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Robinson Crusoé – Arica

Départ donc le 24 février 2015 en fin d’après-midi : l’île, sans doute triste de nous voir partir, s’est recouverte de nuages.

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Robinson Crusoé qui disparait…

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En fait, toute cette première nuit, nous essuierons des grains, avec leurs vents changeants : deux ris dans la grand-voile, et un tiers de génois pour être un peu tranquille, relativement.

Cette étape fait un peu plus de mille milles nautiques : nous devrions arriver à Arica d’ici une petite semaine si la météo ne nous lâche pas.

Pour l’instant et durant presque deux jours, nous sommes secoués dans tous les sens : grand largue sur une mer désordonnée. Le bateau est très inconfortable, au point qu’il est même difficile d’arriver à se caler pour dormir ! Pour ne pas tomber dans le scabreux, j’éviterai de parler des opérations toilette…

Nous avons un visiteur une nuit : un petit calmar vient s’échouer sur le pont. Dommage qu’il soit venu seul…

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Puis, comme la météo le prévoyait, une petite dépression a réussi à forcer le mur de l’anticyclone et nous apporte son régime instable. Le vent tombe. Essai de Code D pour se sortir de là, mais impossible de faire route directe. Et le vent, déjà faible, ne cesse de faire la girouette… De dépit, nous enroulons la voile : on attendra que le vent se stabilise sous grand-voile seule.

Ce n’est pas aujourd’hui que nous battrons notre record de plus de 200 milles en 24 heures: nous ne ferons que 80 milles ce jour ! Enfin, après avoir jonglé quelque temps entre génois, Code D, empannages, il semble que le vent veuille se stabiliser un peu, cette fois du sud-ouest : cap direct sur Arica !
Puis finalement, nous commençons à nous faire bercer par une vraie houle, longue, régulière, débonnaire : ça sent les alizées ! Surtout qu’on vient de laisser les 30°S derrière nous.

Tiens, c’est marrant ça au fait : alors que nous pauvres Français nous évertuons à attribuer des noms très poétiques à toute chose dès que nous le pouvons, nos cousins anglo-saxons, eux, ne tournent pas autour du pot. Les alizées, au moins du temps de la marine à voile, n’étaient pas là pour faire plaisir à d’improbables plaisanciers, mais pour faire avancer des navires remplis de denrées à échanger contre un maximum d’espèces plus sonnantes que trébuchantes. Et donc nos cousins de les nommer « trade winds », pas d’hypocrisie !
Rappelez-vous aussi le coup des Baléares et de Mahon: pendant que les Anglais nous viraient de l’île, nous on récupérait la recette de la mayonnaise… Ils nous font peut-être moins rêver, mais du coup, c’est qui les maîtres du monde ?

Les deux frangins, quant à nous, nous resterons à jamais d’indécrottables WAFIs…

Un autre signe qui ne trompe pas que nous allons bien vers les alizées : les couilles des Glénans (ou les couilles de loup, il y en faut pour tout le monde !), sont ressorties.

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Elles sont sorties!

Et comme chacun sait, quelles sont les écoutes qu’on a en général le plus souvent besoin de lover pour qu ‘elles n’encombrent pas le pont, les plus longues ? Ben les écoutes de spi pardi ! Et le spi, c’est quand le vent est régulier et pas trop fort… Et dans le grand sud, le spi et ses écoutes étaient bien à l’abri dans la soute à voile. Donc ?

C’est comme l’histoire du trappeur blanc qui ramasse du bois : quand le marin de Kousk Eol tricote des couilles des Glénans, les alizées ne sont pas loin… Principe peu connu qui mériterait qu’on lui fasse une place majeure dans tout traité prétendant dispenser un quelconque savoir en météorologie.

Depuis que nous sommes deux à bord, nous nous organisons par quart de cinq heures la nuit, avec changement à 3 h : on s’habitue vite au rythme. Et cela permet de dormir vraiment. Enfin: quand l’état de la mer le permet!

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Ah les couchers de soleil!
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Mais la lune, c’est pas mal non plus…

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28 février: deux jours que le vent n’est plus notre copain… De petites dépressions peu actives viennent du sud et perturbent les flux d’air: direction et force erratiques. La moyenne tombe brutalement: à peine une trentaine de milles cette nuit! La mer est plate et les oiseaux sont posés: il n’y a même pas le minimum d’air pour qu’ils puissent voler, et ils font moins les malins, les seigneurs des vents forts!
C’est Humbolt qui fait tout le boulot: son courant remonte du sud le long de la côte à un peu plus d’un nœud, et avec lui son eau froide.

Et puis petit à petit le temps se stabilise: mer presque plate et petite brise qui nous déhale entre quatre et cinq nœuds. On ne va pas se plaindre!

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Océan complètement pacifique…

Soudain, deux otaries, à plus de 200 milles des côtes, se prélassant, pas du tout impressionnées par Kousk Eol et son train de sénateur (un comble pour un Centurion!).

Encore plus étonnant: une cinquantaine de grands dauphins viennent tourner autour de Kousk Eol, encadrés par une dizaine de globicéphales noirs, majestueux! Nous profitons du spectacle comme de grands gamins.

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Des myriades de méduses et autres planctons occupent tout l’océan: pas un espace de libre, en tout cas pas d’incitation à la nage… Une nuit, nous aurons même une douzaine de calmars sur le pont: malheureusement trop desséchés pour finir à la poêle…

La nuit, la mer étincelle lorsque l’étrave de Kousk Eol allume le plancton phosphorescent: vision féerique!

Côté navigation, ça s’améliore: le vent repasse au SSE et monte à une douzaine de nœuds. Y a bon pour le Code D! Et du coup, le temps estimé par le calculateur pour arriver à Arica passe brutalement de 400h à 60h! Le Pacifique ressemble enfin à l’idée qu’on s’en faisait: vents réguliers et mer tranquille.

Il fait grand beau. De nouveau, nous avons droit aux couchers de soleil somptueux, avec chasse régulière au rayon vert! On parlerait bien des nuits fantastiques si on n’avait pas peur de vous démoraliser: Voie Lactée immanquable, étoiles filantes, constellations exotiques, et bien sûr, la Croix du Sud…

2 mars 2015, 11h30: nous repassons le Tropique du Capricorne (23° 27S). Cette fois c’est sûr, il va faire meilleur! D’ailleurs, un autre signe qui ne trompe pas: le taud/casquette du poste de barre est de nouveau déployé. Et tiens, Arica est maintenant à moins de 300 milles. Nous passons sur une fosse à plus de 8000m de profondeur: un Everest à l’envers… On fera attention de ne pas faire tomber une petite cuiller…

Ce matin, nous admirons le lever de soleil au-dessus de la cordillère des Andes au loin: la terre est toujours là! Très belle journée, vent raisonnable et mer calme: juste ce qu’il faut pour faire un très long bord sous Code D, et compenser les « petites » journées précédentes. Arica continue à s’approcher. En début d’après-midi, le moulinet de la canne à pêche siffle: une belle dorade vient de se faire prendre! Ça va nous changer des saucisses… Eh ben non: elle trouve moyen de se faire la belle au moment de la remonter dans le cockpit…

A bord, une espèce de routine s’installe: tel un vieux couple n’ayant plus besoin de parler pour que les choses soient dites, les deux frangins s’installent devant l’écran du PC après le repas du soir pour se faire un film (merci Marco!), avant les quarts de nuit… Cool.

Mercredi 4 mars: la côte émerge de la brume au petit matin. De nouveau des otaries autour de nous, survolées par des pélicans. Et on aperçoit même des baleines plus au large…

Mais le vent tombe 20 milles avant l’arrivée à Arica: c’est Volvo qui s’y colle pour le coup. Mais il n’a pas intérêt à râler: on lui a largement fichu la paix ces derniers jours!

14h: ça y est, nous sommes amarrés entre deux bouées du Club de Yates d’Arica… Un lion de mer vient vérifier le mouillage, débonnaire.

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L’arrivée sur Arica.

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16h30: nous coinçons une bulle tranquille sur le bateau, quand une voix nous appelle, par nos noms… C’est Mike, qui arrive tout juste, en solitaire comme d’habitude! Et qui a mis presque autant de temps que nous, malgré notre stop à Juan Fernandez: apparemment le vent était en vacances le long de la côte.

Et ensuite? Ben ensuite André et Claude vont jouer les touristes au Pérou pendant quelques jours, les copains. Y a pas de raison… On vous racontera si vous êtes sages.
Puis il faudra préparer à nouveau le bateau pour la traversée vers les Galapagos (complément d’avitaillement, eau, gas-oil, …). Le départ est prévu le 27 mars, mais on vous tient au courant!
Frank, un copain de Californie, qui a déjà fait partie de l’équipage entre Salvador et Buenos Aires, doit nous rejoindre le 26 pour cette traversée.

L’île de Robinson Crusoé

Samedi 21 février 2015– Nous nous réveillons dans la Bahia Cumberland, devant San Juan Bautista, le seul endroit habité de l’île, sous la brume et un petit crachin. Et sous les sommets que l’on devine, abruptes comme sur toutes les îles volcaniques.
La Bahia Cumberland est le seul endroit offrant un mouillage à peu près sûr. Mais les fonds plongent vite: il faut bien viser pour mettre l’ancre!
L’île semble accueillante: d’ailleurs, il semblerait que tous les moustiques du coin nous attendaient pour faire bombance la nuit durant. Du sang frais de petits voileux français, il n’y a pas d’arrivage tous les jours!

André s’offre un petit bain matinal pour aller dégager le mouillage baladeur que nous avions accroché la veille avec la quille en arrivant de nuit.
Petit déjeuner, puis passage à l’Armada pour les formalités d’arrivée: nous étions attendus.
Et pour vous faire découvrir l’île avec nous, nous décidons de faire une petite ballade sur un des sommets qui dominent la baie, et de vous montrer quelques belles photos à indice lacrymométrique (IL) élevé dont nous avons le secret.
Ça a failli… Ce con d’ And.. Clau…And… bon d’accord: de Claude, mais on n’en parle plus, a oublié l’appareil photo à bord!
Oh là, dans le fond, vous croyez que je ne vous entends pas ricaner? On a dit « On n’en parle plus. », alors arrêtez ou quittez ce blog immédiatement!

Donc, il va falloir faire travailler votre imagination… Hormis le village, l’île est un parc national protégé. Un bon chemin, quoiqu’un peu boueux, nous emmène vers ce sommet dont nous parlions, au nord-est de Robinson Crusoé. Dès qu’on dépasse 100 m d’altitude, la végétation devient rase à cause du vent. Les sommets accrochent les nuages humides venant du grand sud. Vue magnifique sur la baie et la partie centrale de l’île, et son point culminant à un peu moins de 1000 m. Kousk Eol paraît tout petit au milieu des barques de pêche. Petite pause empanada et nous redescendons.
Même impression qu’à Puerto Williams: nous avons vraiment l’impression d’être au bout du monde une fois de plus…
Ça va? Vous suivez? Pas besoin de faire un dessin? C’est vrai qu’une photo, ça aurait eu de la gueule…

L’île est isolée, exporte des langoustes et dépend du continent (et des touristes) pour tout le reste. La capitale Juan Batista et ses 800 habitants est vite visitée.

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San Juan Bautista et la Bahia Cumberland
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L’île vue du Nord, avec la Bahia Cumberland
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Le Sud de l’île

Juan Batista a été complètement rasée par le tsunami de février 2010… Et se reconstruit petit à petit depuis, un peu plus sur les hauteurs.

L’archipel Juan Fernandez comprend deux îles principales: Alejandro Selkirk (à 90 milles à l’ouest) et Robinson Crusoé. Toutes deux ont été déclarées réserves de biosphère par l’UNESCO. Toutes deux sont volcaniques. La relative difficulté de s’y rendre les protège un peu d’une certaine forme de tourisme: il y a bien un aérodrome, mais pour tout petits avions qui ne peuvent plus atterrir dès que le vent dépasse les 15 nds. Et de plus, l’aéroport n’est accessible qu’à pied (18 km de chemin à travers la montagne) ou en bateau (1 h de Juan Bautista, quand il n’y a pas trop de vagues). Compliqué pour les voyages dits organisés.

Nous n’irons pas à Alejandro Selkirk, car le mouillage est trop aléatoire, très mal protégé.

Dimanche 22 février: une journée bien remplie…
Après une nuit tranquille, on voulait se la faire cool: montée au mirador de Selkirk, d’où le débarqué solitaire était censé observer l’immensité de l’océan (et de sa solitude), puis la redescente pour une petite cerveza locale en forme de récompense pour l’effort accompli (eh oui, il y a une cervezeria sur l’île, qui fait les cervezas del Archipielago: ne cherchez pas, on ne les boit qu’ici).

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« LA » bière…

Selkirk, c’est celui qui a usurpé l’identité de Robinson Crusoé. Ou l’inverse… Il paraît qu’il faut demander à un certain Defoe… Selkirk aurait été déposé sur l’île suite à des divergences avec son capitaine. Il aurait même promis, au moment de se faire débarquer, qu’il avait changé d’avis, mais le capitaine lui aurait répondu que lui, non…
Son point d’observation est tout de même à un peu plus de 500 m d’altitude, par un chemin raide, donc une bonne petite marche.
Et au moment de partir, André aperçoit des gens avec des bagages se dirigeant vers le ponton d’embarquement: sûrement des passagers du vol d’aujourd’hui vers le continent. Très opportuns, nous profitons du transport vers l’aéroport, au sud de l’île, à une heure de bateau: nous reviendrons à pied par le chemin qui traverse toute l’île du sud au nord. C’est quand même mieux que l’aller-retour au mirador.

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En allant vers l’aéroport.
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Depuis le « bus » pour l’aéroport…

Le ponton de débarquement sous l’aéroport est dans une caldeira, magnifique cratère envahi d’eau et dans lequel des dizaines d’otaries à fourrure de Juan Fernandez s’ébattent… Impressionnant spectacle, juste sous nos yeux! La caldeira est apparemment une zone de reproduction, et nous pouvons admirer la production de l’année, de nombreux bébés otaries se prélassant sur le bord de mer, en vagissant à qui mieux mieux.

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La caldeira sous l’aéroport.

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Puis remontée vers l’aéroport, d’où part le chemin vers Juan Bautista. L’aéroport a été construit sur la seule partie de l’île à peu près plate et dégagée. Malheureusement peu accessible…

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L’aéroport de Robinson Crusoé.

La partie sud de l’île est désertique, avec des paysages très similaires à ceux que nous avions pu admirer à l’est de Madère.

crusoe-trek1 crusoe-trek2-otaries crusoe-trek3 crusoe-trek4 crusoe-trek5 crusoe-trek6Après deux heures de marche, nous apercevons la partie plus haute de l’île, qui capte plus l’humidité des nuages qui s’accrochent aux sommets: le paysage devient de plus en plus vert, et la végétation plus fournie.
Durant tout le trajet jusque-là, nous voyons et entendons (et sentons!) des centaines d’otaries en contrebas: la préservation de l’espèce, endémique de l’île semble, pour l’instant au moins, assurée.

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Vue vers le Sud
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Vue vers le Nord
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San Juan Bautista et la Bahia Cumberland. Kousk Eol est l’un des petits points blancs en bas à droite…

La montée vers le col qui permet de basculer sur le versant nord est raide et un peu casse-pattes, mais nous arrivons assez rapidement vers ce fameux col, connu pour être ce point de vue que favorisait Selkirk pour guetter son hypothétique secours, et se morfondre sur sa solitude…

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Plaque commémorative à la mémoire de Selkirk.

La vue est magnifique sur la Bahia Cumberland: l’oubli de l’appareil photo le premier jour est presque pardonné.

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La Bahia Cumberland, avec Kousk Eol au fond…

Puis dernière descente plutôt raide vers le village: petite pensée émue pour Richard en repensant à une certaine descente casse-pattes similaire du Mont Bego.
Puis retour tranquille vers le bateau. Un restaurant ayant eu la bonne idée de s’implanter à côté de notre annexe, nous décidons d’y savourer les cervezas que nous évoquions un peu plus tôt… Et de fil en aiguille, de discuter de la possibilité de déguster enfin une langouste de Juan Fernandez: et hop, rendez-vous pris pour 20h, langoustes au menu du soir pour les frangins!

Pour agrémenter le tout, le patron du resto était présent lors du tournage de l’émission Ushuaia à Robinson Crusoé: apparemment notre ex-cathodique pseudo-surfeur de vague écologique de présentateur s’est plutôt tourné en ridicule lorsque les locaux ont pu visionner l’émission… Le voilier qui le montre fièrement à la barre et le commentaire laissant à penser qu’il a traversé depuis la Polynésie ne sont qu’une pure esbroufe: le bateau était au mouillage, attendant gentiment que le pathétique donneur de leçons fasse semblant devant la caméra d’avoir bravé les infinis océans, le fou héroïque!
Et il semble qu’une grande partie de l’émission ait été à l’avenant… On comprend mieux qu’il essaie de se recycler en politique…
Bref: le courant n’est pas trop bien passé sur l’île.

Ce qui ne nous a pas empêché de déguster notre langouste, rassurez-vous! On vous le disait: journée bien remplie… On devrait bien dormir cette nuit!

23 février. Aujourd’hui, journée tranquille à bord. Il faut songer au départ, vers Arica. André se mouille encore une fois pour nettoyer la ligne de flottaison, jugée indigne de marins tels que nous. Et il faut aussi re-sécuriser les bidons de gas-oil le long des filières. On en profite aussi pour déboucher le brûleur du réchaud: la cuisine devrait prendre un peu moins de temps!

Petite visite à terre tout de même, avec tentative hautement infructueuse de connexion à Internet: la mise à jour du blog attendra Arica! Nous allons voir les grottes qui ont abrité les patriotes de la guerre d’indépendance: 300 prisonniers des Espagnols isolés sur l’île au début du 19e siècle.

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Nous avons rencontré plusieurs Français sur l’île: une assemblée de radioamateurs venus faire des tests de portée vers les USA et le Japon. En tout plus d’une vingtaine de fêlés comme nous, poussés par leur passion: quand même plus d’une tonne de matériel à faire venir, débarquer et installer, pour quelques jours! Ils ont un site: «  juanfernandez2015.com ».
Et ne vous méprenez pas sur le « fêlés »: un grand philosophe (une citation d’Audiard, ça vaut bien 20 déclamations du bellâtre en chemise blanche négligemment ouverte, non?) a dit qu’eux au moins laissent passer la lumière. Nous sommes fiers d’en être!

Le soir tombe: pas de temps à perdre pour un dernier pisco sour (excellent) avant de retourner à bord. Et par-dessus le marché, nous nous faisons offrir deux kilos de thon fraîchement pêché. Pas pire pour le repas!

24 février. Nous partirons ce soir vers Arica: le vent devrait nous pousser vers le nord durant les 2-3 prochains jours, avant une période plus calme…

Ce matin est arrivé un voilier, Troubadour, un beau Swan 47: un couple de Français en route vers la Polynésie, et venant aussi de Puerto Montt. Que nous retrouverons peut-être vers Tahiti.

Derniers pas sur l’île, retour à l’Armada pour les formalités de départ: même questions, même formulaire à remplir, toujours dans la bonne humeur. Ah, cette fois on nous demande la hauteur du franc-bord: nous on n’est pas contre un peu de nouveauté!

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Ne pas oublier la Poste!

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Puis un petit pèlerinage vers le lieu de commémoration du sabordage du Dresden, cuirassé allemand, pris en chasse par les Britanniques en 1915, qui repose maintenant par 65 m de fond dans la baie.

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Les canons du Dresden?

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Délicieuses empanadas de poulpe au Brisas de Mar et retour sur Kousk Eol pour nous préparer: un peu plus de 1000 milles pour Arica, avec du vent prévu les premiers jours.

En rentrant au bateau nous passons par Troubadour, le beau Swan 47 d’un couple de Français arrivés plus tôt dans la journée: eux aussi viennent de Puerto Williams et les canaux. Et se dirigeront un peu plus tard vers la Polynésie. Ils ont eux aussi un problème de réception de données avec leur Iridium: nous leur donnons un coup de main rapide pour valider que ce n’est pas un problème de téléphone. Comme nous il y a quelque temps…

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Valdivia – Juan Fernandez

Mercredi 18 février 2015 – Ça y est: Jacques nous a quitté comme prévu pour aller vers Santiago, après presque trois semaines avec nous, plus à préparer le bateau qu’à naviguer… Ce n’est que partie remise!

Derniers préparatifs avant de quitter Valdivia, puis nous disons au-revoir à nos voisins de ponton.
Hier soir, nous avons fait un repas à bord avec eux: les antipodes réunis autour de la même table… Nous avons bien essayé d’unir nos idées pour rebâtir le monde, mais nous nous sommes quittés sur un constat d’échec, en ayant le sentiment d’avoir tout de même travaillé à renforcer l’amitié franco-australienne pour les décennies à venir!

Et au moment du départ, Mike, le skipper australien solitaire de Carmen (76 ans!) nous apprend qu’il ne retrouve ni son passeport, ni les papiers de son bateau… « C’est peut-être aussi simple pour moi de rentrer en Australie faire refaire mes papiers! ». C’est sûr: environ 6000 milles, la porte à côté, quoi. Mais personne pour demander les-dits papiers pendant ce temps!

La veille, l’Armada est venue vérifier que Kousk Eol était apte à prendre la mer, et surtout que nous avions bien tout l’équipement de sécurité: un sans-faute, jusqu’au moment où le préposé contrôle la date de péremption de nos fusées de détresse, plus obligatoires en France, mais que nous gardons à bord, au cas où… Petite leçon sur l’importance de ces fusées. Nous nous étonnons que cette vérification ne soit faite qu’au moment de quitter le Chili: c’est vrai que les formalités d’entrée à Puerto Williams avaient été plutôt cool! Mais bon, nous avons tout de même l’autorisation de partir.

Le temps est au beau. Mais l’anticyclone un peu musclé… Nous avions eu l’occasion de tester plusieurs programmes sur Kousk Eol dans la descente de l’Atlantique: lavage grand teint, rinçage XXL avec essorage combiné et vitesse aléatoire (ne cherchez pas: options uniquement disponibles sur Kousk Eol). Ici, nous découvrons en plus la fonction « Essorage à sec »: soleil, 30-35 nds de vent et vagues de plus de 4 m!

L’équipet où sont stockées les soupes n’y résiste pas: grand choix de bouillon, veloutés et autres consommés répandus sur le plancher. De toutes les façons, ça secoue trop pour faire de la cuisine!

Jeudi 19. Le bateau marche bien, mais se fait coucher de temps en temps. Au matin une vague arrache la planche qui retient les bidons de gas-oil: sauvetage in extremis! Il faudra revoir l’arrimage! Alors qu’on avait mis tant d’amour à tailler et fixer cette planche à Piriapolis avec Jacques (D., pas V.: faut suivre!)…
Nous sommes à mi-chemin en milieu de journée: encore 220 milles à courir.

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Sur le Pacifique…

Vendredi 20: Nous avons fait 206 milles pendant les dernières 24h: un record pour Kousk Eol, avec 3 ris dans la grand-voile et sous trinquette! Virgule dix-sept pour les incrédules. Et les esprits chagrins qui prétendront que le GPS a été acheté à Marseille n’ont qu’à passer leur chemin en s’assurant de bien traîner leur dédain derrière eux…

En fait, c’est tout simplement qu’on est vendredi, et qu’on s’était dit que ça ferait quand même classe d’arriver à l’île de Robinson Crusoé un tel jour. Non?

Petit revers à la médaille: la mer est chaotique, les vagues, bien qu’un peu moins fortes (2 à 3 m) aujourd’hui, sont désordonnées pour utiliser un banal euphémisme. Nous avons l’impression que notre normalement irréprochable Kousk Eol s’est transformé en casserole incontrôlable, une espèce d’attraction de Disneyland qui aurait foiré, un Space Mountains demandant de sérieux serrages de boulons…

Le largue avec 3 ris dans la grand-voile n’aide pas à stabiliser le bateau, malgré les 25 nds de vent. Nous relâchons un ris et le génois: léger mieux… Kousk Eol file tout de même à 8-9 nds.

Côté longue houle langoureuse du Pacifique, on s’est un peu fait avoir!

En fin d’après-midi, nous apercevons les sommets de Robinson Crusoé dans les nuages: ça va être juste pour arriver de jour!
C’est vers 22h que nous entrons finalement dans la Bahia Cumberland. Petit tour de reconnaissance avant de jeter l’ancre… Merde: nous nous prenons dans une ligne de mouillage qui barrait la route sur plus de 20 m, invisible de nuit! Il faudra couper tout ça demain matin!

Et encore un rêve de gosse qui devient réel: d’ailleurs, je ne crois pas que nous savions, étant gamins, que l’île de Robinson Crusoé existait vraiment… Alors, y arriver un vendredi, je vous dis même pas!