De Mossel Bay à Simon’s Town – Adieu l’Indien, re-bonjour l’Atlantique!

Dimanche 4 décembre 2016. Nous quittons le joli mouillage de Mossel Bay à quinze heures, avec un petit vent de sud-est qui devrait nous pousser vers le Cap des Aiguilles.

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Le phare du cap St Blaize.

À peine sommes nous partis que cinq autres voiliers nous prennent en chasse, comme s’ils attendaient que quelqu’un se décide à donner le signal du départ… C’est qu’il faut avoir franchit le cap avant mardi après-midi : une dépression s’annonce, avec des vent de plus de trente-cinq nœuds dans le nez. Pour l’instant, ce sont les vagues que nous avons de face, qui ne permettent pas de prendre de la vitesse.

On n’en a pas tout à fait fini avec le courant des Aiguilles. À l’ouest de Port Elizabeth, le courant s’étale sur les bancs du cap éponyme, et une composant pousse vers la terre : au passage de Kanonpunt, un promontoire à une quinzaine de milles du cap Saint Blaise, nous avançons en crabe pour ne pas partir à la côte ! Les otaries ne sont pas rares, et on les voit sortir la tête de l’eau pour nous regarder passer.

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Comme prévu par la météo, cette première journée se fait par vent faible, et donc au moteur.

Lundi 5. Volvo a travaillé toute la nuit. Vers six heures, le vent commence à se lever un peu : on devrait pouvoir avancer à la voile d’ici deux ou trois heures d’après les GRIBs. Le Cap des Aiguilles est à environ quarante-cinq milles devant nous.

Cape Agulhas, vingt degrés est et presque trente-cinq sud, est le cap le plus méridional du continent africain. Il marque le passage entre l’océan Indien et l’océan Atlantique. Le cap de Bonne Espérance, lui, est à environ quatre-vingts milles au nord-ouest. Il doit sa notoriété au fait que c’est le premier cap après lequel les explorateurs mettaient le clignotant à gauche pour aller vers l’Asie. Et aussi parce que à partir de là, les caravelles et autres vaisseaux ne recevaient enfin plus le vent des dépressions incessantes de l’Antarctique dans le nez. Il avait d’ailleurs été baptisé par Bartolomeu, premier à le franchir, « cap des Tempêtes ». Mais son nom fut vite changé en « cap de Bonne Espérance », sans doute pour ne pas faire fuir les touristes.

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Le passage du cap des Aiguilles sera une étape mythique pour Kousk Eol : nous aurons bouclé les trois grands océans de la planète. La remontée de l’Atlantique sentira l ‘écurie… Mais ceci est une autre histoire.

Laisser Kousk Eol au mouillage à Simon’s Town n’est pas notre premier choix, mais le yacht club de Cape Town est plein pour le mois de décembre, pour cause d’importantes régates locales, de préparation de la course le Cap-Rio, et de nouveau parce que nos copains de l’ARC déboulent… On verra si on peut bouger au gré des désistements.

10h30 : le vent se lève graduellement. Nous avons maintenant vingt nœuds d’est. Le troisième ris est pris en préparation du passage du cap. Nous devrions progressivement toucher entre vingt-cinq et trente nœuds : au grand largue, les manœuvres seront plus faciles sous voile d’avant que sous grand-voile, surtout que les vagues devraient se lever. Kousk Eol file entre sept et huit nœuds dans une mer pour l’instant clémente, ce qui mérite d’être signalé.

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Il y a deux bancs au sud du cap : le Six Mile Bank et le Twelve Mile Bank. Nous pensions passer au sud du dernier, mais les voileux locaux nous ont convaincu de passer entre la terre et le premier : au sud du Twelve Mile Bank, il faut slalomer entre les bateaux de pêcheurs et leurs filets…

13h07 : nous sommes à un peu plus de quatre milles au sud du cap des Aiguilles, de nouveau dans l’Atlantique… Kousk Eol a bouclé les trois océans : sacré symbole, après le Horn et le détroit de Torres. Nous profitons de vingt-cinq nœuds de vent, malheureusement sur l’arrière, dans une mer qui commence à se former. Les pointes à neuf nœuds ne sont pas rares. Simon’s Town est encore à une centaine de milles, juste avant le cap de Bonne Espérance.

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Cape Agulhas.

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Petit SMS via l’Iridium à Cathy: « On passe le cap! ». Réponse : « Mythique ! Moi je passe l’aspirateur… ». L’important, après tout, est de bien réaliser le caractère unique des événements qui illuminent notre quotidien, et de les vivre intensément.

16h15 : le vent souffle toujours, mais comme nous nous sommes rapprochés de la côte, la mer est moins forte. Nous sommes bien partis pour arriver de nuit au lieu du matin comme prévu…

Mais bien sûr, le vent ne tient pas… Quelques heures plus tard, nous doublons le promontoire de Danger Point, à environ trente-cinq milles de l’entrée de False Bay, au fond de laquelle se niche Simon’s Town. Ah, les premiers marins se révélaient être des poètes quand il s’agissait de baptiser les lieux remarquables… On imagine sans trop de peine les peurs et les angoisses de ces découvreurs devant la rudesse de l’environnement.

Mardi 6 décembre. Une heure du matin : Kousk Eol entre dans False Bay. Le phare du cap de Bonne Espérance est à dix milles à l’ouest, et Simon’s Town à dix-huit au nord-ouest. Le vent est tombé : le moteur s’y recolle et la vitesse ajustée pour arriver au petit jour.

Un banc de dauphins vient tourner autour de Kousk Eol dans l’eau phosphorescente : le spectacle est féerique !

Cinq heures : le ciel se teinte de rouge à l’est. Cette fois, ce sont les otaries qui nous accompagnent pour les derniers milles. La température est très fraîche : pas l’idée qu’on se fait généralement du climat en Afrique. Mais ici, le vent du sud vient directement de l’Antarctique. D’ailleurs les manchots l’ont bien compris : eux aussi viennent tourner autour de nous. Les eaux doivent être très poissonneuses : des centaines de cormorans traversent la baie au petit matin.

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Lever de soleil en entrant dans False Bay.
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Petit phare dans False Bay, juste avant Simon’s Town.
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Cormorans à la fin de leur quart de nuit…

Six heures : nous sommes amarrés à un coffre devant la marina de Simon’s Town : premier mouillage dans l’Atlantique, et à l’ouest du cap de Bonne Espérance…

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Le port militaire de Simon’s Town.

Huit heures : après un petit déjeuner à bord, le bureau de la marina ouvre. Et ô miracle, nous avons une place à quai, au milieu des otaries ! C’est plutôt rassurant pour laisser le bateau pendant que nous serons en métropole pour les fêtes de fin d’année.

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La petite marina de Simon’s Town.