Nous voici donc en Martinique, après cinq mille sept cent quatre dix milles et quarante-trois jours de traversée de l’Atlantique Sud. Un beau morceau, avec des conditions météo assez variées. Et avec un équipage un peu disparate : deux antiquités voileuses avec un nombre d’années et de milles sous la quille impossible à compter sur les doigts, même en y mettant les pieds, un autre avec une expérience un peu moins étendue, plus théorique, et pas de « grande » traversée à son actif, et pour finir un débutant confirmé en voile…
Ce fut dans tous les cas une expérience de vie commune instructive : il n’y a rien de tel que le huis clos d’un voilier pour révéler les personnalités, et exacerber les énervements qui dans d’autres conditions auraient été étouffés avec un mouchoir. De nouveau, beaucoup de similitudes avec une cordée en haute montagne dans un massif isolé, loin de tout. Il n’est pas sûr que tous les quatre se retrouvent à nouveau un jour ensemble sur un bord… Dire que j’avais envisagé de faire cette traversée à deux avec mon frère Bernard, ou même seul s’il n’avait pu venir. C’est la vie.
Bref. Le Cul de Sac du Marin est un abri naturel très prisé des navigateurs et des loueurs dans les Petites Antilles : vaste, très protégé des vents, et région tranquille1. Le succès a sa rançon : un grand nombre de bateaux2 sont au mouillage ou à quai, et l’effet est impressionnant quand on arrive ici pour la première fois, surtout après tant d’arrêts dans des endroits où une dizaine de voiliers représentait une foule à la limite du supportable !
La capitainerie est bien rodée. Notre demande de place à quai est prise en compte et la clearance d’entrée se fait sur ordinateur. Elle coûte cinq euros mais se fait en dix minutes, alors que précédemment, on avait affaire à un agent et c’était gratuit… Putain d’informatique.
Nous devons attendre l’attribution de notre place sur un corps mort. Pa ni pwoblème, nous profitons du spectacle : deux yoles sont de sortie et tirent des bords dans le chenal. Toutes en longueur, la voile relativement petite est très avancée et l ‘équipage à l’arrière, prêt à se mettre au rappel sur des perches pendant que le barreur se cramponne à la rame qui sert de gouvernail.
Il faut être très agile : les surventes surprises ne pardonnent pas ! Ça ne rate pas : l’une des yoles dessale tout d’un coup devant nous… Le mât est vite retiré et le bateau redressé, plein d’eau : l’équipage écope à la main.
Le canal 9 de la VHF hausse le ton : la capitainerie nous indique que nous avons une place à quai, temporaire, mais qu’ils font leur possible pour trouver quelque chose jusqu’à notre départ. Un canot de la marina vient nous montrer le chemin, et nous aider pour les amarres : des pros. Petite montée d’adrénaline : soudainement, le sondeur n’affiche plus que dix centimètres sous la quille. « Ah oui, il faut rester très près des pontons… ». Ah oui… Nous n’aurons que soixante-dix centimètres sous la quille au ponton, et nos voisins nous disent qu’on ne compte plus les bateaux qui s’échouent : les places s’attribuent en fonction du tirant d’eau.
La marina est moderne, récente, très pratique : sanitaires et laverie, commerces, restaurants… La civilisation, quoi. Et nous irons au resto : assiette créole pour cette première fois, avec acras de morue, boudin noir, crabe farci, crudités « locales », arrosés avec une Lorraine ambrée.
Bernard est reparti vers Antibes, et Christian et Payou ont décidé de louer un appartement chez une connaissance à Fort de France. Je me retrouve seul sur Kousk Eol : pas vraiment une punition ! Il y a un peu de bricolage à faire : je vais faire ça en prenant mon temps. Sans trop traîner car Cathy arrive le cinq avril.
Juste avant le départ de Bernard, il a fallu bouger le bateau vers une place plus définitive, sur le ponton un, dans l’ancienne marina. Là aussi, les fonds sont limités : à peine plus de trois mètres entre pontons, et les pendilles en travers, peu plongeantes vers la chaîne mère au milieu du passage. Avec notre tirant d’eau, à peine le milieu franchi que la quille accroche… « Ah oui, les pendilles ne laissent pas beaucoup de place. ». Ah oui. Il faut dire que la priorité ici semble être le catamaran, pas ces machins avec une protubérance sous-marine faite soit disant pour améliorer le comportement à la voile. À la quoi ? A nouveau, nous n’avons que cinquante centimètres sous la quille.

Et que fait-on après une longue traversée ? Je vous le donne en mille : on répare et on nettoie3… Je ne vois pas pourquoi vous y échapperiez. Sur la liste des choses à faire se trouve le remplacement des bouteilles de Camping Gaz, toutes vides. Ça tombe bien, il y en a ici ! Sauf que : nos bouteilles ont bien navigué, et ont été protégées tant bien que mal avec de l’antirouille. Rouge. Rappelez-vous : les bouteilles de Camping Gaz sont de quelle couleur déjà ? Ben oui, le rouge, ça va pas du tout. Donc il faut en reprendre d’autres. Quatre à soixante-quinze euros pièce, consigne comprise, ça commence à faire cher le plat de pâtes au beurre… Le commerçant, compréhensif, accepte de prêter une bonbonne de treize kilos pour remplir les Camping Gaz : vingt-cinq euros pour les quatre, on va carrément pouvoir passer aux Panzani !

Le génois est usé le long du rail d’étai : les très longs bords de grand largue sont assassins ! Il faut affaler la voile et coller une bande de renfort par dessus la ralingue. Il faudra certainement faire mieux une fois rentrés, mais ça devrait tenir. Idem pour la grand-voile : quelques points d’usure sont « colmatés » avec des patchs. Nos voiles ont remarquablement bien tenu le coup de nos navigations longues et en toutes conditions : nous ne regrettons pas les conseils de Jacques de Delta Voile pour prendre de l’Hydranet (publicité gratuite). La coupe, radiale, permet d’avoir des zones de grammages différents, en fonction des programmes de navigation.
La bande anti-UV est elle aussi en bout de course : les coutures sont cuites et le tissus usé à plusieurs endroits. Là aussi, un collage permettra de faire durer encore quelques mois.
L’alarme du moteur a rendu l’âme : plutôt gênant, car il faut redoubler d’attention et être à l’écoute de tout changement de rythme, de bruit… Pas forcément facile en navigation. Et on est toujours à la merci d’une ailette de la turbine à eau de mer (impeller) qui reprend sa liberté, provoquant une surchauffe du Volvo. Voire une algue bouchant la prise d’eau. Donc l’alarme est changée contre une toute nouvelle achetée au shipchandler du coin et aussi contre une poignée d’euros : la plaisance a toujours été un loisir onéreux, mais ici, c’est carrément du luxe… Mais bon, si ça peut empêcher de casser le moteur.
La colle des miroirs des coins toilette ne remplissait plus son rôle et lesdits miroirs perdaient leur pouvoir réfléchissant : la chaleur des tropiques et l’humidité en ont eu raison. Les miroirs, me direz-vous, ne sont peut-être pas des éléments essentiels pour naviguer sur un voilier. Détrompez-vous ! Selon l’équipage, surtout au mouillage, ces éléments dits de confort peuvent grandement contribuer à une plus grande sérénité à bord… De même que des WC avec des joints ne fuyant pas. Donc, on rajoute sur la liste des choses indispensable à faire.

Et puis finalement, il faut tout remettre à sa place, de manière la plus logique possible pour éviter les pertes de temps lors de la recherche du machin (ou du truc) dont on a besoin sur le champ. Et nettoyer : même en mer, la poussière s’accumule et les planchers deviennent poisseux avec le temps.
Sans oublier les courses et la pharmacie, évidemment : il est temps de renouveler le stock de thymoanaleptiques4 génériques pour la suite des tribulations. Surtout que les labos locaux sont à la pointe de la technologie…

Le final sera la grande lessive à la laverie du port : draps, serviettes, vêtements,…
5 avril 2017 : Cathy arrive ce soir. Je suis dans les temps… D’autres amis nous rejoignent un peu plus tard : nous avons prévu d’aller faire un tour aux Grenadines. Ensuite, nous rejoindrons André et MarieJo en Guadeloupe. D’ici là, le programme est de visiter la Martinique. On vous racontera peut-être tout ça un de ces jours.
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1– Je parlerais bien du rhum de la Martinique, le meilleur, et des nombreuses et magnifiques maisons (distilleries) mais je crains que la censure n’exerce ses droits..
2– Probablement autour de deux mille…
3– Holà les mauvaises langues : le ti punch, c’est en plus !
4– Eh oui, il faut sortir un peu !
Bravo pour l’Emile !
Fin Juin Toulon ? de cette année ?
Amitiés
Michel
PS : D’ici là, as-tu ta procuration pour voter les 23 avril et 7 mai, 11 et 18 Juin 😉
Yes, c’est le but… Et non je n’ai pas de procuration pour le 27 avril: trop compliqué d’ici! Mais je serai en métropole pour le 7 mai.
A bientôt!
Coucou, nous sommes les Belges du Centurion 42 à côté duquel vous êtes venu mouiller à Saline Bay à Mayreau. Nous n’avons vu le nom de votre bateau que lorsque vous avez levé l’ancre, sinon nous serions venus vous saluer. Nous suivons vos » aventures » . Pour notre part nous avons un rythme plus lent que le vôtre puisque partis du S de la France en 2011 nous sommes » seulement » aux Antilles. Nous sommes des flâneurs et découvreurs de pays. Nous visitons beaucoup. Etes- vous contents de votre Wauquiez?
Bon vent à vous pour la suite et bonne traversée retour
Les. Manea . Françoise et Michel