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Santa Cruz – Pointe à Pitre

Samedi 26 novembre 2022, 10 heures 30 : c’est l’heure d’y aller… Les courses sont faites, les réservoirs d’eau pleins. Petite particularité de la marina de Santa Cruz : il n’y a pas de poste à carburant… Bizarre, alors que beaucoup de bateaux s’arrêtent ici avant la traversée. Ça nous aide à décider qu’il devrait nous rester suffisamment de gasoil.

Petit commentaire liminaire, avant que tu ne te lances, lectrice1, dans le déchiffrage de ce chapitre. La traversée depuis les Canaries va prendre un peu plus de deux semaines, nos sponsors personnels n’ayant pas daigné nous équiper d’un coursier dernier cri volant sur les eaux sur ses foils afin de caracoler en tête de la ‘oute du ‘hum. Et cette remarque de dépit n’enlève rien aux qualités de Kousk Eol, super voilier entre tous. Mais là n’était pas le propos : deux semaines, ça peut paraître un tantinet long quand l’univers se réduit à une étendue d’eau plus ou moins plate sur 360 degrés, avec un coucher et un lever de soleil par 24 heures. Et donc, cet environnement peut parfois devenir la cause de délires verbaux de la part du narrateur, dont le manque notoire de force intérieure n’est plus un secret pour personne. Il est encore temps pour toi, lectrice (et oui : toi aussi lecteur), de refermer cette page et de vaquer à des occupations plus gratifiantes pour la grandeur de la nation.

Toujours là ? Tu auras été prévenue…

Les amarres sont donc larguées, Anne-Sophie met le cap au sud ouest. D’après les derniers fichiers GRIB, l’alizé est bien établi. Mais pas si près de Tenerife : nous devons déjà faire un peu de moteur. Surprise en hissant la grand-voile : le shipchandler qui nous paraissait si sympathique nous a rabioté de deux mètres sur la fameuse bosse du deuxième ris. On doit donc s’arrêter au ris un. Pas trop grave car le vent doit s’établir vite autour de 20 nœuds.

Bye bye Santa Cruz!

Pour le moment, c’est la première fois que nous portons des shorts depuis notre départ de Toulon !

Dès la sortie du port de Santa Cruz, Eric choisit un rapalla pour la canne à pêche : sushi ce soir ?

Le vent monte progressivement, et avec le génois en ciseaux, Kousk Eol caracole autour de huit nœuds. Sur l’écran du PC, nous voyons plusieurs voiliers suivant à peu près la même route que nous. Certains vont sans doute s’arrêter au Cap Vert.

Puis le soleil se couche et la première nuit de la traversée nous enveloppe, faisant briller une voûte étoilée magique. Au fait : non, nous n’aurons pas de sushi ce soir… Par contre , on se fait rouler, au sens propre du terme. L’alizé est vraiment en place. Entre 20 et 25 nœuds, vent arrière : pas la plus confortable des allures dans une mer un peu indisciplinée, mais Kousk Eol avale les milles à un bon rythme.

Première nuit de cette traversée…

Nous décidons même de prendre un deuxième ris et de réduire encore le génois. Le vent montera à 25 nœuds établis, permettant des pointes à plus de 14 nœuds !

Le pilote tient bon, mais même si nous réglons la réactivité au minimum acceptable, la consommation électrique reste élevée, et il faut prendre la barre de temps en temps pour permettre aux batteries de se charger avant la nuit. Une particularité de cette traversée, d’est en ouest, est que l’après-midi, le soleil vient de face, et les voiles font de l’ombre aux panneaux solaires… Pas la configuration idéale pour transformer les photons en électrons !

Lundi 28 : nous passons le Tropique du Cancer dans l’après-midi, fêté comme il se doit avec un bocal de babas au rhum du Comptoir de Mathilde. Publicité gratuite. Une tuerie, gentille attention de Stéphanie et Pierre.

Petite douceur, pub gratuite!

Et puis, situation bizarre… Alors que j’étais en train de bricoler dans un coffre du cockpit, après avoir pris toutes les précautions possibles, si si je vous assure : capot sécurisé avec son crochet à la filière, et moi à genou pour compenser le roulis. Safe, je vous dis. Ben voilà-t-il pas que le crochet explose littéralement, lâchant traîtreusement le très lourd capot sur mon front. Vous y croyez, vous, à un crochet de sécurité qui casse ? Ça fait un moment que je les observe, A-S et E (je masque les noms par peur des représailles, pour qu’ils ne se reconnaissent pas). Je vous avais dit que je les soupçonnais de vouloir me débarquer en Espagne. Cette fois, ils passent à la vitesse supérieure : élimination physique… Je suis sûr d’avoir entendu « C’est raté ! » . Ils prétendent avoir voulu dire « Ah il ne s’est pas raté ! ». Euh, pardon, oui ? Que j’arrête mes délires tout de suite, ou bien pas de ti punch ? Bon. Je vais mettre un gros pansement sur ma parano pour l’instant…

Anne-Sophie s’y colle comme infirmière. « Euh, tu es sûre ? Tu t’y connais ? » « Évidemment ! J’aide Vincent à soigner les chevaux au hara. Alors, panser un vieux bourrin cacochyme… ». Ah bon ! Me voici complètement rassuré. Elle me coupe le bout de scalp qui pendouille sur mon front avec les ciseaux de la cuisine (qui entre nous coupent moins qu’un couteau à tartiner le beurre…), et me pose un beau sparadrap après désinfection. Je suis prêt pour aller bricoler dans l’autre coffre…

Mardi 29. Le vent est monté à 30 nœuds, et les vagues suivent : 3 à 4 mètres pour certaines. Et Eric de se pavaner à la barre : « Record battu ! Pointe à plus de 16 nœuds en surfant ! ». Comme c’est bien avant binouze o’clock, la prouesse est homologuée…

Si le tribord amure du début nous était favorable, ce n’est plus le cas : nous descendons trop bas, vers les îles du Cap Vert. On doit donc empanner. Je vous rappelle que nous sommes vent arrière , voiles en ciseaux. L’équipage, au top, mène la manœuvre dans un zéphyr musclé et une mer formée : génois roulé, tangon passé sur l’autre bord, puis virement vent debout sur l’élan, pour éviter de la casse. Nickel. Et nous reprenons la bonne route.

La nuit, nous commençons à entendre les poissons volants qui s’échouent sur le pont…

Notre première tentative de pêche se solde par une ligne cassée : il faut dire qu’à cette vitesse, seul un très gros pouvait mordre…

Jeudi 1er décembre. Premier échange de SMS via Iridium avec Christine, Cathy et Vincent pour donner notre position et dire que tout va bien. Nous sommes passés sous la barre des 2000 milles restants jusqu’à Pointe à Pitre (sur un total d’environ 2800 milles). C’est sûr, le zéphyr alizéen a bien pris ses vitamines cette année !

24 heures à bord de Kousk Eol. Et si on essayait de vous raconter comment ça se passe à bord ? Comment nous passons nos journées ?

Qu’est-ce qui rythme notre quotidien, dans cet environnement de solution de chlorure de sodium vaguement céruléenne jusqu’à l’horizon, quelle que soit la direction dans laquelle on regarde ? Quels sont les évènements jalonnant le NTM2 kouskéolien ?

Si on démarre avec le réveil de l’équipage, vers 7 heures 30, la première activité est de faire chauffer de l’eau pour un café ou un thé, puis d’avaler quelque chose de plus solide tout en discutant des derniers quarts : « Comment s’est passée la nuit ? As-tu dû régler les voiles ? Modifier le cap du pilote ? As-tu vu une cible AIS ? ». Ah, il faut aussi vérifier s’il n’y a pas de poissons volants échoués sur le pont…

Lever de soleil.

En général, celui qui a assuré le dernier quart (de 3 heures jusqu’au lever de l’équipage) va se coucher pour récupérer pendant que les deux autres assurent la veille.

Un moment important ensuite est le repas de midi où nous nous retrouvons tous les trois. Le menu est discuté et élaboré en fonction des disponibilités de la cambuse et des goûts de chacun. Souvent une salade à base de chou : le chou vert se garde très longtemps. Puis on passera au maïs-haricots verts…

Ensuite chacun y va de sa petite sieste, d’une lecture ou d’une discussion à la portée philosophique proportionnelle à l’immensité qui nous entoure (Rappelez-vous les papys radoteurs). La navigation est assurée par le pilote automatique, à qui il est hors de question de demander son avis, et la veille se fait à tour de rôle, naturellement.

Autre moment important : le repas du soir, aux alentours de whisky o’clock. C’est l’occasion de manger un plat chaud avant d’attaquer les quarts de nuit : de 21 heures à minuit pour Anne-Sophie, suivie par Eric de minuit à 3 heures, puis par Claude jusqu’au lever du jour. Avec pour responsabilité de vérifier que Kousk Eol reste sur la bonne route, que les voiles sont adaptées à la force et la direction du vent, qu’il n’y a pas d’autres navires autour de nous, que les batteries sont toujours chargées, etc. Nous avons opté pour la facilité pour le réglage des voiles : comme l’alizé est relativement fort (autour de 20 nœuds, principalement au vent arrière), nous avons pris deux ris dans la grand-voile dès le début, et ajustons la surface du génois avec son enrouleur, manœuvre qui a l’avantage de pouvoir s’effectuer seul. Mais ça, c’était avant les cinq jours de pétole qui nous attendaient.

Pour certains, les quarts sont aussi le prétexte on ne peut plus fallacieux d’ingurgiter des gâteries de préférence au Nutriscore plutôt élevé dans l’alphabet. Soi-disant que ça aide à tenir le coup, surtout quand le Nutriscore est proche du Z. À côté, se lubrifier l’œsophage à base de kouign aman pourrait passer pour un régime diététique. D’autres préféreront manger des graines…

Un point critique à surveiller régulièrement : la consommation électrique. La recharge des batteries est normalement assurée par les panneaux solaires et l’éolienne. Les panneaux chargent en général le matin, car, comme déjà dit, nous allons vers l’ouest, et’ l’après-midi, les voiles occultent le soleil… Quand à l’éolienne, il lui faut idéalement au moins 15 nœuds pour être vraiment efficace. Mais au vent arrière à plus de 8 nœuds, si le vent réel est de 20 nœuds, il se réduit à une douzaine de nœuds en apparent… Et donc les batteries ne sont pas toujours suffisamment chargées en fin de journée. Une des tâches de l’équipier de quart est donc de vérifier le niveau des batteries pour décider s’il faut lancer le moteur, en général pendant une heure ou deux, afin que le frigo et le pilote soient alimentés : les batteries au plomb n’apprécient que très modérément de voir leur tension descendre en-dessous de 12,2 volts.

« Ben vous avez qu’à barrer à la mimine, bande de feignasses ! », ne manquerez-vous de judicieusement me susurrer. Sauf que barrer au vent arrière, voiles en ciseaux, par bonne brise et mer formée est un exercice demandant beaucoup d’attention, donc plutôt fatigant dans la durée. Le pilote automatique n’est pas, lui, sujet à ce genre de considérations, et se débrouille très bien. Il suffit de rester près de la barre, au cas où.

Et ce tempo, à peu de choses près, se répète pendant les dix-sept jours de la traversée. Dix-sept ? on en recause dans quelques jours…

Alors toi, tu la règlerais comment, la grand-voile?

Vendredi 2 décembre. Ce matin, il reste 1760 milles jusqu’à la Guadeloupe. Dans l’après-midi, une cible AIS apparaît sur l’écran du PC de navigation : c’est Elisabeth, un voilier britannique allant à la Barbade. Sous génois seul, cela fait onze jours qu’ils sont partis des Canaries ! Nous essaierons de nous revoir aux Antilles.

Comme il faut mettre le moteur pour recharger les batteries, nous en profitons pour faire fonctionner le dessalinisateur, très gourmand en électrons… Ça permettra une douche !

La nuit est très tranquille comparée aux précédentes. Le vent est un peu tombé, entre 10 et 15 nœuds, mais Kousk Eol continue à tailler sa route. Tout le monde va enfin pouvoir dormir un peu. En attendant, au matin Elisabeth se trouve à 80 milles derrière nous…

Diététique, bio, malbouffe à bord de Kousk Eol. Si l’on était tenté par une taxonomie des membres de l’équipage concernant les habitudes alimentaires, on arriverait assez rapidement à deux catégories. Deux catégories avec trois individus ? Vous voyez le problème ? D’un côté deux mâles à peine dégrossis et prêts à dévorer tout ce qui traîne de réputé ingurgitable dans les équipets, faisant face à un petit oiseau picorant ses graines. Après d’honorables efforts des deux côtés pour ne pas critiquer trop ouvertement les us de l’« autre », il fallait bien que l’abcès soit crevé. C’est donc par une journée particulièrement ensoleillée et chaude que le conflit éclate… « Venez manger ma salade de lamelles de chou agrémentées de graines de tournesol et quelques raisins secs ! » « Il ne restait pas un bout de ce saucisson pur porc bien gras ? » « C’est quand même mieux pour vous que ces biscuits dégoulinants de chocolat dont vous vous bâfrez à 16 heures ! » « Ah, si : il y a cette terrine foie gras-canard qu’on n’a pas encore entamée… » « Et vous ne buvez pas assez d’eau ! » « Mais si on boit ! Un petit rioja : c’est dommage que la bouteille soit si petite ! » « Tu sais où sont passées les cacahuètes Menguy ? Ça c’est de la bonne protéine, végétale par dessus le marché ! » « N’importe quoi ! Les cacahuètes, bonnes pour la santé ? ».

Il devient urgent que la météo se bouge pour détourner l’équipage de ces discussions stériles, où tout le monde sort renforcé dans ses convictions. Ah mauvaise foi ! Quand tu nous tiens !

Parce que, pour tout vous dire, la météo est en train de nous jouer un sale tour : alizé bien soutenu jusqu’à présent, mais depuis ce matin vendredi 3, un souffle asthmatique à moins de 6 nœuds a bien du mal à déhaler Kousk Eol… Ils sont où, les chocolats Nutriscore X ?

Dimanche 4. La journée de samedi a été consacrée, selon les convictions intimes des membres de l’équipage, à prier Éole ou à l’injurier. Sans aucun effet notable sur notre vitesse. Nous nous nous traînons à environ 3 nœuds de moyenne. Les pointes au-delà de 12 nœuds ne sont plus que de vagues souvenirs qui nous laissent rêveurs… Et la journée de dimanche n’arrange rien. Le fichier météo et ses GRIBs montre une vaste étendue de pétole, qu’il aurait été illusoire de vouloir contourner. Moins de 90 milles pour les dernières 24 heures, alors que nous en faisions plus de 180 il y a seulement quelques jours… Pour en rajouter, les hameçons remontent plus de sargasses que de dorades… Ça devient problématique de pêcher : les sargasses se sont vraiment répandues sur tout l’océan. Seul point un peu positif ; la mer s’est assagie et le bateau a arrêté de rouler, gage de nuits ou siestes plus réparatrices.

Au fait… Moi je dis ça, je dis rien, mais l’info provient de deux sources réputées sûres du bord (pas de noms : il est important de respecter l’anonymat de ses sources) : Anne-Sophie a été vue en train de manger des Menguy !

Lundi 5. Plus de 48 heures que nous pleurons après Éole, sur l’air de « Je cherche après Titine. »… Et toujours pas passée la mi-parcours !

Sur le coup des 9 heures, tout de même, un semblant de vent de sud paraît s’établir. Pas un instant à perdre : le Code à DD est mis en place et nous fait gagner royalement 1,5 nœuds, à la vitesse ébouriffante de 5,5 nœuds ? Sur le bon cap, qui plus est. Une explosion de joie est mesurée sur le sismographe. Et en soirée, nous passons la ligne de mi-parcours ! Arrosée par un ti-punch bien mérité (Gin-tonic pour AS). A partir de maintenant ce n’est que de la descente jusqu’à l’arrivée !

Heu … Descente, oui. Mais ça irait tout de même mieux si on était un peu poussé : le vent tombe à zéro durant la nuit, obligeant à barrer à la main, le pilote ne s’y retrouvant plus. Troisième jour de pétole. Et d’après DD et Jean-Christophe, qui pour l’occasion joue le rôle de nos routeurs, ça devrait durer encore au moins un jour…

Le Code à DD, re-hissé, pendouille tristement en attendant qu’on lui souffle un peu dans les bronches…

« LE » Code à DD.

Pour couronner le tout, les sargasses s’accrochent aux rapalas dès que ceux-ci sont mis à l’eau. Les sushis, on va continuer à y rêver !

Mardi 6, 17 heures. Le vent a de nouveau disparu… Pour passer une nuit tranquille, après une journée à toucher la barre avec une finesse extrême, nous décidons de mettre le moteur. Même si nous n’avons pas pu faire le plein à Santa Cruz, nous devrions avoir encore assez de gasoil pour une trentaine d’heures d’utilisation.

Mercredi 7, 7 heures. Arrêt du moteur, le vent montrant des signes de frémissement. Puis reprise moteur une heure après devant l’anémie des frémissements. Pour l’arrêter au bout d’une heure, les frémissements semblant se muer en flux plus soutenu. Les SMS reçus d’André et Jean-Christophe nous confirme la présence de dépressions très creuses juste au nord, paraissant repousser l’anticyclone vers le sud. La recommandation est de piquer vers le sud autour des 14°N pour espérer trouver des vents portants, et éviter des vents forts de face, ainsi que la mer qui risque d’aller avec.

Vendredi 9. Toute la journée d’hier s’est déroulée au près, direction ouest-sud-ouest, puis plus franchement ouest, autour de 15°35N. SMS d’André ce matin : il faut continuer vers le sud : le train de grosses dépressions au nord bloque toujours l’anticyclone, et on risque de se retrouver avec du vent dans le nez puis de la pétole. Alors qu’on a une chance de récupérer les alizés plus au sud. Une chance ? En attendant, on vire de bord plein sud. On vous racontera.

Ah oui, cela a fait un mois hier que nous sommes partis de Toulon. Traversée de la Méditerranée au pas de course : six jours pour Gibraltar, avec un arrêt à Alicante. À peu près la même durée pour rejoindre Tenerife, puis un début de traversée speed, avec un alizé musclé, et des journées à presque 200 milles. Alizé qui s’est essoufflé au bout de cinq jours, la faute à un train de dépressions très creuses plus au nord, repoussant l’anticyclone, et générant de la pétole puis des vents contraires sur la route directe, normalement normale. La situation devrait, subjonctif indiquant un possible contraire, s’améliorer d’ici dimanche…

La journée d’Émile Mil. Dans la matinée, nous avions franchi le cap des mille milles restant avant Pointe à Pitre. Le fait de descendre vers le sud nous a fait repasser du mauvais côté de ces mille milles, que nous refranchissons dans la soirée après avoir à nouveau viré vers l’ouest. Vous suivez ?

Dimanche 11. Selon nos routeurs préférés André et Jean-Christophe, c’est entre aujourd’hui et demain que l’alizé reprend ses droits. Au matin, le vent vire progressivement au sud-est : les voiles sont vite mises en ciseaux pour une route directe vers la Guadeloupe, à 870 milles. Pas d’affolement : moins de 8 nœuds pour l’instant.

Depuis hier, deux cibles AIS sont apparues sur l’écran du PC de navigation, nous confortant dans l’idée que l’option est bonne. Il serait temps, après cinq jours de quasi-pétole (à peine 75 milles ces dernières vingt-quatre heures) et être descendus aussi bas (14° N). L’océan, une morne plaine ? Pourquoi pas, après tout : water, l’eau, ça vous rappelle quelque chose ?

Mardi 13. La journée d’hier s’est étirée mollement, avec un vent mou d’est sur une mer molle et couverte de sargasses. « Avec 10 nœuds de vent, Kousk Eol devrait avancer à 5 nœuds ! Il doit y avoir des sargasses dans le safran. » clame Eric. « Ah bon, tu crois, vraiment ? ». Un petit coup de moteur en marche arrière et un nuage de morceaux de sargasses s’étale à l’arrière du bateau, qui repart à 5 nœuds… « Je vous l’avais dit ! ».

Dans la nuit, le vent se lève enfin : 15 à 20 nœuds, toujours d’est. Cette fois-ci, ça sent vraiment l’alizé ! Avec nous voiles en ciseaux et une mer qui se reforme, Kousk Eol recommence à rouler. Commentaire d’Anne-Sophie sur l’utilisation du ou exclusif : « Si j’ai bien compris, sur ce bateau, soit on peut dormir, soir on avance… ». Pas faux : si on peut dormir, c’est que ça ne bouge pas trop, donc qu’il n’y a pas de mer, et probablement peu de vent. Alors que s’il y a du vent, donc de la mer, et qu’en plus on est au vent arrière…

Cette fois, il nous reste moins de 700 milles à parcourir : plus des trois-quarts du la traversée sont derrière nous. Et le vent ne devrait plus nous lâcher.

Sur le coup des sept heures, nous empannons et prenons un ris supplémentaire dans la grand-voile : l’équipage est bien rodé, chacun connaît sa place, et la manœuvre s’exécute sans accroc, malgré les vagues.

Puis arrivent les derniers 500 milles. Kousk Eol, audacieux coursier des démesures océaniques, fend de son étrave effilée le flot céruléen, porté par un Éole généreux, glissant impérialement vers sa caribéenne destination sur le flanc abrupt de la houle majestueuse, faisant jaillir un lactescent poudrin le long de sa coque…

Non, mais je déconne, là, moi ! Qu’est-ce qu’il me prend ? « On » va encore dire que je bois trop…

Je voulais juste dire qu’on avait fait 170 milles les dernières vingt-quatre heures : pas pire. Encore trois jours si ça se maintient.

Jeudi 15. 350 milles ! Et l’alizé tient bon. Nous devrions mouiller devant Saint-Louis, à Marie-Galante, en fin de journée samedi. Tout le monde commence à rêver à voix haute d’un bateau à plat, du petit resto sur la plage… Anne-Sophie : « Et on mangera autre chose que de la salade haricots verts-maïs ? »

Entre-temps, nous avons retiré le tangon pour nous mettre au grand largue, le vent ayant un peu viré est-nord-est. Du coup, nous roulons un peu moins. Selon l’équipage, le « un peu moins » serait tout à fait subjectif, ne correspondant à aucune observation un minimum impartiale et scientifique.

Vendredi 16. Nuit tranquille, mais un peu au nord de la route directe, le vent revenant à l’est. Du coup, re-tangonnage après le petit-déjeuner pour nous mettre vent arrière en route directe : 220 milles encore ! Et évidemment, le roulis s’installe à nouveau… La nuit sera même un peu compliquée avec le passage des grains, signe que les îles ne sont plus très loin…

Échange entre Eric et Anne-Sophie durant le premier quart de la dernière nuit : « Ben Anne-Sophie, tu ne réduis pas ? Le vent est monté jusqu’à 30 nœuds ! » « Ouais, mais au moins, ça avance ! » « Tu n’aurais pas senti le foin des écuries, toi, des fois ? ».

Samedi 17, Marie-Galante et les aquanautes

Le matin, les grains se succèdent, rinçant abondamment le bateau, et améliorant notre moyenne. Le vent monte à 30 nœuds, et la mer se creuse, devenant forte. Le ciel est bouché : il va falloir attendre pour voir la terre, encore à une quarantaine de milles.

Dernier lever de soleil de cette traversée…

Ça va bientôt faire deux heures qu’Anne-Sophie, sur la pointe des pieds, accrochée à l’arceau de la capote, scrute l’horizon, complètement imperméable aux propos de ses coéquipiers. Et soudain, à 10 heures 40 : « Terre en vue ! » « Arrête de boire, Anne-Sophie ! » « Si, je vous assure, là-devant, un peu sur tribord, il y a une terre ! ». Contraints et forcés, mettant de côté toute la mauvaise foi dont nous pouvons être capables, nous lui accordons, du bout des lèvres, le privilège d’avoir vu Marie-Galante la première. Encore 35 milles, et nous devrions être au mouillage devant St-Louis, sur la côte ouest.

Eh bien, ça y est ! Nous sommes enfin arrivés. Partis le 26 novembre de Santa Cruz, nous aurons mis vingt-et-un jours pour cette route dite des alizés. C’est la plus longue traversée sur Kousk Eol, tous océans confondus… Les deux précédentes avaient pris dix-sept jours, presqu’une semaine de moins. La présence de ce train de dépressions très creuses juste au nord de la route a eu un effet assez perturbateur sur l’anticyclone. Presque six jours d’affilés de pétole, c’est du jamais vu ! Et nous nous serons bien fait secouer par une mer souvent désordonnée.

Le Code à DD aura bien servi, pendant quatre jours, nous déhalant dans le petit temps. Et faisant remonter sérieusement la bonne humeur, sinon la moyenne.

Le moral a tenu bon dans l’équipage : on continue à se parler à peu près normalement ! Et le soir, nous nous retrouvons sous une paillote au bord de la plage, ti punch au rhum Bellevue de Marie Galante (59° tout de même) pour les uns, petit chardonnay pour une autre…

L’horizon penché, c’est le Bellevue 59°…

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1– Mais bien sûr que si, lecteur : toi aussi a le droit de perdre ton temps à lire ces élucubrations qui fleurent le sel marin et les embruns humides. Ça commence bien : tu en connais, toi, des embruns qui ne soient pas humides ?

2– NTM : nycthémère, en version rap. En un seul mot, comme il se doit.

Ténérife et Santa Cruz

Je vous rappelle : nous sommes arrivés dans la marina de Santa Cruz mardi 22 novembre en début de soirée, par une nuit noire, sans lune, dans une marina plus que chichement éclairée. Comme par magie, une lampe torche semblait faire des signaux : c’était Julio, de la marina, qui nous avait vu entrer, alors que nous pensions que tout était fermé…

Et à 20 heures 15, fatigués, nous sommes amarrés sur un catway. Et nous ne tardons pas à aller nous affaler sur nos couchettes… Pour nous réveiller, tout neufs, le lendemain vers 9 heures.

Le bricolage ne tarde pas : après les formalités au bureau de la marina, c’est l’étanchéité du capot avant qui subit nos assauts, et se rend très vite.

Deuxième cible : la prise d’eau du réservoir d’eau douce avant, dont la fixation a lâché. Mais il faut aller acheter un bout de tuyau pour la réparation.

Idem pour la bosse de ris : il faut la remplacer, la bougresse ! Et donc nous voila à la recherche d’un shipchandler. Le premier ferme sous notre nez : horaires d’ouverture de 9 heures à 14 heures 30… Cool. Le deuxième est bien ouvert : il nous vend une chute de rouleau de la bonne longueur avec une bonne ristourne, mais n’a pas de tuyau. Heureusement, une ferreteria pas loin a ce qu’il faut.

Pendant ce temps, Anne-Sophie explore les environs pour trouver un endroit où manger ce soir.

Retour au bateau : pendant que l’un répare la prise d’eau, l’autre repasse la bosse dans la bôme. Enfin presque : un juron fait vite comprendre qu’un léger problème est survenu : le messager passé avec difficultés ce matin s’est décroché de la nouvelle bosse, et il faut tout reprendre depuis le début…

Côté réservoir, la réparation est rapide. Petit essai en branchant la pompe : elle tente d’aspirer pendant cinq bonnes minutes sans amener d’eau aux robinets… Mierda, comme ils disent ici. En fait, c’et la pompe qui s’est finalement mise à la retraite, et qu’on remplace par celle achetée à Toulon. Et là, ça marche ! Enfin presque : malgré les péremptoires assurances du shipchandler, la nouvelle pompe n’est bien sûr pas complètement compatible avec l’ancienne…

Tout ceci nous aura bien occupés, et nous décidons qu’une petite douche suivie d’un apéro, et complétée par un resto, était de mise. Pas pire.

Jeudi 24. Normalement, nous aurions dû louer une voiture pour visiter l’île. Mais nous sommes loin d’avoir terminé les réparations. Nous décidons donc de rester une journée de plus et de partir samedi.

Nous venons finalement à bout de la bosse de ris assez rapidement. La tirette du tangon est changée dans la foulée. Reste à vérifier les réas des poulies de drisses dans le mât. Donc il faut monter en haut du dit mât. Rien de mieux pour impressionner Anne-Sophie…

Vue d’en bas…
Vue d’en haut…

Que dalle ! Les réas en place sont en bon état, mais commentaire d’AS : « Ça va ? Tu t’es bien amusé ? ». M’en fout, ce soir je me prends un ti punch…

Sinon, la marina est bien entretenue, mais morne… Aucune activité annexe, comme bar ou restaurant. Même faire le plein de gasoil pose un problème. Son intérêt principal est de ne pas être chère, et de se trouver en centre-ville.

De grosses unités sont amarrées dans le port, y compris deux énormes barges de forage pétrolier en révision. De l’autre côté de la marina, les croisiéristes n’arrêtent pas, et de véritables immeubles flottants déversent leurs touristes quasiment tous les jours.

Les immeubles flottants dans le port de Santa Cruz.
Il y a quand même quelques belles unités…
Le von Humboldt II et ses « élèves ».
Il n’y a pas que sur Kpousk Eol qu’on monte au mât.
Mais c’est tout de même Kousk Eol le plus beau, en tout objectivité.

Comme il reste un peu de temps cet après-midi, nous nous lançons dans la réalisation d’une protection solaire pour le cockpit, en navigation. C’est pas gagné, mais on vous expliquera.

Vendredi 25. Nous arrivons à louer une voiture. Enfin, une Fiat 500, seul véhicule disponible : on va se la jouer Grand Bleu… Il ne fait pas beau quand nous partons, et nous avons même de la pluie dans la montée de la très belle route qui traverse l’intérieur de l’île. Notre bolide conduit de main de maître par Anne-Sophie nous montera à plus de 2000 mètres. La route domine vite la côte nord, très bâtie.

Puis le volcan Teide, 2715 mètres et point culminant d’Espagne, nous nargue droit devant. Son isolation le rend impressionnant. Nous décidons de ne pas monter, par manque de temps, mais aussi reculant devant le tarif prohibitif du téléphérique (115 € par personne).

Le volcan Teide.
Le versant sud-est et sa mer de nuages.

Redescente vers la côte nord, puis cap à l’ouest avant de basculer sur la côte sud-est et retour vers Santa Cruz, avec un petit stop au Carrefour du coin pour le complément de courses. Ce petit tour de l’île était sympa, mais ce n’est probablement pas là que nous viendrons passer nos prochaines vacances…

Le départ est toujours prévu pour demain matin samedi. L’alizé semble bien établi, et nous ne devrions pas avoir à descendre trop au sud pour l’attraper.

Pas de mise à jour du blog avant un petit moment !

De Gibraltar aux Canaries

Jeudi 17 novembre, 8 heures : l’équipage prend un dernier petit déjeuner au calme avant de faire les ultimes formalités avant le départ vers les Canaries :

  • Prendre les dernières prévisions météo : on devrait se faire un peu secouer, mais le vent pousse dans le bon sens.
  • Revoir la stratégie pour traverser le détroit, en fonction du courant, du vent, etc.
  • Faire un stop à la capitainerie pour payer notre séjour.
  • Puis aller vers l’aéroport de Gibraltar faire le plein de gasoil, bien moins cher que côté espagnol.
Petit arc e n ciel pour le départ. Celui qui dit que le Sea Gipsy est plus beau que Kousk Eol n’a rien compris aux vrais voiliers…

Le vent d’ouest commence à bien s’établir, et évidemment, côté marée, on ne peut pas dire que nous ayons eu tout juste… Bref, premier bord de près et nous voilà de retour devant la baie d’Algesiras : bord carré d’anthologie !

La solution sera de raser la côte espagnole jusqu’à Tarifa, sous grand-voile appuyée par le moteur : cette fois la tactique est bonne ! Œil sur le sondeur, Eric arrive à attraper un semblant de contre-courant, et nous virons finalement vers le Maroc devant le phare de Tarifa.

C’est Anne-Sophie, à la barre, qui a l’honneur et le privilège extrême d’à la fois traverser le détroit, passer de Méditerranée en Atlantique et quitter l’Europe pour l’Afrique…

Le vent fraîchit comme prévu, montant jusqu’à 30 nœuds, et nous pensons arriver rapidement, en moins de cinq jours, aux Canaries. Mais nous sommes en voilier, et rien ne se passe exactement comme prévu. D’abord, Éole est loin d’être constant, puis la mer très désordonnée, et les quarts un peu compliqués, ce qui n’est jamais une garantie de bonnes moyennes… Cependant, il en faut plus pour entamer le moral de l’équipage !

Dans la nuit de vendredi à samedi, il a même fallu mettre le moteur : le manque de vent et les vagues faisaient que le bateau tournait sur lui-même… Situation qui ne dure pas.

Au petit matin…

Samedi 19. La petite brise du nord-est semble se stabiliser, permettant de mettre les voiles en ciseau. Stabiliser, oui. Mais autour de 20 nœuds tout de même. Et la mer ne se calme pas. La nuit sera fatigante : personne n’arrivera à dormir… Le roulis incessant et fort est comme un massage carrément tonique, du genre à vous laisser plus courbatu après qu’avant…

Quant à manger ou boire sans en renverser, je préfère éviter le sujet.

Et la journée suivante sera du même acabit. Point positif : nous avançons relativement vite, rattrapant un peu le retard pris au début. Mais évidemment pas assez vite pour empêcher un groupe de petits dauphins de venir nous narguer à l’étrave.

Sinon, l’équipage est bien amariné, et les manœuvres sur Kousk Eol n’ont plus de secret pour Anne-Sophie et Eric. Quand, sortant le nez de mon bouquin, je clame : « Sans vouloir vous commander, il faudrait larguer… », la réponse est immédiate, n’attendant même pas la fin de la question : « C’est fait depuis un moment, retourne admirer les photos d’Aliocha ! ». Avec une petite lueur bizarre dans un regard brillant qui en dit long. Sans tomber dans la paranoïa, je me demande si ces deux-là n’ont pas subrepticement pris le contrôle de Kousk Eol, et n’envisagent pas de me débarquer à Tenerife… Je me demande… Bon, bien sûr, je dis ça, je dis rien…

Le soir, petite inspection de routine, pour s’apercevoir que la bosse de ris numéro 2 (écoute) a cassé au niveau de l’œillet de la grand-voile… Bosse que nous venions de changer par une nouvelle achetée à Gibraltar. Ça alors ! Le troisième ris est rapidement pris pour ne pas abîmer la voile, et c’est un peu sous-toilé que nous continuons, dans quinze nœuds de vent, voiles toujours en ciseau : nous jouerons avec le génois pour donner un peu plus de puissance quand il le faudra.

À part ça, Kousk Eol roule toujours autant dans une mer qui met du temps à s’ordonner. Et l’équipage a un peu de mal à trouver un sommeil un tant soit peu réparateur. Mais Tenerife est à 180 milles : on commence à voir le bout de cette traversée.

Lundi 21. Le vent faiblit, et par voie de conséquence, la mer se calme un peu dans la journée. Pour ne pas perdre la main, nous empannons dans l’après-midi afin de suivre une route plus directe : manœuvre effectuée sans coup férir, de main de maître, comme il se doit, avec une synchronisation entre les trois membres de l’équipage exemplaire1. D’ailleurs un groupe de dauphins vient batifoler à l’étrave, sûrement pour nous féliciter. Je ne vois que ça…

Heureusement, Anne-Sophie n’est pas toujours à la manœuvre…

Mardi 22, 10 heures : Tenerife n’est plus qu’à 60 milles. Le nord-est continue à nous pousser autour de 6 nœuds : on devrait être dans le port vers 20 heures…

May Day à la VHF : quelqu’un serait tombé à la mer du côté de la Grande Canarie… Un peu plus tôt, c’est apparemment un bateau de migrants en panne qui s’est fait remorquer.

Re-May Day : cette fois, on parle de deux personnes à la mer…

13 heures 35 : « Terre en vue ! ». Il reste une quarantaine de milles, mais Éole semble insensible à notre impatience d’arriver. On se demande s’il n’est pas en train de faire une petite sieste. À l’Espagnole…

Tenerife en vue!

18h40 : encore 15 milles, et toujours peu de vent. Il est unanimement décidé que Perkins s’y colle…

En attendant, petit bilan des réparations qui nous attendent :

  • Bosse de ris 2 à changer (à nouveau).
  • Prise d’eau réservoir avant à revoir : l’attache du réservoir a bougé, probablement à cause de la mer.
  • Réa de drisse ou balancine cassé : il faudra monter au mât pour vérifier.
  • Pompe WC cabine avant ne pompe plus… Embêtant pour une pompe.
  • Étanchéité capot de pont avant à revoir.
  • Remplacer tirette du piston de tangon, cassée.

Nouveau May Day : les deux personnes à la mer au sud de la Grande Canarie sont toujours dans l’eau, et le jour tombe… Pas cool…

Nous finissons au moteur, le vent refusant de nous accompagner jusqu’au bout. Et nous nous amarrons dans la marina Santa Cruz de Tenerife à 20 heures 15, où Julio nous attendait avec une lampe torche pour nous guider dans la nuit noire, sans trop d’éclairage…

Demain, il devrait faire jour selon les dernières prévisions : on vous racontera la suite. Éventuellement. Peut-être…

  1. Moi je dis ça, je dis rien, mais il me semble, je dis bien il me semble, que si nous ne nous passons pas nous-mêmes un petit coup de brosse à reluire, personne ne le fera à notre place. Me trompé-je ?’