26 mars 2015: nous devions partir aujourd’hui, avec Frank, pour les Galapagos.
Mais la météo en a décidé autrement: un gros mauvais temps sur la région de Valparaiso a levé une grosse houle qui se ressent jusqu’à Arica, et provoque de belles déferlantes à l’entrée du port…
Du coup, l’Armada interdit tout départ…
Arica n’est pas un mouillage très sûr pour le moyen terme: le petit port de plaisance est très ouvert sur le large, et les mouillages ne suscitent pas forcément beaucoup de confiance.
D’ailleurs cette nuit, deux voiliers ont cassé leurs amarres de proue et pivotaient sur eux-même par l’arrière… Nous, nous nous sommes contentés de ne pas pouvoir dormir. Et dans la journée, notre bouée de proue dérape elle aussi: on met vite l’ancre en double!
De plus la taxe de mouillage a été doublée ($20 par jour): exorbitant pour le niveau de service offert.
Même le Morro de Arica s’en mêle: un bel éboulement juste en face de nous à 200m!
Il y a bien le pisco sour pour se consoler, mais il parait qu’il ne faut pas en abuser…
Entre temps, Frank est bien arrivé: on sera trois à attendre.
Dans peu de temps, nous quittons le Chili, dont nous avons exploré une certaine longueur de côtes (plus de 4000 km), dont nous avons admiré les paysages si changeants entre le Sud et le Nord, sans oublier les îles de Pâques et Robinson Crusoé, et surtout, dont nous avons apprécié la grande gentillesse des gens…
Nous reviendrons!
Pour être tout à fait objectifs et complets, nous avons aussi bien aimé le vin (vive le carmenere!): les cales de Kousk Eol devraient nous permettre de garder un souvenir plus tangible du Chili pendant un certain temps… Le pisco sour? Oui aussi. Mais vous nous connaissez: nous sommes raisonnables!
« Y que le vaya bién »: c’est par ces mots que la plupart des Chiliens que nous rencontrions nous souhaitaient bonne continuation, du pompiste au serveur de restaurant, en passant par le marin de l’Armada ou le chauffeur de taxi. Nous nous sommes toujours sentis à l’aise dans ce pays.
Mais il fallait bien se décider à partir: prochaine étape, les Galapagos. Une douzaine de jours pour les 1600 milles qui sont devant nous, si le vent ne nous lâche pas. En espérant ne pas être en retard pour accueillir MarieJo et Cathy qui arrivent le 10 avril.
Frank sera avec nous pour cette traversée: il avait déjà participé en descendant de Rio de Janeiro à Buenos Aires.
On vous l’avait dit, on avait prévu un petit viron au Pérou et en Bolivie avant de repartir vers les Galapagos: c’est bon, c’est fait. On peut passer à autre chose.
Non? Bon d’accord, on va vous raconter un peu, mais c’est une tâche délicate: certaines photos ont un IL (Indice Lacrymométrique, pour ceux qui ont du mal à suivre) qui fait exploser les limites du supportable. Ne venez pas vous plaindre si vous êtes à court de kleenex. On vous aura prévenus!
8 mars: nous prenons un taxi collectif pour nous diriger vers Tacna, première ville péruvienne au-delà de la frontière avec le Chili, à une trentaine de kilomètres. Tacna s’est construite comme Arica, au milieu du désert, et là aussi, notre Eiffel national est venu laisser son empreinte, avec entre autres une fontaine et une église. Entre nous, ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux. La ville n’est pas trop fun, et semble pauvre. Sur la Plaza de Armas, on nous rappelle que Tacna fut un des hauts lieux de bataille avec le Chili lors de la guerre du Pacifique: annexée par le Chili, elle ne fut récupérée par le Pérou qu’en 1929.
L’église de TacnaMonument à la gloire de Bolognesi et Grau, deux héros de la guerre du Pacifique…Rambla de Tacna
Nous trouvons tout de même un resto sympa, le Da Vinci, avant de prendre à 23h notre bus de nuit vers Arequipa.
Six heures après, à 5 heures du matin, nous sommes arrivés: nuit noire, pas un chien (il n’y a peu de chats ici, mais plein de chiens débonnaires) dans les rues… Un taxi nous emmène à la Plaza de Armas (ben oui, chaque ville, chaque village a sa Plaza de Armas, au centre: bien pratique!), où nous attendons sur un banc que le jour se lève, vers 7 heures, et qu’un café daigne ouvrir… Et il ne fait pas très chaud!
Arequipa est une ville magnifique, au moins son centre historique. Un vrai musée à ciel ouvert: les Espagnols se sont lâchés! La cathédrale, une basilique, est monumentale, massive même, et prend tout un côté de la grande Plaza de Armas, entourée sur les autres côtés par de vieux bâtiments à arcade. Et le fin du fin, c’est que le volcan Misti, cône parfait de 5800m, se pavane à l’arrière-plan.
La cathédrale d’Arequipa
Un couvent incroyable couvre tout un quartier de la ville: le couvent de Santa Catalina est une vraie ville en miniature, avec ses rues, ses habitations, ses chapelles, ses cuisines… Le tout entouré de hauts murs. Il était consacré aux religieuses qui faisaient vœux de silence: chaque bonne famille se devait d’y confier une de ses filles. Ils savaient vivre dans le temps…
Le plan du couvent de Santa CatalinaDans le couvent…
Un musée sur la civilisation Inca présente les victimes de sacrifices humains (surtout de jeunes filles), récemment trouvées momifiées par le froid, au sommet de volcans à plus de 5500m d’altitude. O tempora, o mores, comme disait l’autre.
Entre les cloîtrées et les sacrifiées, vive la journée de la femme! Heureusement, aujourd’hui d’autres défenseurs autoproclamés d’un dieu se chargent de perpétuer (et perpétrer) ces traditions délicieuses…
Retour à la civilisation moderne: le Pérou, ce n’est pas le Chili… On entend plus de klaxons que de flûte de Pan, et les piétons sont clairement la cible des voitures: sûrement que les conducteurs récupèrent des points pour leur permis chaque fois qu’ils en accrochent un! Heureusement, une fois sortis de leur voiture, les Péruviens sont des plus sympathiques.
Ah oui: Arequipa est aussi la ville de Mario Vargas Llosa, et aussi un des lieux de bataille avec le Chili. On ne manque pas de vous rappeler que les combats ont été héroïques.
Un autre quartier, Yanahara, plus loin du centre historique, mérite aussi un détour: vieilles demeures, de nouveau une place et son église, petites rues tranquilles, loin du flot des touristes…
La place de Yanahara
Arequipa est aussi une ville marquée par les tremblements de terre: aucun immeuble haut, et les traces des tremblements les plus fort sont toujours visibles.
D’Arequipa, nous décidons de nous inscrire à un tour vers le Canyon del Colca, où en principe nous devrions voir des condors… Lever à 2h du matin, petit déjeuner à Chivay vers 6h30, puis encore environ deux heures de route et nous voici à la Cruz del Condor. Comme les Péruviens respectent les touristes, les condors sont au rendez-vous: presque 3m d’envergure qui planent juste devant nous, au-dessus du canyon qui lui plonge à plus de mille mètres en dessous (plus profond que le Canyon du Colorado).
Et un condor, un!L’église de Maca
Et c’est le retour vers Arequipa.
Au déjeuner, on nous propose des cuys: je vous laisse deviner comment ça se prononce. Et comme nous on en a, on a mangé du cuy, en fait du cochon d’Inde, plat réputé dans la région.
Cette fois la route de retour passera par un col à plus de 4900m. Le souffle est court, et le marin ne courre pas…
De l’alpaga en veux tu en voilà!Les sommets au dessus de l’altiplanoEt des flamants andins…
Une pause avec infusion de coca nous requinque! La feuille de coca semble être le remède à un grand nombre de maux ici, mastiquée ou en infusion.
Puis nous refaisons le coup du bus de nuit vers Cusco, la capitale des Incas. Dix heures de bus tout de même. Évidemment, comme nous apprenons lentement, nous arrivons encore une fois trop tôt: re-Plaza de Armas de nuit…
Cusco est très différente d’Arequipa: à part la Plaza de Armas, tout est en pente, la Plaza de Armas pratiquement au niveau le plus bas. Et comme la ville est à 3300m (Arequipa n’est « qu’à » 2300m), là aussi nous ne nous précipitons pas!
Les Espagnols ont bâti au-dessus de fondations et infrastructures Inca, aussi bien les églises que les bâtiments plus laïques: partout on retrouve les murs aux pierres ajustées au millimètre, et qui ont résisté à tous les tremblements de terre jusqu ‘à aujourd’hui. Il fallait raser les signes trop évidents de la civilisation Inca, mais en même temps, il fallait construire une nouvelle ville: alors peu importait qu’une église soit bâtie sur les restes d’un temple…
Les murs incas
Pour nous accoutumer à l’altitude, nous montons voir le Cristo Blanco qui domine la ville: un cadeau de la communauté palestinienne locale à la ville, ça ne s’invente pas…
Le Corcovado local…
Un petit musée d’art pré-colombien nous éduque un peu sur les civilisations anciennes et l’art des différents peuples, jusqu’à la domination des Incas, puis leur élimination par les Espagnols. Précurseurs du cubisme sans le savoir, ils ont inspiré en particulier Braque et Picasso… C’était qui, la civilisation avancée, à l’époque?
Afin de nous remettre de la fatigue et des émotions, et comme nous savons nous tenir, nous nous contenterons d’un petit verdot pour accompagner le repas ce soir.
13 Mars: il faut quitter Cusco car le Machu Pichu nous attend!
Et ça se mérite: deux heures de collectivo jusqu’à Ollantaytambo, d’où nous prendrons le fameux train vers Aguas Calientes, au pied du site inca.
La route suit le rio Urubamba: nous révisons l’Oreille Cassée et le Temple du Soleil!
A Ollantaytambo, nous montons dans notre compartiment du train de l’Inca Rail: trois compagnies se partagent le business de la visite du Machu Pichu. Nous trouvons facilement un hôtel à Aguas Calientes, une ville qui n’existe que parce que le site est sur les hauteurs, et assume la fonction principale d’héberger les touristes… La rue principale est d’ailleurs la voie ferrée.
Le train dans la rue principale d’Aguas Calientes
Le chemin vers le site du Machu Pichu démarre juste en dessous de notre hôtel: plutôt pas mal, car nous démarrerons l’ascension vers 5h.
14 mars, 4h45: le réveil sonne, et la pluie tombe… Mais il faut y aller. Et on y va: environ 400m ,de dénivelée dans la forêt tropicale après vingt minutes de marche « à plat ».
6h15: nous arrivons à l’entrée du site, sous les nuages, la pluie ayant daigné arrêter de nous taquiner. C’est un peu magique de voir le site se révéler petit à petit… Le soleil reprend petit à petit le dessus, et c’est grandiose! Le site est magnifique (ça on le savait), et se balader à travers les prouesses architecturales des Incas, quasiment seuls avant le flot des touristes qui monteront en car est un instant privilégié.
Le site du Machu Pichu…
Nous avons pris un pass pour grimper sur la Montaña del Machu Pichu, qui domine de 600m le site à un peu plus de 3000m. Montée raide, par des marches d ‘époque, et chemin agrémenté d’orchidées variées…
Oh la belle orchidée!
La vue sur Machu Pichu finit par se dégager: impressionnant!
Eh oui, c’est beau: on ne vous le fait pas dire…
Puis il faut redescendre: si nous voulons « tout » voir, il ne faut pas traîner… La Puerta del Sol et le Puente del Inca sont deux incontournables: ce sont deux des accès historiques au site.
La redescenteLe Puente del Inca, accroché à la falaise…La route des bus vue depuis la Puerta del Sol.
Qui a dit que toutes les bonnes choses ont une fin? Les mauvaises aussi, d’ailleurs. Il faut songer à rejoindre Aguas Calientes: notre train ne nous attendra pas!
A 19h, nous repartons vers Ollantaytambo où nous arriverons vers 21h: heureusement, nous trouvons un petit hostal à côté de la gare: douche chaude et au lit!
Le lendemain, nous reprenons un collectivo pour Cusco, d’où nous repartirons vers Puno, au bord du Titicaca… Non, rien à espérer ici: il a été décidé de ne pas se vautrer dans le jeu de mots facile…
Nous arrivons à Puno vers 21h45, après 9h de route. Heureusement, nous trouvons un hôtel à côté de la Plaza de Armas (on vous explique encore un coup?). Mauvaise nuit: le lac est à plus de 3800m, et nous ne sommes pas complètement acclimatés… Narines bouchées, souffle court…
Mais il en faut plus pour déstabiliser les frangins: le lendemain, tour en bateau pour découvrir les îles flottantes en roseaux des Uros du Titicaca dont tout le monde parle, repoussés loin des bonnes terres par les Quechuas et les Aymaras. Surprenant…
Une des îles flottantes.Une jeune Uros…La frime, non?
Puno n’est pas une grande ville, mais les Espagnols ont laissé leur signature: une imposante cathédrale du 17e trône au milieu du bourg. Devinez où? (note: ceux qui n’ont pas répondu « sur la Plaza de Armas » sont vraiment indécrottables).
L’église…… et la cathédrale.
Les îles flottantes, c’est sûr que c’est pas mal. Mais la mythologie inca veut que le premier d’entre eux soit né sur l’Isla del Sol, à un peu plus de 3h de route, côté bolivien. Donc, bus vers Copacabana, station balnéaire sur le lac: eh oui; il paraît que certains se baignent dans le Titicaca. Hein le Dédé?
Arrivés à Copacabana, comme il est trop tard pour traverser vers l’île du Soleil, nous grimpons sur le calvaire qui domine la ville: un petit 4000m en short…
Copacabana vue du calvaire
Nous traversons sur un petit bateau vers l’île le lendemain: après 1h30 nous arrivons à Yumani, l’un des trois villages de l’île, au Sud.
Le petit port de Yumani.Et la résidence grand standing où nous passerons deux nuits.
Petite ballade vers le Temple du Soleil (Eh oui, il existe!), puis retour à Yamani: demain nous traversons l’île du Sud au Nord, et retour…
Le Temple du Soleil
18 mars, 7h du matin. Nous partons pour la traversée de l’île: un bon chemin parcourt la crête et nous emmène vers le Nord. Le retour se fera le long de la côte, par le chemin qui relie les villages: 5h de marche, de nouveau avec un passage à plus de 4000m.
Le chemin qui suit la ligne de crête vers le Nord.C’est la fête au village!
Puis nous reprenons le bateau vers Copacabana où nous passons la nuit. Il pleut des trombes d’eau durant la nuit, puis le matin c’est de la grêle qui nous accompagne pour le petit déjeuner…
Pas de terrasse aujourd’hui…
Petite pensée pour les malchanceux qui partent vers l’Isla del Sol, avant de retourner à Puno pour y prendre un bus pour Tacna, et de là un collectivo pour rentrer à Arica rejoindre Kousk Eol…
Nous avons choisi cette fois de voyager de jour: la succession de paysages entre l’altiplano à plus de 4000m, où paissent les alpacas, puis la redescente vers les zones désertiques de l’Ouest nous en met plein les yeux…
Cette fois, cette parenthèse dans notre périple marin se termine. Mais quelle parenthèse!