22-23 novembre 2016 : de Richard’s Bay à Durban

Donc nous partons le mardi 22 vers vingt et une heures trente, un peu avant la fin de la dépression, pour allonger notre fameuse fenêtre. D’ailleurs le temps est maussade, et nous avons même droit à de la pluie. Nous avons environ quatre-vingt-dix milles à parcourir, et la météo nous annonce de bonnes conditions jusqu’à jeudi en milieu de journée : ce devrait être plus que suffisant.

La mer n’est pas trop agitée : une longue houle d’est essaie de gommer les vagues créées par le vent de la dépression. Ce n’est pas toujours très confortable, mais Kousk Eol avance bien. Nous ferons des pointes à plus de onze nœuds avec seulement une quinzaine de nœuds de vent : le courant des Aiguilles est bien là.

Comme prévu par la météo, le vent, d’abord d’est, s’oriente progressivement au nord-est, obligeant à tangonner le génois.

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A huit heures mercredi 23, nous avons déjà fait une soixantaine de milles. Nous sommes apparemment le seul voilier à avoir quitté Richard’s Bay cette nuit. Et nous ne voyons que peu de cargos sur l’AIS.

Avant de partir, nous nous sommes procurés le très pratique « South African Nautical Almanac ». Ce guide décrit tous les ports de l’Afrique du Sud, les formalités et où les faire. Ah si nous l’avions eu plus tôt ! Le Flight Plan n’aurait plus eu aucun secret pour nous…

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De plus, nous y trouvons les informations qui manquent sur les cartes, comme la profondeur disponible, le nom des quais où nous serons probablement dirigés par les autorités portuaires, les zones météo, etc. De plus, ce guide est gratuit et mis à jour régulièrement.

Onze heures: Durban est à moins de quinze milles. Il faut slalomer entre les cargos au mouillage, attendant d’entrer dans le port. Durban est le plus gros port de commerce d’Afrique.

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Y a pas de doute, c’est du gros…

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Deux heures après, nous sommes devant le chenal, mais le signal de contrôle du trafic maritime est rouge clignotant. Vite le guide des ports: rouge clignotant, le port est fermé… Hein? Appel VHF à Durban Harbour Radio sur le 16: il faut appeler Durban Port Control sur le 9. Ces derniers nous donnent l’autorisation d’entrer, mais vite parce qu’un porte-conteneurs fait la course avec nous. Puis dernier appel à la marina sur le 12: plus de place au ponton, il faut se mettre à l’ancre. Et gonfler l’annexe pour descendre à terre. Et il pleut.

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Nous retrouvons au mouillage Mike et Devala sur Sea Rover, qui étaient à côté de nous à la Réunion. Et aussi Michel sur son voilier Gaston que nous avions rencontré au Vanuatu. Lui a mis dix-neuf jours pour venir de la Réunion, avec son tourmentin, car la drisse de génois avait cassé. Conditions pénibles aussi, du calme plat au gros temps.

Mardi 22 novembre 2016 – Richard’s Bay : suite et fin ?

Fini les animaux dits sauvages… Si tout va bien, nous devrions mettre les voiles dans la nuit vers Durban. Pour l’instant, le vent souffle très fort du sud, mais la dépression est censée partir vers l’est dans la journée et le vent de secteur nord reprendre le dessus. Nous reprendrons des GRIBs dans l’après-midi.

Mais d’abord, le parcours du combattant : flight plan remplis, il faut maintenant obtenir tous les tampons pour être en règle.

La première étape sera le Zululand Yacht Club, qui fait office de « Port control », suivie de l’immigration qui vérifie nos passeports, puis la douane qui s’assure que nous ne laissons pas de dettes et que Kousk Eol est bien déclaré, puis enfin la police qui nous demande si nous ne transportons pas d’armes et nous souhaite un bon voyage. Dernière étape : retourner au bureau de la marina de Tuzi Gazi, où se trouve Kousk Eol, qui envoie par email une copie du flight plan aux autorités portuaires.

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Le « flight plan » avec ses tampons.

Nous revoyons nos copains suédois, qui sont arrivés eux par le canal du Mozambique, et partagent avec nous les derniers potins du port. Ça commence évidemment par la météo : les dépressions se suivent sans s’essouffler, tous les trois jours. Alors qu’en temps « normal », il y a au moins trois jours entre dépressions. Combien de temps va-t-on devoir attendre à Durban, sachant qu’il nous faut presque trois jours pour l’étape suivante, East London, sans abri entre les deux ports ? Un voilier néo-zélandais est arrivé dans la nuit, avec de la casse suite à un coup de vent et de grosses vagues au sud de Madagascar. Tiens, tiens… Sur le catamaran amarré en face, le skipper a eu le bras cassé lorsque son bateau s’est fait chahuter par une déferlante qu’il jugeait de six mètres, au même endroit. Et un Écossais arrivé cette nuit nous raconte que, de nouveau au sud de Madagascar, les conditions étaient tellement dures qu’il a voulu se mettre à l’abri sur la côte vers Fort Dauphin : très mauvaise idée. Il a cru perdre son bateau plusieurs fois dans les déferlantes. Et son visage, très marqué, témoignait encore de la dureté de cette traversée, plusieurs jours après.

15h : les autorités portuaires nous confirment par VHF que notre flight plan est bien arrivé… Nous avons le droit de partir. Entre temps, le vent tombe, mais la pluie le remplace.

Pourquoi est on si nerveux pour la météo ? Rappelez-vous : le sud-est de l’Afrique du Sud est balayé par un courant venant du nord, le fameux courant des Aiguilles. Vous savez tous que quand le vent remonte contre un courant, de belles vagues peuvent être créées. Ici se trouve le domaine des vagues dites scélérates : des monstres de plus de dix-huit mètres (mesurés), quasi verticaux, qui vous plient un bateau comme Sarkozy un journaliste qui ne lui pose pas la bonne question.

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Ce qu’on veut éviter…
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Ce qu’on recherche…

La fameuse fenêtre météo est la durée pendant laquelle on peut bénéficier de vents favorables, dans notre cas du secteur nord. Pour Durban, une grosse journée suffit. De Durban à East London, deux cent cinquante milles, il faudra trois jours pour avoir une bonne marge.

21h35 : après une dégustation de bœuf local au restaurant du coin, nous larguons les amarres vers Durban.

Lundi 21 novembre 2016 : le parc Hluhluwe.

8h. Première priorité, après le petit-déj : trouver un formulaire de flight plan. Elise, responsable de la marina de Tuzi Gazi, nous en procure un : quatre pages à remplir, avec pas mal d’information redondante. Mais on le remplit sans arrière pensée… Et comme nous ne pourrons partir avant demain en fin d’après-midi selon la météo, nous avons une journée devant nous à occuper…

Voyons voir : nous sommes en Afrique du Sud, pays des réserves animalières, non ? Et si on s’en faisait une ? Justement, il y en a une à environ cent kilomètres au nord : la réserve de Hluhluwe en pays zoulou, où semble-t-il, certains chanceux ont pu observer les « big fives1 ». Un taxi est appelé, la journée négociée : nous aurons un chauffeur avec nous pour le tour.

Après un peu plus d’une heure de bonne route où des panneaux demandent de faire attention aux éléphants qui traverseraient, nous entrons dans le parc…

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On vous aura prévenus !

Et dix minutes après, le spectacle de la nature commence : les gazelles s’y collent pour faire l’ouverture.

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Sans doute jaloux de leur succès, un peu plus loin, les zèbres font les beaux avec leurs rayures.

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Puis, au passage d’un bras de rivière, deux éléphants broutent en nous tournant le dos : sans doute des syndicalistes…

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Si les touristes laissent un pourboire, on veut bien se retourner.

Et à peine plus loin, déjà des rhinocéros : paisibles sans doute, mais monstrueux ! La corne n’incite pas à aller les chatouiller…

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Tu sais que tu es beau comme un semi-remorque, toi?

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Pour l’instant, la route est très bonne, et il y a peu de monde dans le parc. Un phacochère nous regarde passer, un peu dédaigneux…

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La journée s’annonce très chaude: ça ne facilitera pas l’observation des animaux qui doivent rechercher les coins d’ombre dans les sous-bois. Les impalas, eux, ne sont jamais très loin.

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Juste avant d’arriver au bord de la rivière Umfolozi, un gnou solitaire…

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Et un autre rhinocéros, solitaire lui aussi.

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Nous tentons d’apercevoir des crocodiles depuis le point de vue : nous ne verrons, de très loin, que quelques hippopotames. Plus près, ce sont des vautours qui sont en réunion.

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La rivière Umfolozi.

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Le tour continue, cette fois sur une piste tout à fait praticable. Et de nouveaux des rhinocéros et des phacochères.

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Quelques abris protégés sont installés près de points d’eau pour observer la faune venant se désaltérer. Malheureusement, le spectacle se tient en fin de journée : réservée aux visiteurs qui passent la nuit dans le parc.

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Poste d’observation.
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Point d’eau.

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C’est pas une tête, là, au-dessus des arbres? Mais si! Une girafe, majestueuse !

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Puis encore des zèbres, des impalas : nous jouons presque les blasés…

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Il est vrai que cela fait maintenant plus de quatre heures que nous tournons, et… Mais c’est quoi, ces gros machins sur la piste ? Des buffles ! Tout un troupeau, pas trop pressé de nous faire de la place. Ceux-là non plus, il ne faut pas aller les chatouiller de trop près !

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Comment ça, « pas cap! ». Va-z-y toi lui donner un coup de pieds dans les cou tibias pour le faire bouger…
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Ou alors à celui-ci…

Nous aurons même droit à une séance de nettoyage buccal par un oiseau : le buffle a l’air d’apprécier…

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Alors c’est sûr, quand un varan traverse la route pour se cacher dans un arbre, il faut bien regarder: il fait un peu minus à côté de ces monstres…

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Un dernier éléphant, un petit dernier pour la route…

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Puis il faut rentrer au bateau, les yeux pleins de belles images, et trois big fives sur cinq… Pas de déception: il paraît que lions et léopards sont très difficiles à observer. Et demain, il va falloir refaire le circuit de départ, cette fois avec le flight plan. On vous tient au courant !

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1– Les « big fives » varient d’une réserve à l’autre, mais ici : le rhinocéros, l’éléphant, le buffle, le lion et le léopard. Pas l’hippopotame.