Les îles et le lagon, c’est beau, voire magnifique. C’est un fait acquis. On ne va pas revenir là-dessus. Rappelez-vous : la Nouvelle-Calédonie a le plus grand lagon du monde, et le deuxième récif corallien le plus long. Ne chipotons pas. Lalalère.
Mais la Grande Terre, alors ? Ben on loue une voiture et on va voir… Et on vous raconte, avec la subjectivité impartiale et l’exhaustive incomplétude qui nous caractérise. La grande île de Nouvelle-Calédonie fait quatre cents kilomètres de long : encore une fois, il va falloir être sélectif sur les spots à visiter. Nous partons de Nouméa par la côte ouest, le pays des élevages et des cow-boys caldoches. Une très bonne route nous emmène vers le nord, longeant d’immenses prairies et leurs exploitations, fermes souvent isolées, avec le lagon d’un côté et la crête des montagnes de l’autre. Tout du pays de pioniers.
Le littoral laisse présager de belles plages. Nous passons par la presqu’île de Ouano pour vérifier. Pas compliqué : c’est tout simplement magnifique. Puis nous continuons vers le petit village de La Foa, où se trouve la passerelle Marguerite construite par des admirateurs de Eiffel.
Nous mangeons dans le restaurant d’un vieil hôtel du « centre » : la viande de bœuf local est excellente et les portions ne sont pas étriquées ! Le bar à l ‘entrée est décoré de centaines de casquettes au plafond…
L’estomac plein, nous prenons une petite route qui nous mène au parc des Grandes Fougères sur les hauteurs, où nous ferons une balade au milieu d’une végétation extraordinaire.





Puis nous terminerons cette première journée de visites par celle du fort de Teremba, à Moindou, à la fois une fortification militaire et un bagne, solitaire sur une butte dominant les environs, près de la mer.

Le lendemain, nous bifurquons vers la baie de Gouano, à côté de Bourail. Là se trouve la Roche Percée et le Rocher du Bonhomme. La vue est superbe depuis Notre Dame des Flots, au sommet d’un petit monticule vite gravi.



Pas très loin se trouve le plus grand hôtel de Nouvelle-Calédonie, le Sheraton, élu plus bel hôtel du Pacifique. Allons vérifier…
Nous ne connaissons pas les concurrents, mais l’architecte a frappé fort : le bâtiment est magnifique, tout en bois et bien intégré dans le paysage. Les charpentiers se sont fait plaisir !





Autour du Sheraton s’étend un immense parc, apparemment co-géré avec la région, où sont proposés tours en VTT, randonnées à pied ou à cheval, baignades, snorkeling, etc. Et évidemment, la plage devant l’hôtel ne pouvait pas être moins que grandiose.
Nous continuons ensuite la route vers le nord, jusqu’à Koné, où nous prenons la transversale qui nous mène sur la côte est. Très belle route au milieu de paysages de montagne très verts et de vastes pâturages.


Arrivés sur la côte, nous prenons vers le nord, vers Hienghène. Le paysage est complètement différent : forêt dense et très verte. Finies les grandes plaines : la route est coincée entre la montagne et la mer. Les tribus/villages sont cachés dans la végétation : seuls des panneaux indicateurs signalent leur présence.

L’arrivée sur Hienghène est extraordinaire. De hauts rochers en calcaire noir, les falaises de Lindéralique, dominent une jolie baie fermée par la Poule Couveuse.



Pour être en harmonie avec la beauté du lieu, nous ne pouvions faire mieux que de dormir dans le très bel hôtel Koulnoué Village. Faut ce qu’il faut. En fait, c’était le seul avec encore des chambres libres, et une promotion d’avant vacances ajoutait à l’attrait… En guise de chambre, nous aurons un petit bungalow au bord du lagon. Y a pas de raison.
Hienghène est tristement célèbre pour l’assassinat de dix-sept Kanaks indépendantistes, dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou, par des Caldoches en 1984.
Un peu plus loin au nord se trouve le dernier bac de Nouvelle-Calédonie, qui permet de franchir l’estuaire de la rivière Ouaïème. Ce bac fonctionne gratuitement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et devrait être remplacé par un pont un peu plus en amont dans les années à venir.
En revenant vers Hienghène, nous visitons une ancienne mission, elle aussi dans un cadre splendide.
Puis nous reprenons la route vers le sud. De nombreuses tribus sont établies le long de la route. Le décor change : la végétation luxuriante laisse la place à un paysage plus sec. Nous nous approchons des mines de nickel plus au sud. Nous arrivons finalement à Houaïlou, dans le fief des indépendantistes, où il nous a été fortement recommandé de ne pas traîner. En particulier par le loueur de voiture qui ne souhaitait pas récupérer sa voiture caillassée… Même la gendarmerie ne sort pas sans les gilets pare-balle !
Sur le bord de la route qui doit nous ramener vers Bourail et la côte ouest, un auto-stoppeur. Par reconnaissance pour les véhicules qui nous ont pris chaque fois que nous avions levé le pouce, nous faisons jouer la réciprocité. Surprise : deux autres hommes s’approchent… En fait, le candidat au transport est plus rond qu’une queue de pelle tournée par un Suisse1 : dire que son haleine est chargée serait une déformation fortement réductrice de la réalité. Nous frisons l’éthylisme en respirant les vapeurs d’alcool généreusement exhalées… Incapable de s’exprimer, ce sont ses deux compagnons, un peu moins atteints, qui nous expliquent qu’il n’est pas dangereux, qu’on n’a rien à craindre, et qu’il veut seulement rentrer sur Nouméa. Ah, d’accord ! Mais nous nous arrêtons à Bourail. Pas de problème : il prendra le bus de là.
Nous voici donc repartis avec notre passager, qui nous demande tout de suite « De la beu ! ». Ah, c’est donc ça : ce n’est pas qu’un problème d’alcool ! Nous réussissons à le contenter avec une demie tablette de chocolat qui nous restait. Nous tenterons souvent vainement de traduire un certain nombre de borborygmes jusqu’à Bourail, où nous le posons vers l’arrêt des bus, et nous aurons droit à un « Que le seigneur vous accompagne ! ». Et qui va l’accompagner, notre compagnon éphémère ?
Le soir, nous retrouvons le même hôtel que l’avant-veille : le tour de Bourail est vite bouclé, et l’autre hôtel semble avoir fait faillite. Et même pas un bistrot.
Le lendemain, après le petit-déjeuner, comme il fait beau, un crochet vers l’admirable plage de Poe est voté, afin de nous rincer l’œil encore une fois, et permettre à Cathy une dernière trempette dans le lagon. Pour apprendre plus tard qu’une femme s’était fait attaquer par un requin au même endroit. Frissons rétrospectifs…
Plus loin se trouve le cimetière des Néo-zélandais : les alliés avaient des bases importantes en Nouvelle-Calédonie durant la guerre du Pacifique.
Et un peu plus loin, surprise : une mosquée, établissement religieux plutôt rare dans le coin. Mais rappelez-vous : la France envoyait ici ses prisonniers politiques à la fin du dix-neuvième. Entre autres les kabyles rebelles à la colonisation française en Afrique du Nord. Beaucoup sont restés après l’amnistie, et se sont installés dans cette région.
Enfin nous repassons à La Foa, où cette fois nous visitons le parc aux totems, magnifiques.
Puis c’est la rentrée sur Nouméa. Nous arrivons assez tôt pour voir le centre culturel Jean-Marie Tjibaou : une merveille architecturale d’Enzo Piano2.







Le mauvais temps et la nuit tombante feront que nous écourtons les dernières visites à la cathédrale, au pénitencier de Nouville, à la rue des Colons, aux musées de la ville… Demain, direction l’aéroport de Tontouta pour le retour en métropole de Cathy et MarieJo.
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1– Une queue de pelle tournée par un Suisse est plus ronde que ronde, précision helvétique oblige.
2– Mais si, vous savez bien, celui qui a conçu le Centre Pompidou ! Bien sûr, ici, le style est légèrement différent, plus en harmonie avec le lieu et la culture.