Tahuata est à quelques milles au Sud d’Hiva Oa, séparée de celle-ci par le Canal du Bordelais, à une soixantaine de milles au Sud-Est d’Ua Pou..
25 mai. Nous avons décidé de faire le trajet de nuit pour arriver au matin. Bonne idée a priori, mais la météo avait une autre vue des choses… Nous partons avec un vent assez fort et des grains: deux ris dans la grand-voile et la trinquette, qui n’avait pas servi depuis longtemps.
La mer est désordonnée et nous avons du mal à faire mieux que 60° au vent avec un Kousk Eol, une fois n’est pas coutume, qui peine à prendre de la vitesse: presque 130° bord sur bord, et Tahuata est évidemment pile dans l’axe du vent…
Normalement, nous aurions dû arriver aux Marquises par le Sud en venant des Galapagos: Fatu Hiva, puis Tahuata, Hiva Oa, Ua Pou, et enfin Fatu Hiva. Mais Henry avait son avion à prendre à Nuku Hiva, et il y avait cette promesse, restée à l’état de rêve, de faire une randonnée à cheval et la chasse au cochon sauvage…
Alors ainsi nous faisons tout à l’envers…
La navigation est tellement inconfortable qu’au milieu de la nuit nous nous demandons sérieusement si nous n’allons pas abattre un bon coup pour filer directement aux Tuamotus!
Nous passons du moteur (car le vent tombe parfois) à la grand-voile/génois puis à un ris dans la grand-voile et trinquette en l’espace de vingt minutes!
Sans doute une façon, un peu mesquine, pour ces îles issues de la noblesse de s’amuser aux dépens de roturiers?
Bref: au lieu des 60 milles prévus en dix heures, nous en aurons avalé 110, en un peu moins de vingt heures… On a déjà vu nettement mieux!
Pour couronner le tout, la drisse de grand-voile nous lâche à 5 milles de l’arrivée: honte suprême, il faut finir au moteur. Heureusement, trois raies mantas nous montrent le chemin: légère compensation. Et le mouillage est magnifique: la petite baie d’Hanamaenoa est bien protégée, petite plage de sable blanc sous les cocotiers, bordée de deux petites falaises de lave tombant dans une eau turquoise. Presque aussi beau qu’en Corse, dis donc!
Quatre bateaux nous ont précédé; « Nelly Rose » déjà rencontré aux Galapagos, un Néo-zélandais et deux Américains. « Nelly Rose » partira assez vite, remplacée par deux autres Américains, un Néo-zélandais et un Espagnol.
27 mai. La drisse est réparée: c’est le nœud qui a lâché… Alors qu’il tenait depuis plus de deux mois. Mais ces longues journées de navigation, où le bateau est tout de même pas mal chahuté, ont un impact sur le matériel: raguage, boulons qui se desserrent, etc. On en profite pour faire une petite inspection.
Pendant que nous étions occupés, un dinghy passe, un couple de nos ages à bord: « Do you need any bread? We have baguettes! ». Une Britannique avec un sac plein de baguettes (Ah le cliché qui nous colle à la peau, petits Français!) nous en propose deux: « I have been to the village and thought people here would love to have fresh baguettes… ». Bien sûr! Et nous voici avec deux baguettes fraîches, cadeau… Puis le dinghy continue sa livraison à la demi-douzaine de bateaux dans ce beau mouillage.
Une demi-heure plus tard, c’est un autre dinghy qui passe, un Américain à bord: « Would you like to join us and come on board at 5:30? ». Son bateau est une jolie goélette, et nous nous retrouvons une vingtaine à bord en fin d’après-midi: toute la baie était invitée! Une majorité d’Américains et de Britanniques, un couple de Néo-zélandais et un autre Suisse-Espagnol de Barcelone. Soirée sympa et très bonne ambiance. Nous sommes même invités à l’anniversaire de la femme du skipper à Moorea le 6 juillet!
Retour sur Kousk Eol vers 23 heures: nous n’avons plus l’habitude de nous coucher si tard.
28 mai. Mais nous nous levons vers 6h: il paraît que c’est l’heure à laquelle les raies mantas viennent faire un tour dans la baie pour becqueter le plancton, en abondance ici.
Effectivement: une vingtaine de raies tourne autour du bateau. Spectacle féerique. Vite, masque et tuba! Il en faut plus pour les impressionner, et elles font leurs cabrioles sans s’occuper de nous, la gueule ouverte en permanence pour ne rien laisser perdre… Plus de deux mètres d’envergure, et une grâce incroyable pour planer dans l’eau. La représentation durera plus d’une heure, sans arriver à nous lasser!
Note aux lecteurs – Attention avant de regarder les photos qui suivent: leur IL étant particulièrement élevé, nous recommandons aux personnes sensibles de passer directement au paragraphe suivant. Ça va faire mal…
Pour nous changer les idées, nous décidons, après cet enchantement, d’aller nous dégourdir les jambes vers le village, à 3 km à vol d’oiseau. Petit coup d’annexe et nous voici sur la belle plage de sable fin. Le fond de la baie semble habité par 3 ou 4 personnes. Nous tombons sur un Marquisien entrain de boire son café à l’ombre des cocotiers. Accueil pour le moins réservé, surprenant par rapport à ce que nous avons connu jusqu’ici, et nous comprendrons vite le pourquoi… Nous nous faisons d’abord offrir un capuccino marquisien: café au lait de coco, surprenant mais pas si mauvais que ça.
Et nous découvrons que tous les voiliers ne sont pas les bienvenus: comme le fond de baie semble ouvert à tous, plusieurs équipages en ont profité pour aller cueillir les fruits aux arbres. Sauf que, les arbres ils sont sur une propriété, qu’ils sont récoltés et vendus sur le marché… Comme dit notre nouvelle connaissance: « Et en plus, ils font la gueule quand je leur dis que je vais monter sur leur bateau pour me servir, moi aussi! ». Du coup nous passons la fin de la matinée à discuter au lieu d’aller au village (qui en fait, est à au moins trois heures de marche d’un chemin en montagnes russes).
Ce soir, les raies mantas sont revenues, ainsi que de nouveaux bateaux, dont « Full Circle » que nous avions rencontré aux Galapagos. Eux auront mis dix-huit jours pour traverser avec leur catamaran.
Nous serons quatorze voiliers cette nuit au mouillage, et Kousk Eol sera le seul à battre pavillon français: il doit y avoir quelque part un site dans une langue trop étrangère qui vante les mérites de cette baie…
29 mai: nous allons rendre visite à nos copains de « Full Circle ». Eux arrivent de Fatu Hiva: ils font le circuit dans le bon sens, eux… Et nous recommandent chaudement de ne pas sauter cette étape avant de filer vers les Tuamotus, comme nous l’envisagions après l’expérience un peu dure de près depuis Ua Pou.
On va donc refaire une tentative de près, en espérant une mer plus clémente: départ prévu demain matin vers 5 h. Les GRIBs montrent du vent d’Est virant Sud-Est, 15 à 20 nœuds: il faudra faire vite, mais la traversée ne fait « que » 45 milles.
En attendant, dernière baignade dans la baie: eau chaude et jolis poissons. Même des requins pointe-noire passent en dessous de nous.
Salut les gars. On vous envie, en voyant ce ballet de raies manta…
Vous avez pensé à tout, même à la caméra sous marine..
Vous croiserez peut.être aussi des requins citrons, mais attention tout de même..
On vous embrasse
Pour l’instant, on se contente de pointes noires et pointes blanches… Et plein d’autres poissons de toutes les couleurs!
Bises à tous les deux!