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Chronique scientifique: la raie manta

On vous rechante pas le couplet, mais vous avez sans doute maintenant compris l’incoercible besoin pour l’équipage de Kousk Eol de partager son abyssale (carrément) connaissance des choses de la nature avec ceux de ses concitoyens dotés d’une navrante inculture. Quasiment tous, quoi.

Vous n’êtes pas non plus, dorénavant, sans connaître les dérapages délirants dont l’équipe de rédaction, surtout après une traversée un tantinet éprouvante, au près dans une mer formée, peut se rendre coupable. Vous lirez donc la suite de cet article à vos risques et périls. Aucune réclamation ne sera recevable.

Le sujet du jour sera donc la raie manta, dont le cas sera étudié de près pour illustrer un ratage désolant de l’évolutionnisme: toute théorie bien conçue se doit d’avoir des exceptions, après tout.

Mais attention tout de même: pas au point d’apporter des arguments aux thèses créationnistes. Faudrait voir à pas déconner avec ces trucs…

Revenons plutôt à nos moutons, qui aujourd’hui seront donc des raies.

Tout le monde a vu au moins une fois nager une raie, ne serait-ce que dans cette émission télévisuelle pontifiante éponyme d’une ville argentine en bas du globe. Tout le monde, donc, ne pourra que s’accorder pour reconnaître une grâce certaine à la raie lorsqu ‘elle nage. En particulier à la raie manta.

Les raies sont aussi des poissons très intelligents, et entreprenants.

Il y a plusieurs centaines de milliers d’années et quelques heures, d’autres poissons ayant montré la voie, elles aussi décidèrent un jour de ne plus se contenter de planer dans l’eau, mais bien d’occuper également l’espace aérien.

Un conseil des sages se tint, et la plus sage des sages parmi les raies, qui en connaissait un rayon, leur tint à peu près ce langage: « Pour planer dans les airs, c’est facile: il suffit d’avoir des nageoires plus grandes. ».

C’est ainsi que les raies s’astreignirent à toute une série d’exercices, en suivant un régime alimentaire adapté, afin de développer leurs nageoires.

Une espèce de raies en particulier fit de prodigieux progrès dans cette direction. Les raies atteignirent plusieurs mètres d’envergure, allant même jusqu’à modifier leurs nageoires pour leur donner la forme des ailes d’un chasseur furtif de dernière génération.

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Avion furtif?

Mais, car il y a malheureusement un « mais », la plus sage des sages parmi les raies avait commis une légère boulette dans son raisonnement: c’est bien de développer la surface des ailes, mais la prise de poids qui accompagna ce développement fut catastrophique en termes de charge alaire… Et rédhibitoire pour envisager ne serait-ce que le plus minuscule des sauts de puce.

Les tentatives pour s’extraire de la pesanteur terrestre furent en conséquence psychologiquement douloureuses: les raies en avaient le mental à l’eau… Une déformation syntactique (des ignorants, sans doute) aboutit à: menthe à l’eau, qui ne voulait rien dire dans ce contexte et se transforma donc avec le temps en manta à l’eau, qui ne voulait pas dire grand-chose non plus. Ce qui fait que le « à l’eau » a disparu avec le temps, et Manta est resté. D’où leur nom.

Elles avaient aussi pris l’habitude d’ouvrir grand la bouche pour pousser des « Ho! » de découragement devant tous ces essais infructueux. Comme elles étaient toujours dans l’eau, le plancton, très commun à l’époque, s’engouffrait naturellement dans ces gueules béantes, qui se trouva être un comportement pratique et peu fatigant de se nourrir, et qui a perduré jusqu’à ce jour.

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Raie manta poussant un « Ho! » de découragement.

C’est donc ainsi que les raies mantas, au lieu de devenir des êtres aériens, sont maintenant de magnifiques poissons, cousins des requins, et d’une élégance unique parmi le pelagos. Pas forcément un ratage de l’évolution, finalement: tout au plus une erreur d’aiguillage?

C’est aussi depuis ce temps que les nageoires des raies s’appellent des ailes, que les zoologistes sérieux ne manqueront pas d’accommoder au beurre noir.

Si vous avez été convaincu par cet argumentaire, vous êtes mûr pour continuer votre abonnement à ce blog. Dans le cas contraire, faites-vous un ti-punch pour vous décoincer, et reprenez depuis le début. Si malgré tout, votre opinion n’a pas bougé d’un iota, avouez tout de même que ce blog développe un art certain de la capillotraction. Et donc, renouvelez vous aussi votre abonnement.

Sinon, vous pouvez aussi aller jeter un coup d’œil sur Wikipédia, c’est vous qui voyez.

Non? Mais on vous avait prévenu…

Pour une taxinomie de l’équipier: amis, sangliers et blaireaux

Avant-propos

Depuis que cet article a été publié, je reçois pas mal de réactions, beaucoup positives mais certaines négatives, m’incitant à donner quelques explications (supplémentaires):

– cet article a été écrit il y a plus de 3 ans, pour un autre blog, sur un autre bateau. Les lecteurs de l’époque m’avaient dit avoir bien ri…

– c’était le résultat d’une discussion (sans doute un peu arrosée) avec un copain marin professionnel, dont la voile est le métier, qui racontait son expérience, surtout des clients payants qui se considèrent comme les rois parce que justement, ils ont payé.

– pour lever tout doute, nous n’avons emmené que des amis sur Kousk Eol. Toujours, et uniquement. Et les amis sont les amis.

– et il me semblait que le ton de cet article allait assez bien avec l’esprit un peu foutraque de ce blog. Et c’est toujours une solution de facilité de faire de la récupération (d’articles ici).

Voila. Je suis désolé que mon sens de l’humour un peu particulier, je vous l’accorde, puisse heurter. Et je compte sur votre indulgence et vos commentaires pour ajuster le tir lorsqu’il semble que ceci deviennent nécessaire.

Claude

PS: le sanglier qui a cassé la poignée de la cocotte (entre autre) est l’auteur de l’article.

Re-PS: ne compter pas profiter de cette situation pour vous faire rembourser votre abonnement!

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Où l’équipage de Kousk Eol montre encore une fois sa volonté de transmettre son impressionnante expérience aux équipages de toutes les mers.

Sur n’importe quel voilier, sauf si le skipper met un point d’honneur à naviguer en solitaire, vous trouverez en général un ou plusieurs équipiers, vaquant avec plus ou moins de bonheur aux tâches que lui aura dévolues le maître du bord.

Un observateur attentif de la vie sur un voilier, avec un minimum d’objectivité, notera rapidement qu’il n’y a pas deux équipiers sortant du même moule. Comme il n’est pas toujours facile de débarquer les indésirables, il est de la plus grande importance pour le skipper sérieux de bien choisir son bord afin de ne pas transformer celui-ci en enfer.

Dans le but de simplifier cette tâche, et faciliter la compréhension, nous proposons ici d’identifier et classer les équipiers-types. Pour ce faire, nous limiterons volontairement les catégories à trois: les blaireaux, les sangliers et les amis, taxinomie proposée par l’ami Jacques V, dit Captain Jack, grand spécialiste en éthologie voileuse, et s’appuyant sur une observation fine des comportements menée depuis de nombreuses années.

Il nous semblait de plus que seulement deux catégories aurait été un peu réducteur: les connards d’un côté, et ceux qui classent les gens en deux catégories de l’autre… Vous voyez le genre?

Donc, pour en revenir au sujet qui nous préoccupe:

  • Le blaireau se caractérise surtout par l’inadéquation entre ce qu’il pense savoir (et qu’en général il clame haut et fort) et ce qu’il sait faire réellement. Le blaireau aura souvent tendance à expliquer au skipper comment il doit barrer son bateau, régler ses voiles, faire la manœuvre de port, et que lui, il ne s’y prendrait pas comme ça. Le blaireau a tout compulsé, consulté, lui. Il sait. De plus, il a déjà tout fait et est allé partout, mieux que les autres. Le lecteur un tant soit peu perspicace aura perçu la légère trace de manque de respect éprouvé par le skipper à l’égard cette engeance. Il est à remarquer qu’on trouve aussi des blaireaux sur les pistes de ski. Ou dans toute activité où la grande gueule pense pouvoir s’exprimer sans conteste. Un autre trait marquant du blaireau est de régulièrement se considérer comme prioritaire par rapport aux autres équipiers, surtout quand il n’y a plus de chocolat ou de bière pour tout le monde… Le blaireau ne proposera jamais de payer à boire, et encore moins le restaurant, en fin de croisière, même après deux ou trois semaines à bord. Non. Tout au plus proposera-t-il de partager la note: après tout, qui a eu de la chance de l’avoir comme équipier?
    Le blaireau ne survit pas à la durée: il ne se passe en général que peu de temps avant que son imposture ne soit devenue flagrante. On ne l’acceptera à bord, éventuellement, que s’il a payé cher sa place et s’il ne descend pas le premier jour la réserve de rhum.
    Ça y est? Vous reconnaissez un de vos proches?

  • Le sanglier est d’une autre nature. En général, le statut de sanglier est attribué au bout de quelques jours, même si quelques spécimens précoces se trouvent élus dès les premières heures à bord . Le sanglier a la particularité de pouvoir être suivi à la trace, visuelle ou olfactive (le « ou » n’étant, ici, nullement exclusif) : WC mal vidangés, miettes ou liquides renversés autour de sa place durant les repas, de préférence sur le tissu des banquettes, douches non nettoyées, traces de semelles sur le pont, odeurs suspectes, etc. Le sanglier aura aussi souvent tendance à casser tout ce que le skipper pensait incassable jusque-là sur le bateau: commande du guindeau, porte du four, poignée de la cocotte Même si un blaireau peut aussi avoir du sang de sanglier (discuter des mystères des croisements que Dame Nature s’autorise n’est pas le propos de ce blog), seul le sanglier peut parfois bénéficier d’une certaine forme d’affection, donc de clémence, de la part du skipper. Le blaireau, jamais.

  • Les amis, eux, sont les amis. Point.

Mesdames, ne vous réjouissez pas trop vite : le fait d’utiliser le masculin ici ne veut en rien dire qu’il n’y a pas de blaireaux (ou sanglier) femmes. Ah que non ! D’abord, c’est quoi, le féminin de blaireau?

Quant au classement de membres d’équipage faisant partie de la famille, la très grande lâcheté et le manque d’objectivité de l’équipe de rédaction interdisent tout commentaire ou opinion trop définitif…

Le spi et le psy

Ce billet aurait aussi bien pu s’intituler « Croisière avec mon psy ». On vous l’a déjà dit: notre copain Henry, en plus d’être un voileux expérimenté, est aussi médecin psychiatre. Donc docteur es-bobos du corps et de l’âme. Personne n’est parfait…

Et j’entends d’ici les questions que vous vous posez: comment navigue-t-on avec un psychiatre? Je suppose qu’une réponse du style « En réglant bien les voiles, pardi! » ne vous satisfera même pas à moitié… Quoique…

Notre psy-psy joue à touche spi-spi

Ça, c’est pour évacuer le côté navigation: Henry, notre spécialiste des maux et de l’esprit, aime la voile. Lui qui a l’expérience d’embarquement sur des voiliers célèbres et prestigieux avec des marins de légende, qui a passé le Cap Horn sur Pen Duick 6 -excusez du peu- ne peut que constater l’éblouissante tenue de Kousk Eol et de son équipage…
Le challenge des 200 milles/24h lui tient à cœur: son passé de régatier confronté à celui du DD dans le domaine ne pousse pas à baisser les bras… Henry n’est jamais le dernier pour mettre le Code D ou le spi, et tenter de faire monter la moyenne à 10 nœuds. Nous sommes parfois conduits à refréner ses ardeurs!
Avec André, nous avons tout de même un petit doute: challenge des 200 milles/24h, ou absence de sa doudou Lilou à l’ombre du cocotier sur son atoll toulonnais, qu’un avion doit permettre à Henry de rejoindre le 20?
Nous faisons bien entendu semblant de le croire pour ne pas le contrarier…

Mais, hein, la senteur vanillée de la vahiné sous le vanillier: qui va nier? Toi? Va, niais: nie! Quelle avanie, comme dirai Bobby, grand spécialiste des mots et de l’esprit, lui aussi…

Un psychiatre à bord

Creusons donc ensemble le sujet.

Il y a d’abord le côté médecin. Nous passons donc tous les jours en revue les maladies et traumatismes qui pourraient être susceptibles de nous tomber dessus. Et ça va de la prostate qui se coince à la fracture ouverte en passant par toutes formes d’ennuis gastriques. Un bon film d’horreur donnerait moins de cauchemars!
Quand il nous demande si nous avons bien dormi et si nous allons bien, chaque matin, nous ne pouvons nous empêcher de chercher le sous-entendu: est-ce un début d’exploration de diagnostic pour une maladie dont nous ignorions tout jusque-là, ou simplement une formule de politesse?
Bref, nous nous demandons si petit à petit nos penchants paranoïaques ne seraient pas en train de prendre le dessus…

GarsPsyEtDD
Gars-Psy le Magnifique, avec le DD

Et c’est là que le côté psy d’Henry intervient (voir note en bas de page)…

Henry nous avait déjà montré de quoi il était capable lors de la toute petite virée autour de Salvador, en attendant la fin des réparations: nous n’osions plus prendre le tangon à deux mains et hésitions avant d’enfiler l’embouchure d’une rivière…
Henry a promis de se pencher sur la situation désespérée du fou à pattes bleues de Kousk Eol, sans toutefois laisser beaucoup d’espoirs quant à une conclusion heureuse de ce cas difficile.

Pendant que notre ami d’aventure, psychiatre autant que Cap Hornier hexapenduickien, bataillait avec le Code D, nous avons pu jeter un coup d’œil sur ses notes:

« Les deux frères ont l’air bien engagés sur leur projet de tour du monde: c’est tout de même très curieux cette envie de tourner en rond, pour eux qui pourtant montrent qu’ils savent aller de l’avant…
Peut-être un retour à la mer/mère? Serait-ce une nouvelle forme de régression? Ou serait-ce une manière de se confronter adulte au duel mère et père archaïques dans un ring marin où modestement nous nous satisfaisons de leur match nul, tant que nous restons en vie? »

On va peut-être se faire un ti-punch un peu spécial, ce soir, tout compte fait…

 

Note au lecteur:
Il va de soit que, selon la formule de circonstance, si les noms n’ont pas été changés, ce serait pure galéjade de penser que ce qui est écrit ici pourrait être attribué à un équipier de Kousk Eol. Encore une fois, seul le rédacteur de ces lignes peut éventuellement être tenu responsable de ces détournements de la réalité vraie. Mais cette dernière existe-t-elle vraiment? Tiens: on va poser la question à Henry…