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Traversée Praia/Salvador-Semaine 2 : 14- 22 septembre 2013

Cette fois-ci, les alizés sont bien accrochés : vent de sud-est 15 à 20 nœuds, Kousk Eol file à pratiquement 8 nœuds au travers en direction de Salvador, dans une houle relativement bien formée.

Nous pêchons enfin notre premier poisson : un joli thon rouge de 4-5 Kg, vite transformé en carpaccio et steaks. Menu du jour : darnes de thon rouge de ligne légèrement poêlées, relevées au jus de citron vert du Cap éponyme, accompagnées de leurs pommes de terre de Praia en pagne des savanes, le tout arrosé d’un vinho tinto Frei Joaõ. Un pur régal ! Ceci sans vouloir minimiser la valeur des coquillettes dans la diététique du marin, bien sûr.

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L’équateur est franchi le 15 septembre à 22h07 TU exactement, par 24°39 de longitude ouest. Champagne et foie gras de rigueur, en n’oubliant pas le 5e convive : Neptune ! C’est une grande première pour tout l’équipage et nous sommes tous un peu émus par ce baptême…

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Juste avant le passage de l’équateur…
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… Et juste après.

Encore, ou plus que 1000 milles pour Salvador.

Nous continuons à faire décoller des bancs de poissons volants chassés par les fous et autres espadons. Magnifique spectacle ! Mais quand on y pense, alors qu’à la télé on peut profiter d’émissions de qualité et de grande profondeur telles que Secret Story , le Loft ou Koh Lanta, sans parler des émissions qui en parlent… Ici la nature nous offre tous les jours le même spectacle. C’est bien le fond du problème : la nature, au contraire de la télévision, ne sait pas se renouveler… Bon d’accord, le plané des puffins au ras des vagues, autour du bateau, ça a un côté un peu magique. Les poissons volants rasant la houle, se relançant d’un coup de queue avant de plonger parfois 100 m plus loin, un fou aux caudales (lire : « aux fesses », mais l’article scientifique sur les fesses des poissons volants reste à écrire), on ne voit pas ça dans toutes les piscines. Mais si on y réfléchit, ils font ça tous les jours, depuis des lustres . Et je ne parle même pas des couchers de soleil : tous les soirs à peu près à la même heure, toujours dans des nuances flamboyantes . Alors le côté novateur…

Et Kousk Eol, tel le valeureux Hollandais Volant glissant sur la crête moutonneuse de la houle majestueuse dans l’immensité de l’océan, sous l’infini de la voûte céleste, continue infatigablement sa chevauchée, emportant son valeureux équipage vers des horizons inconnus et… Bon : je déconne !

Les alizés continuent de souffler, sans faiblir : la moyenne remonte, avec des journées à plus de 180 milles. Entre 20 et 30 nœuds de vent tous les jours, un peu plus sous les grains, de travers comme la houle: si les moyennes sont plus qu’honorables, le confort à bord s’en ressent. Hublots fermés, humidité, gîte, roulis : nous serons contents de tester d’autres conditions. Entre temps, nous redécouvrons les avantages de descendre de quadrumanes : les déplacements à bord se font autant, sinon plus, avec les mains qu’avec les pieds !

Même le pilote commence à montrer des signes de fatigue : il se déconnecte de temps en temps, avec des messages d’erreur du calculateur plutôt abscons.

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Marin expérimenté ayant le pilote à l’œil…

Mais sur un tour du monde comme nous l’envisageons, les traversées ne représentent qu’environ 20 % de la navigation : le reste, c’est le plan, se déroule autour de mouillages forcément idylliques. Et les traversées permettent de ne pas perdre la main !

24h de la vie à bord de Kousk Eol

En traversée, un rythme s’installe progressivement et naturellement. Au petit jour, l’équipage se retrouve dans le cockpit, si le temps le permet, pour un café et des tartines, et causer des événements de la nuit : changement de voiles, incidents. Puis chacun s’occupe selon sa nature : au moins un équipier reste sur le pont pour surveiller la route, raffiner les réglages ; les autres vont se laver, lisent, se reposent, discutent, vérifient la route sur la carte. Autour de la mi-journée, on essaie de se faire un « vrai » repas, un peu structuré : pas toujours facile lorsque le bateau est à la gîte et bouge ! Puis l’après-midi est l’occasion d’autres petites siestes, lectures, discussions, bricolages divers (il y a toujours quelque chose à faire sur un bateau), re-réglages, vaisselle, … Et enfin, vers moins-dix, c’est l’heure vraiment conviviale : l’apéro ! Rassurez-vous : point de beuverie à bord (Si, si Cathy : je t’assure!) ! Il faut garder l’esprit clair : en général, une petite binouze, voire un verre de vin ou un ti-punch. Puis vient le repas du soir, souvent plus succinct que celui de midi, suivi de l’organisation de la nuit. A l’heure ronde suivant le repas, le premier quart démarre : 2h30 de veille, seul sur le pont. Et ainsi de suite jusqu’au jour et au petit café. Et la nuit suivante, on décale d’un cran.

21 septembre : ça sent la fin !

Ça y est : moins de 160 milles à courir pour Salvador ! On commence à retrouver du trafic sur l’eau, imposant une veille plus active . Le canal 16 de la VHF reprend vie. Des halos de lumière commencent à pointer au dessus de l’horizon. La première caïpirinha devient LE sujet de conversation… Et le temps s’y met : le vent adonne, on ressort toute la toile et Kousk Eol fait des pointes à 9 nœuds.

22 septembre : les dernières heures ?

Le vent tombe… Le feu de navigation tribord nous lâche en pleine nuit… Un train de grains brumeux et peu actifs nous passe dessus… Et la côte est en vue au lever du jour, avec les premiers immeubles de Salvador ! Mais nous nous traînons à 2 nœuds… La VHF joue de la samba sur le canal 16 : pas de doute, nous arrivons au Brésil ! Nous finissons au moteur et arrivons enfin au Terminal Nautico da Bahia, petite marina juste sous le Pelourinho et son ascenseur le Lacerda : la caïpirinha ne devrait être qu’une formalité !

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Arrivée à Salvador!
Petit résumé de ces 2 semaines (pour les pressés)

Première semaine tribord amure, cap erratique et chaotique (vent, pluie, mer) vers l’Afrique pour fuir Umberto et trouver des conditions plus favorables.

Long bord bâbord amure rectiligne de presque 1500 milles direct sur Salvador pour la deuxième semaine, avec passage de l’équateur, au bon plein dans un vent qui ne faiblira quasiment jamais, avec une houle un peu mieux formée.

Kousk Eol aura parcouru 2380 milles, soit 400 milles de plus que la route directe, à la moyenne de 6,7 nœuds, en moins de 15 jours : merci Umberto !

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Le trajet et le grib montrant Unberto se renforçant..

Traversée Praia/Salvador-Semaine 1 : 7-13 septembre 2013

Après les dernières courses au marché, la dernière bière et le dernier repas à Praia, nous (Jacques, William, André et Claude) prenons le départ vers 14h45, sans oublier de saluer nos nouveaux amis Sud-Africains qui mouillaient à côté de nous, en route pour rejoindre la Méditerranée. Une grosse dépression en formation au nord entre Cap Vert et Sénégal devrait nous pousser bon train vers le sud, au près avec un bon vent de sud-ouest.

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Praia: son mouillage, son port, son ponton -à éviter!-, son marché…

Petite note en passant sur le mouillage à Praia. Le Cap Vert n’est pas un pays riche, et la priorité n’est certainement pas de bâtir des infrastructures pour les plaisanciers. Donc on va au mouillage. On avait lu pis que pendre sur le mouillage de Praia. Finalement, il n’est pas si mal que ça, même si un peu ouvert à la houle du large. Côté sécurité: rien à dire… Nous avions pris les devants en contactant les 3 ou 4 personnes qui sont venues vers nous en débarquant de l’annexe sur la plage en leur demandant de jeter un coup d’œil au bateau: notre tranquillité nous a coûté 20€ pour deux jours …

Nous avons environ 1950 milles à couvrir : nous prévoyons une 15e de jours si tout va bien.

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Le départ de Praia: la voile, c’est exténuant!

Les premières heures sont plutôt tranquilles et nous en profitons même pour pêcher. Une prise va nous occuper 2h, épuisant le DD puis le Glaude, pour que la ligne finisse par casser (ça devient un peu récurrent sur Kousk Eol!) à 2 mètres du bateau, laissant apercevoir un poisson plutôt gros au ventre blanc et aux grandes nageoires latérales. Un requin ? On se console en se disant que de toutes les façons il aurait été trop gros et on aurait fait du gaspillage…

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Les tentatives de pêche…

Quelques heures plus tard, on découvre qu’André n’avait pas exploré toutes les fonctions lavage/essorage de Kousk Eol : le vent et la mer se lèvent pour nous secouer passablement. Plus question de faire route au sud : creux de 3 à 4m de face et rafales montant à plus de 40 nds… La nuit est noire. Une déferlante nous couche brutalement : heureusement, les équipiers de quart sont harnachés comme il se doit, et tout le monde est à son poste. Une deuxième déferlante s’y met elle aussi, un peu moins violente. Nous décidons sagement de mettre Kousk Eol en « petite » fuite en abattant. Malheureusement, cette route nous éloigne de notre but, Salvador, en nous menant vers le sud-est : 140 milles en 16 heures malgré tout..

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Après la pluie, le beau temps

Les gribs récupérés via l’Iridium nous laissent espérer les alizés autour de 4°N : Jacques et André bâtissent les théories les plus avancées (Ont-ils vraiment envisagé d’appliquer la courbure de l’espace-temps à une pseudo-loxodromique ?) pour décider de la route optimale pour récupérer au plus vite ces vents de sud-est.

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On prend les gribs pour se faire peur…

Malheureusement, la grosse dépression est devenue entre temps le cyclone Umberto, et toute la zone est perturbée… Et les prédictions météo pour la fameuse Zone de Convergence Inter-Tropicale et son acolyte le Pot au Noir ne semblent pas d’une fiabilité infaillible. Il faudra descendre encore plus au sud avant de toucher les alizés, et patienter sous les déluges (ça, c’est la fonction « rinçage », complémentaire des fonctions « lavage/essorage » déjà testées, pas vraiment écologique si on considère les quantités d’eau utilisées!) et un vent alternant calme plat et brèves reprises. Le carré est souvent fermé et manque d’aération : ça sent un peu le chacal humide ! Deux jours sans soleil et un vent anémique nous obligeront même à mettre le moteur pendant un peu moins de 2 heures pour recharger les batteries. William profite de cette météo particulière pour développer de nouvelles techniques pour enrouler le fil de pêche.

Mais l’équipage est fort ! Et garde un moral d’enfer .

Symbiose ?

Un fou brun est venu nous rendre visite, parmi les puffins et autres pétrels tempête. Au contraire de ses congénères, lui reste autour du bateau : longs vols planés sur l’arrière, puis un petit tour de Kousk Eol, tantôt par tribord, tantôt par bâbord, puis il revient sur l’arrière et recommence son manège. Au bout de quelques heures à l’observer, nous nous demandons ce qui l’attire autour de nous. Nous comprenons quand Kousk Eol fait soudain partir un banc de poissons volants : notre fou les repère aussitôt, plonge, et en attrape un au vol ! La scène se répétera encore 3 ou 4 fois avant que notre éphémère compagnon ne nous quitte…

Racisme ordinaire

Moi je voudrais pas paraître raciste, mais le pote aux noirs, c’est pas forcément mon meilleur copain. Trop chiant, inconstant, incapable de se décider entre douche copieuse et moment de pétole.

Parlons en de la pétole : on croit pourtant bien connaître, quand on navigue en Méditerranée. Ben ici ça n’a rien à voir… Le ciel est plombé, sans horizon visible, et ça peut durer des heures à moins de 0,5 nœuds de vent. Puis sans qu’on demande rien de spécial, y en a un qui ouvre les vannes, là-haut. Et il a de grosses vannes et de gros réservoirs ! Un truc à faire pâlir Iguaçu… Sauf qu’Iguaçu on se trouve rarement dessous… On en profite bien pour se laver, mais la fois suivante, au bord de la noyade, on se met à l’abri dans le carré. Et comme tout est fermé et qu’on est tout de même à 4° de l’équateur, on cuit dans son jus … Et donc on recommence le cycle.

Et je ne parle même pas de notre moyenne, qui en prend un sale coup : c’est sûr qu’on va avoir au bas mot un jour de moins à siroter une caïpirinha à Salvador à ce train !

Praia – 6-7 Septembre 2013

L’équipage pour la traversée vers le Brésil est maintenant à pied d’œuvre : André, William, Jacques et Claude.

Le mouillage dans l’avant-port de Praia est relativement pratique, sinon grandiose, proche des « facilités » offertes par la capitale. André avait déjà fait le gros des courses : ne manquent que le frais et quelques bricoles. Le marché local, pittoresque et bien achalandé, nous permet de nous approvisionner en fruits et légume.

Nous essayons de nous connecter pour entre autre mettre à jour le blog : le choix DU cyber-café de Praia dans cette optique nous semblait logique… Ben non. Pas de wifi au cyber-café… Par contre, un wifi gratuit sur une des places de la vieille ville : petite bande passante, mais suffisant pour vous permettre de lire ces pages.

Nous partons demain 7 septembre pour Salvador : prochain épisode dans 2 ou 3 semaines ! Dernière soirée dans la capitale avec petit restau à la clef : on n’a plus Marie-Jo aux fourneaux !

Petit commentaire sur le peu du Cap Vert que nous ayons vu, et sur la réputation de Praia: les gens sont très accueillants, le mouillage est tranquille (notre annexe est gardée par un groupe rencontré sur la plage), les formalités administratives (immigration et police) se passent de manière bon enfant, les conducteurs s’arrêtent spontanément pour laisser passer les piétons, etc. Réalité assez différente de tout ce que l’on peut lire sur divers sites… Bien sûr, ceci est ce que nous avons constaté lors de notre escale. Il se peut que d’autres aient eu des problèmes, mais nous garderons de notre bref séjour un excellent souvenir!