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Gibraltar, once more…

Jeudi 21 novembre 2019. Temps de mââârde… Il pleut depuis que nous sommes debout ce matin, et nous tournons en rond dans le carré en attendant une baisse très hypothétique du degré hygrométrique ambiant.

Suisse-France, 2e round.
Hier soir, nous étions invités à bord de Kawaine II, le bateau de nos nouveaux amis suisses. Un traquenard dans les règles : au lieu d’un simple apéro, nous nous sommes retrouvés à déguster un vrai repas. Soirée très sympa. Du coup, atteint dans le plus profond de notre réputation d’hôtes modèles, il va falloir que nous fassions mieux que l’apéro de Benalmadena, où la quiche de Yan avait tout de même permis de ne pas complètement perdre la face… Le prochain round sera à bord de Kousk Eol demain soir, mais les discussions sur le menu font déjà rage. L’honneur de Kousk Eol est en jeu. On vous tient au courant.

Sinon, la météo de merde dure toute la journée. Le restaurant à tapas prévu ce soir est annulé : c’est de nouveau Yan qui s’y colle. Et on ne s’en plaint pas.

Entre temps, quelques bricoles sont supprimées de la liste des réparations à faire : drisse pour le pavillon de courtoisie, renforcement de la toile anti-roulis (prête à être testée maintenant), configuration du PC pour la communication Iridium, réparation de la sangle de rappel pour la cuisine …

Il faut les jeter plus haut, les cacahuètes!

Le petit chauffage du carré est même remis en service : ça faisait bien trois ans qu ‘il n’avait pas servi ! Il tentera péniblement de sécher les pantalons dégoulinants des inconscients qui ont osé braver l’arrosage céleste dans l’après-midi.

Vendredi 22. Le temps ne s’améliore pas, mais les prévisions indiquent toujours une accalmie en milieu de journée pour demain. Et la marée sera favorable : départ prévu vers 15 heures.

Pour nous occuper, nous faisons quelques courses pour la traversée vers les Canaries, puis un petit tour à Gibraltar : Main Street est un peu triste sous la pluie, sans grand monde.

Vue sur le rocher par temps typiquement british.

Retour au bateau en fin d’après-midi : il faut préparer ce qui doit impressionner nos copains suisses ! Tortilla espagnole, quesadillas et guacamole (le tout maison bien sûr) pour démarrer, navarin et tarte tatin pour finir. On devrait bien s’en sortir…

Pendant ce temps, Éole s’époumone à environ 40 nœuds dans le port, et il devrait tousser encore plus fort dans la nuit. Par précaution, on double les amarres. La fenêtre de demain, il faut y croire…

Suisse-France, 3e round.
19 heures 10 : la tension est à son comble ! Nos invités sont attendus à 19 heures 12, précision suisse oblige1… Un savoureux fumet a envahi le bateau. Dehors, le vent a encore forci, et le gros voilier en alu à côté de nous se rapproche parfois dangereusement. Mais nos voisins arrivent : Yan et François sont à la manœuvre. La soirée se passera très agréablement, et tout le monde ira se coucher repu…

« LA » tarte tatin en premier plan…

Samedi 23. Le vent ne s’est pas calmé, au contraire. Et le clapot est bien entré jusqu’au fond de la marina… D’où une nuit moyennement reposante. Mais les prévisions semblent se confirmer : le ciel bleu arrive par l’ouest, toujours avec un zéphyr musclé, mais avec des promesses d’améliorations prochaines. Nous tenterons donc de partir vers 16 heures, trois heures après la pleine mer, avec un coefficient de marée de 70, donc un courant favorable pas trop violent.

Test de l’Iridium : l’antenne a été remontée et tout semble fonctionner. Et la drosse de l’enrouleur de génois a été changée.

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1 En fait, nous apprendrons qu’il y a un quart d’heure vaudois… Le Vaudois arrive systématiquement quinze minutes en retard.

Gibraltar

Mardi 19 novembre 2019. Par un effet de son insondable allocentrisme, le tyran du bord skipper décide d’octroyer une journée de récupération à sa bande de bras cassés ses équipiers. Celle-ci sera donc consacrée à une visite du célèbre rocher. C’est ainsi que nous partons à pied vers Gibraltar dont la frontière se trouve à une quinzaine de minutes de la marina, avec contrôle des papiers, avant de s’arrêter pour laisser un avion atterrir, car il faut traverser la piste pour rejoindre la ville.

La visite commence par un petit détour dans une chandlery shop pour acheter une nouvelle bosse pour le deuxième ris, puis nous nous retrouvons dans Main Street, une succession de boutiques clinquantes, sans gros intérêt.

On est bien chez les Grands Bretons…
Main Street.
Sympa Gibraltar: ils nous attendaient…

Nous nous dirigeons donc très rapidement vers la route qui mène sur la crête sommitale, à un peu plus de quatre cents mètres. Montée agréable par grand beau temps qui nous mènera tout d’abord sur l’extrémité sud, à la batterie O’Hara qui domine le détroit, et d’où la vue est grandiose sur Ceuta et Tanger. C’est là que nous verrons nos premiers macaques, complètement indifférents à nos commentaires et autres divagations.

La batterie O’Hara surplombant le détroit.
Maman et bébé macaques.
Ceuta et Tanger en face…
Station de pompiers…

Nous repartons ensuite vers le nord, et le point culminant où arrive le téléphérique. La vue est toujours aussi magnifique, avec la Méditerranée d’un côté, le détroit et sa porte sur l’Atlantique de l’autre.

La baie d’Algesiras.
Ben oui, on a fait une pause avant de redescendre…

La redescente se fait par le raide escalier bien casse-pattes qui ramène dans le centre de la ville.

Nous retrouvons la foule qui déambule entre les boutiques. 15 heures 30 : c’est peut-être un bon moment pour envisager de grignoter un bout, et ingurgiter un peu de liquide. La température n’est pas extrême, mais nous avons tout de même un peu transpiré.

La décision est prise de ne pas rentrer tout de suite au bateau, mais de continuer notre tour de la ville en attendant l’heure du repas : à l’unanimité, nous avons voté pour un fish’n’chips que seuls les Britanniques savent noyer dans une graisse dégoulinante et servir avec les frites non moins grasses et molles. Raté ; le resto, une copie de pub très kitch, nous sert de copieuses rations tout à fait mangeable, avec des frites croustillantes et des crudités fort bienvenues. Même la bière y est très bonne, mais là, on s’y attendait.

Puis le retour se fait dans la nuit : retraversée de la piste de l’aéroport, passage éclair de la frontière, et nous sommes de retour à bord. Surprise : nos copains de Kawaine sont finalement arrivés et sont amarrés presqu’à côté de nous.

D’autres voisins de ponton…

Mercredi 20 novembre. Après un petit déjeuner à l’anglaise (muffins, bacon et œufs), nous prenons les GRIBs, encore une fois, pour planifier notre traversée vers les Canaries.

Pas bon… Un vent fort d’ouest est prévu pour les deux prochains jours… La situation s’améliore samedi, et la fenêtre semble favorable jusqu’aux Canaries. Si la situation n’évolue pas, nous partirons donc samedi…

Pour nous réconforter, Yan, dit Kancékonmélecodedé, nous propose une ratatouille maison pour midi. Succulente comme d’habitude.

On vous tient au courant !

Portrait de Cap’tain

Suite à la publication de l’article sur les marins de Kousk Eol, parmi les disciples, un élan de protestation s’est fait sentir… Qui osera défier l’autorité suprême et écrire un tissu de bêtises sur notre cher cap’tain ??? Sans aller jusqu’à la mutinerie du Bounty, c’est une action syndicale menée par un collectif de marins en colère1 qui tentera de dresser un portrait le plus objectif possible de celui qu’on appelle Le Glaude.

Le parler « le Glaude »…

Afin que tout le monde se comprenne bien sur Kousk Eol, il est important de parler le même langage… Comprenez bien, le même langage que le Glaude. Certes, les bases grammaticales se rapprochent du langage marin classique… En voici quelques exemples :

  • Prendre un ris : consiste à réduire la grand-voile parce que le liston est dans l’eau…
  • Liston : Indicateur visuel de gîte qui, une fois immergé, fait penser qu’il serait bon de prendre un ris…
  • Code D : voile virtuelle dont les couleurs fait rêver les filles. La légende dit que le Code D ne se déroule que lorsque le vent est quasi nul…

Il ne s’agit pas là de réécrire le dictionnaire des Glénans, mais plutôt de le compléter avec les expressions courantes du bord.

  • Moi j’dis ça j’dis rien : Forme d’ouverture au dialogue dont l’issue est connue, c’est-à-dire que quelle que soit la proposition opposée à celle du Glaude, elle ne sera pas retenue, mais il ne vous en sera pas tenu rigueur. Ex : « Vous voulez rester sous génois ? Moi j’mettrais la trinquette… Mais… Moi j’dis ça j’dis rien… »
  • Sans vouloir te commander : Dans l’action, cette petite expression sans prétention pour le commun des mortels sera traduite à bord de KE par « Fais ce que je te dis, et fissa ! ». Il va de soi qu’il vaut mieux courir alors…
  • Vate Fairfoutre : Cette expression, difficile à prononcer, est à l’opposé de « Moi j’dis ça, j’dis rien ». Lorsque le Glaude l’utilise, nous autres disciples pouvons alors nous congratuler d’avoir enfin eu une bonne idée ! « Vate Fairfoutre !!! » Le Glaude est d’accord ! Par exemple, on peut renvoyer un ris ou dérouler du génois !
  • Va Fancùlo : Forme d’acceptation identique à « Vate fairfoutre » ! Le Glaude jette l’éponge, on peut faire ce qu’on veut. Par exemple, pêcher à la traîne à 8 nœuds…
  • Connard : C’est qu’il a un cœur gros comme ça le Glaude. Il exprime ainsi sa sympathie à l’égard de son entourage de marins. Il m’a dit « Connard ! », ça veut dire qu’il m’aime bien !

La navigation

Une fois en mer, notre cap’tain nous autorise à peu près tout. Il veillera cependant à la préservation de quelques nobles principes : le confort des passagers, et la performance sans faire souffrir son valeureux Kousk Eol.

Point de compétition ! On n’est pas là pour être les premiers ! C’est d’ailleurs en ces termes que le Glaude nous explique sa philosophie de la voile paisible : « On n’est pas là pour régater ! La seule chose que je ne supporte pas sur l’eau, c’est d’avoir un autre bateau devant moi ! ». Il pense d’ailleurs accrocher sur le tableau arrière un petit mot à l’égard des bateaux dépassés : « Va Fancùlo ! » !

Pour le côté marin, tous diront que c’est une encyclopédie à lui tout seul. Son expérience semble infinie, et la richesse de ses récits de navigation (dont nous sommes très friands) nous fait nous poser une question : a-t-il un jour travaillé dans sa vie ???

Qui connaît l’âge du capitaine ?

Malgré son âge avancé, il voit tout, il entend tout, et il sent tout ! Et comme il connaît chaque boulon et chaque bout de ficelle de son bateau, il peut analyser la moindre vibration, sortir la tête du carré telle une marmotte à l’affût, et dire « Il faudrait peut-être prendre un ris, sans vouloir te commander ! »

Le néophyte du bord prendra alors sans tarder les dispositions qui s’imposent…

Un air de ressemblance ? Chercher les 7 erreurs.

Il arrive parfois que le Glaude aie une petite absence… voire un oubli. Ce n’est pas une erreur à bord de Kousk Eol… c’est une Glauderie, dont la gravité est si infime qu’il ne s’en tiendra pas rigueur lui-même… il évite ainsi les blâmes qu’il infligerait à ses disciples…

Ses récits

Le soir venu, en général au moment de la Tisane, des sujets aussi divers que variés font l’objet de partage d’expérience… et comme on vous l’a dit (faut suivre un peu !), le Glaude, il n’en manque pas ! Nous nous délectons ainsi d’anecdotes venues des quatre coins du monde, qu’il semble avoir visité en entier (la légende prétendrait qu’il en aurait fait le tour…). Le tout raconté avec poésie et un humour type Breton (après tout, ce sont eux les inventeurs du menhir ! ! !).

Le Glaude nous autorise à faire tout ce qu’on veut…

Nous voici dons repus de notre nourriture spirituelle qui suffirait PRESQUE à nous sustenter… alors que le Glaude, lui, ne se sustente que de petites choses types cuisses de canard confites, jambon pata negra, ou encore pommes de terres rissolé dans la graisse du malheureux palmipède cité précédemment… Il s’abreuve aussi de spiritualité à l’aide de saint joseph, médoc ou encore rioja…

Nourriture spirituelle…

On pourrait alors croire que sa position de demi-dieu (half-god pour les anglophones) le préserve des tâches les plus ingrates, mais c’est avec panache qu’il souhaite se soustraire à la caste que lui confère son grade. Aussi lance-t-il parfois « Je vais acheter des tomates ! ». Nous le voyons alors revenir avec des choses rouges… en général du vin et de la viande… Et les tomates ? On verra la prochaine fois…

Je me dois de cesser là mes agissements mutins, je pourrais être démasqué et débarqué à la prochaine escale. Pas plus tard qu’il y a 10 minutes, un des rameurs du bord a suggéré au Glaude de se débarrasser des emmerdements du bord… Il parlait là de petits bricolages à effectuer… La réponse du Glaude ne s’est pas fait attendre : « Vas-y, saute à l’eau alors !!! » !

Voilà chers lecteurs un portrait quelque peu satirique de notre cap’tain… mais qu’il convient de ponctuer d’un proverbe qui prend ici tout son sens : qui aime bien châtie bien !

Droit de réponse

La rédaction étant très sensible au respect des règles les plus élémentaires de la démocratie, un droit de réponse est ici accordé à L – G— (nous ne citerons pas de nom pour respecter l’anonymat du contestataire).

Tout ce fatras d’inepties n’a absolument rien à voir avec la réalité, en toute bonne foi objective, et les gens qui me connaissent vraiment seront forcément d’accord. Mais moi je dis ça, je dis rien…

Non ? Vous êtes sûrs ? Ah bon… Disons que c’est juste un peu exagéré alors.

Non plus ? Très en dessous de la réalité ? Vraiment ? Connards !

Je connais au moins une personne à la réputation inattaquable qui dit du bien de le Glaude. Qui ? Ah zut : j’ai bêtement oublié son nom…

Sans vouloir vous commander, si vous pouviez éviter de publier ce ramassis d’approximations douteuses… Vous comprenez, malgré les apparences, ici extrêmement trompeuses, j’ai tout de même une réputation à soigner. Quoi ? Il ne faut pas que j’utilise des mots qui véhiculeraient un concept qui m’échappe ? Va Fancùlo !

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1 Ou du bord, ce qui revient au même.