

 


Donc une fois lancés vers le grand large, un vent de 15-20 nœuds de sud-ouest qui nous porte, on retrouve des conditions de navigation plus adéquates à notre espoir d’arriver dans les premières estimations de dates aux Açores. Même si le ralentissement du début avait été anticipé, nous n’avons plus de temps à perdre. La notion du temps se perd petit à petit, et sans journal de bord à mes côtés au moment ou je vous écris, je n’ai plus d’idée précise de ce qui s’est fait et à quel moment.
Dans le désordre donc, nous avons eu : une baignade au milieu de l’océan, des repas festifs et des repas répétitifs (ne nous parlez plus de plats au riz), des quarts longs et des quarts faciles, des nuits chaudes et des nuits froides, de la mer clémente et de la mer agitée, des grands moments de rien et du grand enthousiasme, et je vous laisse imaginer la suite des faits et leurs opposés.

Déserteur pris sur le fait.

Pêche au gros.

Au niveau de l’équipage, l’ambiance est très bonne, chacun vaquant selon ses envies et capacités, Dédé et Nico évidemment plus compétents que les autres même si Raph sort largement son épingle du jeu par rapport à Thomas et moi.

À propos de Thomas, pour lui ça ne se passe pas fort : malade depuis la première sortie entre Point-à-Pitre et Marie-Galante, il ne s’en remettra pas. Sans s’attarder sur son calvaire, il passera dix-$1 jours malade allongé sur sa couchette et tentant quelques sorties lors des moments de mer plate, ajournés dès que la houle se relèvera. Malgré cela Thomas a fait preuve de force de caractère en restant positif en documentant son mal grâce à sa Gopro face à laquelle il a tenu un journal de bord (de cabine?) ; peut-être aurons-nous accès à toutes ses confidences et états d’âme s’il les publie un jour ?
Les quarts se déroulent par créneaux de 3h30 au début (DD, Nico, Raph & Antoine ensemble), puis raccourcis grâce au fait qu’on me fait l’honneur de m’offrir un quart pour moi tout seul… On passe donc à des quarts de 2h30, ce qui n’est pas plus mal. Vive les quarts sous les tropiques : il fait chaud, la nuit est absolument magnifique, l’air est relativement sec. Les quarts à partir du milieu de l’Atlantique sont humides à souhait et l’air se rafraîchit rapidement (la mer aussi)… Petite pensée pour ceux qui ont traversé dans les eaux froides de l’hémisphère sud.
Nous avons croisé peu de bateaux à voile lors de notre traversée, et beaucoup de cargos (avec quelques échanges de VHF comiques à souhait, dont le fameux indien-pakistanais qui nous dit « Don’t worry, I monitor you. » depuis son cargo de 300 m), vigilance oblige. En ce qui concerne les voiliers, petite anecdote concernant nos amis bretons de Sirius (nos anciens voisins de marina à Point-à-Pitre, puis revus à Marie-Galante pour le mouillage et l’apéro à bord du Kousk Eol), nous les recroiserons après quatre jours de pétole au début. Les apercevant au loin, contents de voir un navire, nous les voyons se rapprocher jusqu’à les reconnaître. Pensant qu’ils viennent à notre rencontre nous nous préparons à les saluer, mais, lorsqu’ils passent trente mètres derrière nous, personne à la barre… Tom siffle, et là quatre têtes émergent de la cabine en catastrophe, se demandant qui siffle au milieu de nul part. Au moteur depuis quelques heures, ils filaient en fait en ligne droite vers l’est pour sortir de ce plat mortel, et faisaient la sieste… À peu de chose près ils nous seraient rentrés dedans ! Les recroisant plus tard aux Açores, nous auront largement le temps de les chambrer là-dessus, autour d’un petit punch à bord leur bateau.

Encounter of the 3rd type…

Notre autre voisin de traversée fut le catamaran Jesovico, avec Eric & Eric à bord (plus un mousse). aussi, quelques échanges de VHF, pendant lesquelles DD et Éric nous auront démontré leur grande capacité à se dire… ben pas grand-chose. « Jesovico, Jesovico, Jesovico pour Kousk Eol, Kousk Eol, Kousk Eol… alors ÉricÇa va ? Bon on a un vent un peu faible… » Eric : « Oui André, tout à fait… nous avons… un vent… un peu faible… » DD : « Alors heu… quelques vagues hein ? » Eric : « Eh bien, oui… quelques vagues en effet André »… DD : « Bon il fait pas très beau hein ? » Éric : « ah oui André, il ne fait pa très beau… » DD : « Bon et bien Éric, content de t’avoir parlé, à plus tard… » Éric : « Oui on se reparle plus tard… over ». Bon, on dira que c’est la forme qui compte et pas le fond quand on se sent un peu seuls en mer. En tous cas, ça fera une bonne blague pour tout l’équipage qui en rigole encore.

Y paraitrait que c’est pas des poissons et qui faut pas les manger…


Et voilà, que vous dire de plus ? Gros vents par la suite, manœuvres à gogo du DD qui nous fait tout sortir voile par voile pour les replier tout de suite après (quand y a pas de vent, y a pas de vent…), car au final la bonne combine c’est quand même grand voile et génois qui marcheront tout du long… Avec quelques embardées, rattrapages de courbes, calculs d’itinéraires, et tout ce qui fait la joie des navigateurs et les besoins d’une traversée.
Arrivée très tôt aux ores après avoir tenté de décider la veille si nous voulions arriver de jour ou de nuit : ayant pris la décision d’arriver de nuit, nous arriverons de jour… L’anticipation a ses limites en mer.

Nous aurons traversé en un peu plus de seize jours: pas mal pour des débutants!

C’était : Kousk Eol vu par Tonio.
Prochain épisode : le repos bien mérité sur L’île de Faial.
A bientôt.