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Chroniques des Marquises: Fatu Hiva

30 mai, 4h30: nous nous levons pour partir vers Fatu Hiva, au sud de l’archipel, et qui sera la dernière des Marquises que nous visiterons. Il fait encore nuit noire, et le vent souffle bien. Vingt nœuds d’Est, comme prévu. Nous contournons Tahuata par le Nord puis l’Est pour avoir un meilleur angle pour notre petite traversée de 45 milles vers le Sud.

Nous bénéficions toujours de l’abonnement de base, 20 à 25 nœuds de vent avec 3 à 4 mètres de houle plus ou moins longue: nous planterons quelques pieux durant la navigation, sous deux ris et trinquette.

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Petit grain sur le Pacifique…

Mais tout se passe plutôt bien, et nous arrivons dans la baie d’Hanavave après un très long bord de près/bon plein, vers 15h. Le mouillage est un peu compliqué, car la baie est très étroite, les fonds descendent vite et huit voiliers sont déjà là.

ArriveeHanavave MouillageHanavave

Le mouillage est très venté: les alizés, renforcés par les grains, descendent de la vallée en prenant du muscle. Nous devrons nous y reprendre par trois fois: les deux premières, l’ancre dérape… Et la troisième, nous décidons de mettre deux ancres affourchées: faut bien ça pour la tranquillité du ti-punch! Surtout que des bateaux voisins nous ont mis en garde: jusqu’à une quarantaine de nœuds la nuit dernière. Eh oui, même ici aux Marquises…

Nous avons la surprise de retrouver ici « French Curve », le beau First 47 de San Diego avec Mark et Sharon, que nous avions rencontré à Santa Isabela, et qui a eu des problèmes de régulateur et de safran durant la traversée depuis les Galapagos. Ce n’est apparemment pas le seul: un autre voilier américain a eu son tube de jaumière tordu et le pont avant arraché par le point d’amure de génois… Le bateau a fini par couler, mais l ‘équipage a pu être pris à bord d’un autre voilier qui passait près.

Le Pacifique, c’est le Pacifique, et sa houle peut être parfois très dure…

Fatu Hiva semble encore plus montagneuse, plus verte et surtout plus sauvage que les autres îles visitées jusqu’à présent.

Ce n’est pas qu’une impression: seules deux vallées sont habitées, par environ 600 habitants chacune. Une route/piste relie les deux villages à l’embouchure des deux vallées: 17 km en passant par le haut des crêtes, pour 4 km par la mer…

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Tiki devant le « port » de Hanavave
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L’église de Hanavave

Grand émoi sur l’île: des orques ont été aperçus entrain de se faire quelques raies mantas… Événement suffisamment grave pour que la radio émette un bulletin spécial dans l’archipel, pour éviter que les enfants n’aillent se baigner… Encore une bonne excuse pour ne pas aller gratter les algues le long de la ligne de flottaison!

Nous irons en conséquence nous balader à pied: il paraît qu’ici aussi il y a une jolie cascade, pas trop loin.

Effectivement, après environ 45 minutes d’un sentier dans la forêt, toujours aussi dense, nous débouchons sur une jolie chute d’eau. Dans la vasque de réception, de nouveau des chevrettes et de jolis poissons vert vif.

CheminCascade
Vers la cascade
CascadeHanavave3
La cascade
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La cascade

Comme la ballade était courte, nous continuons la piste vers le haut de la crête, voir si nous pouvons apercevoir Kousk Eol. Au bout d’une heure c’est chose faite: nous avons une vue plongeante sur la baie de Hanavave, et le mouillage, qui paraît minuscule au pied des falaises.

MouillageHanavave3
Le mouillage vu d’en haut

Mais nous sommes toujours un peu sur notre faim: demain, nous prendrons un petit bateau à moteur pour rejoindre Omoa, l’autre village, et ensuite rentrer par la piste et les fameux 17 km.

1juin, 8h30: Philippe, un habitant de Hanavave avec qui nous avons sympathisé, nous emmène avec son bateau à Omoa, avec nos copains Sharon et Mark que l’idée de se dégourdir les jambes a séduits. Nous en profitons pour faire les dernières courses avant les Tuamotu: Philippe les posera sur le bateau à son retour. Ça nous fera moins à porter…

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L’église d’Omoa

Le temps est un peu couvert et très venté. A part la boue sur la piste, nous apprécions tout de même: la chaleur est du coup tout à fait supportable! La piste monte, très raide, et redescend aussi raide. Le paysage est très découpé: crêtes marquant les restes des cratères des volcans qui ont formé l’île. Une végétation assez dense recouvre les terres: tout est vert, où que nous regardions.

Orchidee
Orchidées

De nombreux troupeaux de chèvres sauvages traversent les pentes escarpées, sans rien à envier aux chamois côté pied sûr.

Il y a une école à Hanavave et une autre à Omoa, jusqu’au CM2. Ensuite les élèves doivent aller comme pensionnaires à Hiva Oa jusqu’au lycée, puis il faut rejoindre Papeete pour la suite…

Pas de docteur sur l’île: seule une infirmière à Omoa et une aide-soignante à Hanavave parent au plus urgent. Pas de gendarmerie non plus…

Fatu Hiva a aussi accueilli Thor Eyerdahl et sa femme dans les années 1930, avant qu’il n’entreprenne son expédition sur le Kon-Tiki.

2 juin. C’est le jour du départ vers les Tuamotu, notre dernière journée dans l’archipel des Marquises.

A midi, nous mangeons chez Philippe: poulet au lait de coco, poisson cru (au lait de coco lui aussi), riz, frites d’arbre à pain, salade de papaye, pamplemousse… Mais avant ce repas, il nous emmène pour un tour du village faire le plein de fruits: pamplemousses, citrons, bananes, cocos, que nous ramassons par terre ou directement sur les arbres.. Ces provisions serviront pour la traversée, et comme monnaie d’échange aux Tuamotu où les fruits ne poussent pas aussi bien qu’ici, doux euphémisme.

Un grain impressionnant accompagnera le repas, juste avant le départ: le vent tombe, Kousk Eol tourne autour de ses ancres. Et devinez: un sac de nœuds nous attend… Orin de la 2e ancre emmêlé autour de la chaîne de la première: en gros, une heure pour tout récupérer. Et entre temps, le vent est revenu.

Traversée Galapagos-Marquises: 3e semaine (10-11 Mai 2015)

Semaine, semaine… De deux jours probablement, si nous continuons à ce train.

Dimanche 10 mai. Encore une nuit assez tranquille, vent arrière génois tangoné. Un peu roulante, certes, la houle ne facilite pas l’endormissement entre les quarts!
Au petit matin, Hiva Oa n’est plus qu’à 220 milles.

Et toujours ni voile à l’horizon, ni cible AIS sur notre traceur…

Lundi 11 mai. Belle nuit de nouveau, avec un vent d’Est mollissant un peu (12-15 nœuds tout de même).
Au petit-déj, ça se tire la bourre entre André et Henry: « Alors, on se le met, ce spi? Qu’on montre aux Marquisiens qu’on n’est pas des tafioles! ».
8h: le spi est mis et nous déhale entre 7 et 8 nœuds vers Hiva Oa, à une quarantaine de milles.

Et toujours ni voile à l’horizon, ni cible AIS sur notre traceur…

9h30: Hiva Oa, à une vingtaine de milles, est aperçue, sous les nuages! Encore trente milles avant le mouillage dans la Baie des Traîtres: ça ne s’invente pas! L’histoire doit être chargée dans le coin…

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Hiva Oa au loin…

En attendant, les haut-parleurs du cockpit jouent l’intégrale de Jacques Brel. Et le GSM recommence à donner signe de vie: il semble qu’on arrive vers la civilisation!
Même la VHF s ‘en mêle: appel sur le 16 du sémaphore d’Hiva Oa, qui ont vu notre émission AIS, pour nous souhaiter la bienvenue! Ça c’est sympa! On ira leur rendre visite.

14h30: nous mouillons dans la petite baie Tahauku, port principal de l’île, où nous retrouvons une petite dizaine de voiliers de tous pays.

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Le mouillage à Hiva Oa

Et en guise de conclusion…

Nous aurons décidément fait une belle traversée: rapide, pas toujours très confortable, mais dans de bonnes conditions en général. 16 jours pour 3000 milles, à presque 8 nœuds de moyenne, Kousk Eol s’est bien comporté!

Parmi les faits marquants de cette traversée:

– Une recherche culinaire incessante, en équipe, de mets emplissant, en plus de nos estomacs, les objectifs d’équilibre diététiques (Henry y veillait!) et de surprises gastronomiques. C’est ainsi que nous avons pu déguster une paella de spaghettis/petits pois/moules de Patagonie, un riz cantonais vite orienté vers une tortilla hispanisante par souci de ne pas perdre des pommes de terre, des haricots verts accompagnés de leurs bananes plantain, des purées d’avocats/tomates/oignons/piments, etc. On ne manquera pas de souligner aussi la coutume, fort appréciée, qui s’installa au fil des jours de consommer une salade de fruits sur le coup des 15h (plutôt qu’un dessert au déjeuner de milieu de journée).

– Une absence remarquée de voiles ou autres cibles AIS… Les différents voiliers partis des Galapagos ont certainement pris une autre route: on leur demandera lorsque nous les rencontrerons dans un mouillage.

– Très peu de mammifères marins: juste de rares fois un groupe de dauphins. Aussi deux baleines à 200 m, fugitivement. Et bien sûr les trois mammifères halophiles du bord…Par contre, des centaines et des centaines de poissons-volants.

– Des alizés bien présents. Entre 15 et 20 nœuds de vent pratiquement tout le temps, parfois un peu au-dessus, s’orientant progressivement de Sud-Est à Est au fil des jours, avec quelques grains peu violents. Ce qui nous a permis une route quasi-directe. Seul bémol: le vent arrière, génois tangoné, même s’il tient bien sur ce bateau, est générateur de roulis, pas toujours du dernier confort. Putain de houle!

– Des échanges riches et sans fin entre André et Henry sur leurs expériences respectives, sur les différents bateaux sur lesquels ils ont navigué, sur leurs régates, leurs traversées, leurs trucs de réglage de voile, de tactiques, etc.

– Des moyennes soutenues. 200 milles/24h sur plusieurs jours de suite, nous ne pensions pas cela possible. Et sans faire forcer Kousk Eol… Le pilote n’a jamais fait défaut, mais consommait plus que ce à quoi nous étions habitués, imposant de barrer durant la journée pour recharger les batteries.

_ La vitesse sans doute: quelques prises avec la canne à pêche, dont une dorade remontée à bord. Sinon, plusieurs leurres perdus… A ce train, seuls les gros devaient pouvoir mordre! Point positif (pour les Finlandais): le nombre de pertes de Rapalas a dû obliger à augmenter les cadences de production!

– Et, de façon un peu plus anecdotique, nous aurons fait 16 jours de bâbord amure contre seulement une heure de tribord amure sur ces 3000 milles… Nous avons testé le concept de « Dahu de la mer »…

Traversée Galapagos-Marquises: 1e semaine (25 Avril-1er Mai 2015)

25 avril 2015: c’est le jour du départ… Le plein de gas-oil est fait. On finira de remplir le réservoir d’eau avant avec le dessalinisateur chaque fois que le moteur sera sollicité, pour éviter de lâcher encore quelques dollars… Les dernières courses sont expédiées: peu de choix, et là aussi, à des prix un peu exagérés. Et finalement, un dernier petit resto… 14h: l’ancre est levée et nous partons: 3000 milles devant nous avant les Marquises. En général, on compte 25 jours, en moyenne. Les GRIBs indiquent que les alizés sont bien installés: une quinzaine de nœuds de vent de Sud-Est pour les prochains dix jours. Ça devrait le faire… « French Curve », un voilier de San Diego (Californie) que nous avions rencontré à Puerto Villamil, est parti juste avant nous. « Full Circle », le catamaran des Texans David, Cindy et Larry, eux aussi rencontrés sur Santa Isabela et qui nous avait suivi à Puerto Ayora, devrait partir d’ici deux ou trois jours. Sophie et Benjamin, sur « Ouma », qui nous avaient annoncés leurs fiançailles à Puerto Baquerizo, ont eux levé l’ancre depuis presque deux semaines. On devrait tous se retrouver aux Marquises…

Nous quittons les Galapagos sans trop de regrets… Bien sûr, il y a la nature, fabuleuse, les animaux dits sauvages que l’on peut approcher de très près, les paysages volcaniques exceptionnels. Mais l’archipel prend trop des allures de pompe à fric… Tout est sous contrôle, et la moindre activité doit se payer. Au prix fort. Nous avons eu l’impression que les autorités font tout pour décourager les visiteurs en voilier. Les droits sont prohibitifs pour avoir seulement l’autorisation de rester dans trois mouillages uniquement. Hors de question d’utiliser son voilier pour se balader autour des îles! Il semble clair que les touristes arrivant en avion sont une manne préférable, car plus contrôlable. Et ce ne doit pas être évident pour l’Équateur de trouver le bon compromis entre protéger réellement le parc naturel et ne pas tourner dos aux revenus du tourisme. Mais ne jouons pas les blasés et ne boudons pas notre plaisir! Évidemment, nous sommes tout de même contents d’être venu admirer ce lieu mythique, si lié au nom de Darwin. Et c’est aussi un rêve de gamin de plus qui se réalise. Il manquait juste cette dimension de liberté que nous avons toujours apprécié pratiquement partout où nous avons laissé traîner notre coque.

Rassurons-nous: il y aura encore maints endroits qui nous ravirons durant la suite de notre périple… Pour l’instant, il faut avancer: 3000 milles, c’est long. Et le Pacifique est immensément vide, en tout cas au-dessus de l’eau…

Du coup, les chances de rencontrer des cons par ici sont extrêmement réduites. Les probabilités sont formelles: rien de comparable avec nos grandes villes, nos plages, voire nos mouillages au mois d’août! Ça vous donne un petit côté rassurant, ça, non? Qu’il puisse encore exister de par ce monde des endroits vierges de toute espèce de connerie? Donc, on en profite…

Grain
Après un petit grain…

Les alizés sont bien établis: un vent de Sud-Est d’une quinzaine de nœuds nous propulse bon plein dans la bonne direction. Le code D alterne avec le génois et nous faisons des moyennes de plus de 180 milles par jour… Le bateau est bien appuyé sur tribord, et la houle plutôt régulière, parfois très réduite, parfois un peu plus forte, mais jamais dure. Kousk Eol avance bien! Les poissons-volants ne sont pas rares: nous « levons » régulièrement des vols de plusieurs dizaines d’exocets, que nous retrouvons régulièrement le matin sur le pont, avec quelques calmars.

LeverSoleil
Un des nombreux levers de soleil…

Les quarts sont en général tranquilles: seuls quelques grains viennent légèrement perturber la régularité de la navigation. A trois, nous nous relayons toutes les 3h30, pour ne faire qu’un quart chacun part nuit. Eh oui, Gilles: encore une fois, la nuit sur Kousk Eol sera divisée en trois quarts… La voile, c’est pas forcément un truc de matheux trop rigoriste (Oui: là, on frise le pléonasme…).

Bien qu’environ un voilier tous les deux jours quitte les Galapagos pour les Marquises, nous n’avons pour l’instant vu personne sur l’eau, à part un chalutier une nuit, et deux cargos au loin. Le Pacifique est décidément immense…

1er mai, petit déjeuner: nous venons juste de faire nos premiers mille milles: un tiers du parcours en six jours. Pas mal! Il faut dire que les 180 milles par 24 heures deviennent la norme depuis quelque temps, maintenant que les alizés sont bien orientés et soutenus; 15 nœuds au petit largue. C’est pas pire, comme disent nos cousins de la Belle Province. Boris.