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Des Samoa à Wallis

23 mai 2016. Midi : les formalités de sortie sont faites. Un dernier déjeuner à terre, une dernière vraie douche, et nous quittons la petite mais sympathique marina d’Apia, où Kousk Eol était le troisième voilier à s’arrêter depuis le début de l’année : on ne se bouscule pas encore pour venir ici.

Wallis est à environ deux cent soixante-dix milles, toujours à l’ouest : la météo n’est pas violente, mais on devrait trouver les vents qui nous pousserons.

Peut-être : pour l’instant, le vent, on l’a dans le de face… D’après les prévisions ça ne devrait pas durer. Et pour faire passer le temps, un thazard, le premier, se laisse bêtement prendre dans une de nos lignes : ça va nous changer du mahi mahi !

Thazard
Le thazard.

Le vent continue à faire des siennes : sous prétexte de gros grains, il décide de nous la jouer un coup je te fais peur, un coup j’arrête de souffler. Et là, ça fait un moment qu’il a arrêté. Heureusement qu’on peut compter sur Volvo. Nous passons de nuit entre les deux îles principales des Samoa, Savai’i et Upolu, au moteur.

24 mai. La situation ne s’est pas améliorée de toute la nuit : au moteur sur une mer relativement plate, sous une pleine lune jouant à saute-mouton de nuage en nuage. Quarts tranquilles, en somme. Les derniers GRIBs montrent que nous traversons une petite bulle anticyclonique qui se déplace vers le sud-est et devrait laisser la place à des vents d’est d’une quinzaine de nœuds dans la journée.

Entre temps, vous imaginez bien que nous avons rendu hommage au malheureux thazard, célébré en sushis sauce soja-wasabi1 hier soir.

ThazardPlusTard
Le même thazard, un peu plus tard…

Un hommage encore plus appuyé lui sera rendu aujourd’hui : en salade avec oignons et citrons, accompagnée de ses pommes de terre de l’île de Chiloe finement pressées et onctueusement pétries avec de la crème fraîche de Normandie (Bref : de la purée Mousline, koâ). C’est sûr qu’il n’est pas au bal, le thazard.

Petit coup d’œil à l’anémomètre qui a tendance à se prendre pour un anémie-mètre en ce moment : trois nœuds de vent réel… On va continuer à brûler des distillats de ressources fossiles pendant encore quelque temps. Pourvu qu’on ne croise pas le Sea Shepherd ! Chichportiche chassé par Sea Sheperd, c’est chaud, non?

Rien
Rien…

Le ronronnement est un peu brisé par notre amateur de Yamahonda 350CV super-marine six cylindres en V à double arbre à cames en tête et hélices contrarotatives, soixante-quinze litres de super sans plomb à l’heure à trente-cinq nœuds : « Moi, sur mon bateau à moteur, je ne mets JAMAIS les voiles. Vous sur votre voilier, vous êtes toujours à jongler avec le moteur… En plus quand je suis en panne, j’appelle un mécano. Vous, pour faire les malins, vous empannez tout seuls. ». Nous, vous nous connaissez, on fait comme si le vent était trop fort pour comprendre, et on lui sourit bêtement pour le calmer.

14h30 : Éole a dû lire ces lignes. Vexé, il se décide à se réveiller : dix à quinze nœuds de sud-sud-est, on ne va pas se plaindre. Wallis est encore à une journée : pourvu que ça tienne !

19h15 : pour l’instant ça tient. On a même droit à quelques grains qui nous obligent à rouler le génois et prendre un ris. Un gros est justement entrain de nous lécher la proue de Kousk Eol qui du coup accélère.

Mercredi 25 mai. La nuit a été tranquille, et nous avons pu faire une route quasi-directe. À sept heures Wallis est en vue, à une vingtaine de milles. Et à dix heures trente, nous entrons dans la passe Honikulu, évidemment à mi-marée descendante avec un peu plus de trois nœuds de courant dans le nez.

PasseWallis
La passe sud de Wallis.

Et nous allons mouiller vers Halalo au sud-est de l’île principale, Uvea, mouillage réputé plus calme que celui de Mata Utu, plus rouleur.

1– Pour ceux qui ne connaissent pas, le wasabi est une sorte de dentifrice japonais vert, qui a la particularité de déboucher les bronches. Toutes les notes sont du traducteur2.

2–  Le livre a été écrit directement en Français (approximatif), mais ça fait chic de dire qu’on avait un traducteur, non ?

20 mai 2016 – Les Samoa


Petite république faisant partie du Commonwealth britannique, les Samoa sont formées de deux îles principales : Savai’i et Upolu (quarante milles sur douze environ, et environ deux cent mille habitants), sur laquelle se trouve Apia, la capitale.

C’est bien planquée au fond du port que nous avons déniché la petite marina récente qui nous accueillera : trois voiliers, et tous les trois des Français. On en déduit quoi ? Il y a tout de même un peu d’animation : les Samoa sont réputées pour la pêche au gros, et des Néo-zélandais sont ici pour quelques jours pour en profiter.

ConcoursPeche
Concours de pêche à Apia.

C’est dans cette marina que se font les formalités d’entrée, par le fonctionnaire des douanes en jupe noire, et celui de l’agriculture en jupe verte, toujours avec le sourire et le souci d’avoir été agréable au visiteur.

Sur le ponton voisin, un Kirk de 1972, Néfertiti : c’est celui d’Émilie et Frédéric, qui viennent de passer six mois ici, attendant la bonne saison pour repartir. Ils arrivent de Nouméa, et se dirigent vers Tahiti, avant de continuer, toujours à l’est pour eux, et donc contre les vents dominants. La soirée à bord de Kousk Eol passera à échanger des tuyaux sur les bonnes escales, et à déguster un curry de thon jaune, celui que Maurice nous a sorti juste avant l’entrée dans le port. Nous en profitons pour préparer notre séjour en Nouvelle-Calédonie avec eux.

Le centre-ville n’est pas loin de la marina : nous y allons à pied. Comme à Pago Pago, le centre est un peu diffus, à part quelques bâtiments comme des banques, un hôtel, le building du gouvernement…

Apia

Apia-rue2

Apia-rue
Apia.
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La cathédrale d’Apia.
Cathedrale2
Intérieur de la cathédrale.

Les Samoans dans leur grande sagesse ont décidé en 2009 de passer de la conduite à droite à la conduite à gauche. La raison ? Pas pour bien se faire voir du reste du Commonwealth, mais plutôt pour avoir des voitures moins chères, importées directement du Japon (qui roule aussi à gauche) plutôt que de transiter par la Nouvelle-Zélande lorsqu ‘elles sont modifiées pour rouler à droite, la taille du marché local ne permettant pas l’importation directe aux Samoa de tels véhicules, économiquement parlant. Du coup, toutes les voitures ici ont les indications en Japonais.

Paresse extrême conjuguée avec un petit coup de fatigue ? Nous mangeons au MacDo du coin… Ne nous jetez pas la pierre : aucun resto dans le quartier ne nous tentait. Promis : on ne le refera plus !

McDo
On l’a fait…

Après un succulent festin, nous décidons d’aller voir où Robert Louis Stevenson avait choisi de passer les dernières années de sa courte vie (quarante-quatre ans). Nous attaquons la côte vaillamment à pied, pour rapidement héler un taxi : le musée Stevenson est finalement beaucoup plus loin que prévu, et il fait chaud. Caramba : le musée est fermé, et la maison de l’écrivain voyageur ne se visite pas aujourd’hui.

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Entrée du parc du musée RL Stevenson.
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La petite masure de Stevenson.
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Son bureau.

Tant pis. Qu’à cela ne tienne, nous irons nous recueillir sur sa tombe, à trois quarts d’heure de marche d’un chemin qui grimpe bien.

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La tombe de Stevenson qui domine Apia.

La sobre tombe offre un magnifique point de vue sur l’océan.

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Vue depuis la tombe.
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Avec Fred et Emilie.

Au retour, pause au Home Cafe, tenu par deux charmants rérés, avant de rejoindre Kousk Eol. Une Samoane nous recommande de louer une voiture plutôt que de prendre un taxi pour visiter l’île demain dimanche. Elle s’occupe de tout et nous nous retrouvons avec une voiture livrée au bateau, et une recommandation d’itinéraire qui semble prometteuse, pour moitié moins cher que le taxi…

22 mai, 8h45 : un SMS de Nu, notre loueuse, nous suggère d’annuler la réservation pour la voiture au vu de la situation météo. Il a beaucoup plu cette nuit, et le temps ne s’est pas améliorée avec le jour. On tergiverse, pour finalement décider d’y aller tout de même. Nous partons vers le sud de l’île par une belle route qui traverse depuis Apia. La campagne samoane est bien verte, et on comprend pourquoi. Au contraire des autres îles visitées jusqu’ici, nous voyons de petites exploitations, avec vaches, cochons… Le relief est un peu moins abrupt, mais offre de beaux points de vue, comme la cascade Papapapai-Uta.

Cascade
La cascade Papapapai-Uta.
Fleurs2
Jolie fleur…

La côte sud, que nous suivons vers l’est, est habitée pratiquement tout le long. Chaque maison semble avoir sa « halle » ouverte pour les réunions avec la famille ou les proches, voire pour faire une sieste au frais. Comme à Tutuila, beaucoup d’habitations ont la tombe de leurs proches sur le devant, plus ou moins monumentale.

Habitat2

Habitat1

Habitat3
Maisons.
Repos
Abri de repos.

Et évidemment, ici aussi, il y a pléthore d églises…

Eglise
Une des nombreuses églises.

À midi, nous nous arrêtons à la pointe sud-est de l’île pour déjeuner, vers le cap Tapaga : ce sera un repas samoan, avec porc, poulpe, poisson cru, taro (arbre à pain).

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Buffet samoan.
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Deux samoans attendant de se repaître.

Le restaurant est au bord d’une magnifique plage, Saleapaga.

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Plage de Saleapaga.

Au loin, on aperçoit Tutuila, île du jour d’avant comme dirait Umberto (notre île d’hier à nous) : c’est déroutant de se dire qu’à Pago Pago, à une cinquantaine de milles, ils sont un jour avant nous, alors qu’ils sont à portée de vue… Mais que fait Einstein ?

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Tutuila, l’île d’hier, devant la petite île de Nu’utele.

Au retour, nous allons voir une curiosité géologique, To Sua Trench : un ancien puits de cratère rempli d’eau, et communiquant avec la mer. La forme ressemble aux cénotes du Yucatan, mais l’origine est très différente.

Cenote
Le puit volcanique, où se mélangent eau douce et eau salée.
Ficus
Ficus.
MareLave
Baignoires de lave.

Au retour sur Kousk Eol, nous nous faisons inviter sur Scolopax1, l’autre voilier français, un beau Dufour 500 qui est parti de France lui aussi, et qui visiblement s’accommode mal de navigations aussi longues. Le monde est petit, comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de le constater : Xavier, le propriétaire, est le pharmacien de Perros Guirec, et donc nous recommençons à évoquer des souvenirs communs. Où achetez vous votre kouign-amann ? Vous connaissez le poissonnier au rond point de Trégastel ? Et Ker Manuelle ? Etc.

Marina
Kousk Eol et Scolopax juste à côté.

23 mai : aujourd’hui nous faisons les formalités de sortie pour aller vers Wallis, à environ deux jours de navigation.

1– Non, ce n’est pas un médicament, mais le nom savant d’une bécasse qu’on trouve en Bretagne.

Vers les Samoa

Mercredi 18, 21h : le repas avalé, nous quittons notre mouillage au fond de l’estuaire de Pago Pago pour Apia, notre prochaine étape sur l’île d’Upolu, capitale des Samoa. Petite traversée de moins de cent milles : nous devrions arriver en milieu de journée demain.

Le vent est musclé comme il faut : quinze à vingt nœuds, et le premier bord de près pour sortir du chenal nous rappelle que Kousk Eol peut gîter. Dehors, c’est une houle solide qui nous attend : le bateau ne se prive pas de rouler quand nous devons abattre et nous mettre au largue. Mais nous avançons bien, autour de huit nœuds.

Entre les îles, le vent forcit et monte au-delà de vingt nœuds : nous supportons bien notre ris dans la grand-voile, et un génois roulé à moitié, qui n’empêchent pas de faire des pointes à plus de neuf nœuds.

Comme à chaque fois que nous arrivons dans un nouveau pays, il faut respecter l’étiquette et mettre le pavillon national de courtoisie, ainsi que le pavillon jaune indiquant que nous n’avons pas encore effectué les formalités d’entrée.

couleurs
Les couleurs…

Au petit matin, l’île d’Upolu, la plus grande des Samoa est en vue. Apia, la capitale, approche.

samoa2

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Les Samoa au petit matin.

Mais qui nous a donc piqué notre jeudi ?

Entre temps, sans que personne ne nous prévienne, nous franchissons la ligne de changement de date, et nous prenons brutalement un petit coup de vieux : on était tranquillement jeudi ce matin vers sept heures, et v’la-t-y pas que soudainement, nous nous retrouvons deux secondes après vendredi à sept heures… Pour faire les malins, on est passé brutalement d’UTC-11 à UTC+13. Vlan ! Qui va nous rendre notre jeudi ? Y a pas une loi pour empêcher ces arnaques? Mais que fait la police ?

Bon d’accord : on a fait moins bien que Phileas Fogg sur ce coup, mais on prendra sur nous…

Petit coup de VHF canal 16 avec la capitainerie du port d’Apia, et nous sommes dirigés vers la minuscule marina au fond du port, où nous sommes priés de rester à bord jusqu’à ce que les autorités arrivent.

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Dans la marina d’Apia.

Pas grave : on avait justement un thon jaune de six kilos franchement pêché à transformer en carpaccio…

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Le petit thon jaune.