Des Cocos/Keeling aux îles Mascareignes – 21 septembre au 5 octobre 2016

 

Où l’on découvre que l’océan Indien, ça n’a rien à voir.

Observation introductive ayant valeur d’avertissement au lecteur1
Bien que la traversée que nous entamons ne va pas être la plus longue, nous embarquons pour environ deux semaines. Deux semaines, c’est plus que suffisant pour peaufiner bon nombre d’inepties. Ce constat désolant ne peut malheureusement être dissocié de la tendance naturelle du narrateur à se laisser aller aux dérapages auxquels vous n’avez pas échappé au fil de ce blog. Vous vous engagerez donc dans la lecture de ce qui suit en toute connaissance de cause. Aucune réclamation ne sera acceptée, ni aucun remboursement d’abonnement.

Mercredi 21 septembre 2016, 6h30 : debout pour un dernier petit-déjeuner au mouillage de l’île Direction. Le bateau est vite préparé : l’annexe hissée à bord, dégonflée et amarrée sur le roof, les voiles prêtes à être hissées et l’ancre remontée.

À sept heures trente, nous partons : appel à la police fédérale sur Home Island pour signaler notre départ, puis à nos copains de Summerdown, Steve, Debby et Allison, à qui nous donnons rendez-vous à Rodrigues dans deux semaines. La veille au soir, nous avions dit au revoir à l’équipage d’Anastasia2 de Göteborg, avec Anna et Thomas : eux ne partiront que vendredi, mais avec leur cinquante-trois pieds, ils devraient arriver en même temps que nous, sinon avant. Nous avons aussi rencontré deux jeunes Australiens qui vont vers le Portugal sur leur bateau de moins de trente pieds : ils prévoient trois semaines pour Rodrigues.

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Bye bye les Cocos!

Déjà, un petit groupe de dauphins nous accompagne dans la passe, puis nous hissons rapidement les voiles. En principe, nous devrions avoir un très long bord de largue bâbord amure, avec un alizé de sud-est baraqué pour les prochains jours.

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Les conditions sont bien celles que nous prévoyions pour ce début de traversée : vent fort, entre vingt et vingt-cinq nœuds, souvent plus sous les grains, et houle croisée venant de l’océan Antarctique, rendant la traversée inconfortable. Kousk Eol part à la gîte dans de beaux lofs provoqués par les vagues un peu plus hautes arrivant pratiquement de travers. Mais nous avançons : un peu plus de cent quatre-vingts milles ces premières vingt-quatre heures.

Nous nous faisons même coucher à deux reprises3. Tout s’envole à bord, et nous sommes bons pour passer éponge et serpillière un peu partout puis ramasser tout ce qui a profité d’une soudaine liberté offerte par cette gîte peu ordinaire. Kousk Eol aura bien besoin d’un rinçage à l’eau douce en arrivant !

Nous décidons finalement d’affaler la grand-voile pour tenter de limiter ces départs au lof : sous deux tiers de génois, comme nous sommes au grand largue, nous continuons à avancer entre sept et huit nœuds ! Il faut dire que le vent est bien établi à vingt-cinq nœuds. Le bateau est effectivement un peu plus stable, mais nous subissons toujours ces vagues de travers, qui arrosent régulièrement le cockpit.

Vendredi 23 septembre. Nous avons dû fermer tous les capots, y compris celui de la descente, et il règne une chaleur moite dans le carré. Même sans bouger, nous dégoulinons de sueur… La situation s’améliore la nuit, quand la température baisse un peu. Nous avons à nouveau avalé cent quatre-vingts milles les dernières vingt-quatre heures : le génois seul n’a pas l’air de nous handicaper beaucoup pour l’instant. Nous avons encore eu trois ou quatre vagues par-dessus le bateau, mais cette fois, pas une goutte à l’intérieur : nous apprenons ! Par contre, le matin, il faut débarrasser le pont de tous les petits poissons volants qui s’y sont échoués.

Autour de midi, nous recevons un SMS sur l’Iridium : ce sont Anna et Thomas qui nous donnent la position d’Anastasia. Ils ne sont qu’à une vingtaine de milles de nous, alors qu’ils sont partis au moins douze heures après. Anastasia est une bombe : on se rassure en se disant qu’il fait tout de même cinquante-trois pieds, lui. Et à peine dix tonnes, donc un peu plus léger que Kousk Eol, avec des ballasts.

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Lever de soleil dans l’Indien.

Samedi 24, 0h15 : il fait un drôle de bruit, tout d’un coup, le pilote… Il couine alors qu’il devrait chuinter : c’est bien connu qu’un pilote en bonne santé chuinte. S’il couine, c’est qu’il y a un problème. On allume vite le compas et un des frangins prend la barre, pendant que l’autre va jeter un œil sur la scène du crime. Plus d’huile dans le réservoir de la pompe ! L’huile sert à pousser le vérin couplé à la barre dans un sens ou dans l’autre, par le biais d’une pompe électrique commandée par le calculateur de navigation. Rien d’étonnant donc que le pilote couine. Par contre, plein d’huile répandue dans les fonds du réduit où se trouve le pilote. De nuit, avec le bateau qui roule d’un bord sur l’autre, pas facile de trouver la fuite, la tête passée par la lucarne au fond de la couchette arrière. Après avoir remis un peu d’huile dans les circuits, l’écoulement est repéré : c’est une des durites haute pression qui est percée. Elle frotte, certainement depuis son installation, sur l’angle du support du vérin : insidieusement, le ragage a fini par avoir l’enveloppe de ladite durite, pourtant épaisse et solide…

La coupable (J’y peux rien, moi, si c’est au féminin !) est démontée, nettoyée, et l’orifice enveloppé dans plusieurs couches de ruban adhésif armé4, bloquées par des colliers de serrage pour faire bonne mesure. Le plein d’huile est refait, et vers deux heures, le pilote refonctionne. On a eu un peu chaud sur ce coup-là : barrer vingt-quatre heures sur vingt-quatre à deux n’aurait que de très très loin, et encore excessivement vaguement, ressemblé à une partie de plaisir ! Il faudra faire une vraie réparation à Maurice.

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Le fameux pilote et sa durite réparée.

Aujourd’hui, il fait grand beau, le vent est toujours là, et nous avançons bien : cent quatre-vingts milles par jour depuis le départ. Mais dans l’après-midi, ça se complique un peu : le vent monte au-dessus de trente nœuds, avec des rafales de plus de quarante nœuds sous les grains qui passent. Et la mer s’est formée : grosse houle croisée qui secoue le bateau, l’envoyant régulièrement et inconfortablement prendre une gîte bien inclinée.

Dimanche 25 septembre. Le vent n’a pas faibli durant la nuit. Et ne semble pas prêt de le faire dans la journée : c’est ce que montrent les GRIBs. Apparemment, on en a encore pour deux jours de ce régime. Nous avançons toujours grand-voile affalée, avec un quart de génois, et toujours à plus de sept nœuds, comme si nous étions en fuite. Sans cesse, les grosses vagues qui remontent du sud se mettent d’accord avec la houle de sud-est pour vérifier que tout est bien arrimé dans le bateau.

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Sous génois seul.

Il faut jouer avec l’enrouleur pour régler la surface du génois en fonction des sautes de vent : cette nuit, les rafales sont montées à plus de quarante-cinq nœuds.

Lundi 26, onze heures trente : nous recevons un appel VHF de Ganesh, que nous avions repéré grâce à l’AIS, à environ sept milles à notre nord. Ganesh est un Amphitrite de chez Wauquiez lui aussi : il était parti un jour plus tôt que nous des Cocos. Nous nous étions déjà croisés aux Tuamotu l’an dernier : décidément, le monde est petit, et nous ne sommes pas si nombreux à patauger autour. À bord, un couple d’Américains dont c’est le troisième tour de notre planète ! Finalement, si on y regarde de plus près, nous ne sommes que deux misérables et insignifiants apprentis-navigateurs prétentieux, barbotant laborieusement sous l’écume des flots à travers la liquide démesure5… Bref : nous devrions nous retrouver à Rodrigues, avec aussi Anastasia, qui a un problème de grand-voile mais continue à nous devancer. C’est rare de pouvoir échanger des nouvelles au beau milieu de ces océans gigantesques, en général désertiques à notre échelle.

Pour l’instant, notre pilote tient bon : la fuite a l’air colmatée… Le vent a très légèrement faibli, très légèrement, mais les vagues font de la résistance : un coup je te couche, un coup je t’inonde. Nous continuons à avancer sous génois seul, toujours à plus de sept nœuds.

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Sous le grain, encore moins de génois…

Positivons : c’est bien une des très rares fois où l’éolienne charge les batteries au grand largue6.

En début de nuit, après un départ au lof un peu violent sous le coup de boutoir d’une déferlante, le pilote décroche. Vite sur le pont pour récupérer la barre et terminer le plus proprement possible le trois cent soixante degrés, sans emmêler le génois dans le faux étai ! Pour s’apercevoir aussi que l’écran du boîtier qui permet de contrôler le pilote est éteint… Ça c’est plutôt emmerdant : sûrement un fantôme récidiviste des problèmes de faux contacts que nous avions à répétition lors des premiers jours de notre périple, il y a plus de trois ans. Les contacts sont nettoyés et tout semble rentrer dans l’ordre. L’électricité à bord ne fait pas bon ménage avec l’eau de mer et l’humidité ambiante. Et les installateurs/préparateurs de voiliers ne sont malheureusement pas tous des cadors.

Re-positivons : nous avons passé la première moitié de la traversée (mille milles). D’après les GRIBs, les conditions devraient aller en s’améliorant progressivement.

Mercredi 28. La bonne blague : cet alizé puissant est indestructible, toujours accompagné d’une mer qui mélange la houle du vent, de sud-est, avec des vagues irrégulières venant du sud. De plus, aujourd’hui, le ciel est couvert, et les grains se suivent, avec leurs surventes et leurs douches. On nous avait bien prévenu que l’Indien n’était pas toujours cool… Certains amis lecteurs sont même allés jusqu’à suggérer qu’il valait probablement mieux être sans ambiguïté d’orientation hétéro pour se lancer dans une telle traversée. Ce ne sont pas ici fidèlement retranscrits les termes employés, plutôt du genre : « Ah ben dis donc, l’Indien, c’est vraiment pas un truc de… ». Mais impossible de me rappeler précisément la suite. Vous saisissez le concept, tout de même ?

Nous avons finalement pris la décision de ne pas nous arrêter à Rodrigues et de filer sur Maurice pour réparer le pilote, élément essentiel sur le bateau : une rallonge d’un peu plus de trois cents milles avant de pouvoir dormir tranquille. Rodrigues fera donc partie de la longue liste qui continue à s’étirer des étapes réputées valant le détour, et que nous aurons « sautées ».

Maurice est encore à environ onze cents milles : sept jours ?

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Les levers de soleil, on ne s’en lasse pas…

Vendredi 30. Au risque de sembler radoter, la nuit dernière a été pénible et peu propice au repos : le bateau était secoué dans tous les sens. Quelques déferlantes se sont même fait plaisir à bousculer Kousk Eol par le travers. L’une d’entre elles, un peu plus forte, a même réussi à vider des équipets que nous pensions avoir sécurisés, depuis le temps…

Philippe a finalement eu le nez creux, en débarquant à Darwin !

Le boîtier de contrôle du pilote a décidé d’en rajouter en se faisant remarquer, probablement encore à cause de problèmes de faux contacts, en déclenchant son alarme indiquant « No Pilot ». Alors que le pilote semble fonctionner… Un peu stressant !

Nous ne sortons pas souvent du carré : nos incursions dans le cockpit sont immanquablement écourtées par une vague sournoise qui nous arrose copieusement, sans prévenir… Du coup, le PC n’a jamais été utilisé aussi souvent et longtemps pour regarder des films ! On ne peut en dire de même du réchaud : faire la cuisine dans ces conditions relève de l’exploit sportif, largement au-dessus de nos dérisoires capacités d’équilibristes. Faut pas exagérer : le pied marin a ses limites !

Samedi 1er octobre 2016. Tiens, parlons-en, de la cuisine ! Cette nuit, grand bruit dans le carré, comme un gros choc. Les déferlantes font un peu le même bruit, en plus sourd. Là, c’était plus métallique. Rien d’évident à première vue : ce devait tout de même être une vague. Le quart continue, mais ces émotions, ça mérite un petit café. Et c’est là qu’on s’aperçoit que le cardan de la cuisinière a lâché, et qu’elle est tombée de tout son poids… Cisaillé par le roulis incessant. Encore une petite réparation quand le soleil sera levé. Et il faudra penser à bloquer le réchaud dorénavant quand il ne sert pas. Dommage : c’était la seule surface à peu près horizontale dans le bateau, quelles que soient les conditions. Il faudra s’arranger autrement.

Au fait, pendant que j’ai votre attention, que je vous dise : ça fait douze heures que le vent est pas mal tombé et les vagues aussi. Nous finissions par ne plus y croire. Nous avons même été obligé de mettre le moteur ! D’ici qu’on compare l’Indien à la Méditerranée…

Petit désagrément, l’alizé passe aussi plus à l’est, forçant Kousk Eol pratiquement au vent arrière si l’on veut rester sur la route, quasiment plein ouest. Et là, le génois, régulièrement déventé, claque, faisant vibrer le gréement. Solution : nous lofons de vingt degrés, pour mieux prendre le vent. Ce coup-ci, ce sont les vagues que nous attrapons de travers : pas mieux. Donc, nous décidons de nous remettre vent arrière, cette fois en tangonnant le génois. En espérant que le pilote ne nous lâche pas.

Ah ce n’est pas facile tous les jours…

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Morceau de génois tangonné.

Dimanche 2 octobre. Deux heures du matin, changement de quart. DD : « Claude, tu devrais jeter un œil, le contrôleur du pilote a un comportement bizarre : il décroche régulièrement… ». Quand on a été élevé dans la culture du PC, que fait-on quand il y a un problème ? C’est presque un réflexe : on reboote… Sur le bateau, ça revient à couper l’alimentation et à la remettre. Sauf que ce coup-ci, le contrôleur ne se rallume pas. Idem au deuxième essai… Écran noir. Fichtre ! Diantre ! Crotte ! Tudieu ! Zut ! Que diable ! Les pires injures de notre vocabulaire, plutôt riche dans ce domaine, y passent : nous comptons sur le bon sens des parents dont les enfants liraient ces lignes pour les envoyer sur le champ regarder la Huit7, par exemple, parangon de la vraie culture.

Mais malheureusement, ces douces suppliques n’y font rien : nous nous retrouvons à la barre, à la mimine à l’ancienne, pour le restant de la nuit.

Huit heures : le soleil est déjà assez haut. Il est temps de remettre le nez dans l’électronique. Vérification rapide de toutes les connexions, et il y en a un certain nombre. Le jus est remis. Et oh miracle de la technique, le contrôleur s’est réveillé ! Et le pilote automatique re-fonctionne. Pourvu qu’il ne nous lâche pas pour les trois derniers jours de la traversée !

Le problème est, comme nous le suspections, un faux contact intermittent. Mais où ? Ce sont les pires pannes à isoler… Nous nous y attaquerons sérieusement une fois au port : Maurice est à quatre cent cinquante milles. Entre temps, nous avons rejoint la route maritime entre le Cap et l’Asie : nous croisons régulièrement des porte-containers, des tankers…

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Rencontre du troisième type.

Lundi 3 octobre, sept heures. Nous sommes au nord de Rodrigue, à cinquante milles. Et à trois cent vingt-cinq milles de Maurice. La nuit a été plutôt tranquille : petite mer et vent autour de quinze nœuds. La moyenne baisse ! Nous avons dû mettre un peu de moteur pour recharger les batteries : lorsque la mer et le vent baladaient Kousk Eol, il fallait que le pilote réagisse vite. Il sait le faire, mais au prix d’une plus grande – nettement – consommation électrique. Maintenant que les conditions sont plus tranquilles, nous pouvons diminuer à nouveau la réactivité du pilote.

Et comme le vent a l’air de se maintenir autour de quinze nœuds, le spi est hissé : nous gagnons un nœud. Un nœud, ce sont vingt-quatre milles dans la journée, soient quatre heures à la moyenne de six nœuds8: c’est loin d’être négligeable.

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Sous spi…

Le cardan de la cuisinière réparé et la mer étale permettent d’envisager d’élaborer autre chose que du riz ou des pâtes. Ce midi, ce sera gratin dauphinois. Avec des patates des Cocos, de la crème fraîche de Tasmanie, des oignons de Darwin, des épices de Papouasie Nouvelle Guinée (Elle est passée où, la muscade ?), le tout sur une recette du terroir de nos vallées encaissées et néanmoins alpines, avec le savoir faire de Kousk Eol, au milieu de l’océan Indien. Le gaz de la cuisson vient lui de Nouméa. Elle est pas belle, la mondialisation ?

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Les couchers de soleil, c’est pas mal non plus.

Mardi 4 octobre. La nuit a été très tranquille, sous spi et sous les étoiles, allongés avec une petite couverture dans le cockpit durant les quarts : rien de tel que le côté hypnagogique9 de ténèbres constellées pour atteindre une certaine forme de nirvana. Mais pour cause de brise anémique, la moyenne n’est pas glorieuse : nous n’aurons fait que cent trente milles durant ces dernières vingt-quatre heures. L’océan Indien ? La Méditerranée en plus grand, moi je vous le dis !

Luxe inouï depuis deux jours : avec le ramollissement de l’alizé et l’aplatissement subséquent de la mer, les capots du carré sont à nouveau ouverts. Du coup, il fait plus frais à l’intérieur, et nous pouvons enfin partager avec les puffins et autres pétrels nos effluves de moites putois moisis.

Nous gardons le spi encore toute la journée. En fin d’après-midi, le temps se couvre un peu : il faudra surveiller l’activité sous les nuages. Il nous reste environ cent cinquante milles avant la pointe nord de Maurice. Il y a plusieurs îlots entre lesquels il faut passer. Le meilleur moment en venant de l’est est à marée descendante pour profiter du courant portant qui peut aller jusqu’à quatre nœuds. La marée descend demain après-midi : ça va être chaud pour arriver dans les temps !

Mercredi 5 octobre. Au petit matin, il nous reste quatre-vingts milles pour toucher la côte de Maurice. Mais Port Louis est de l’autre côté, sur la côte ouest : il faut rajouter une bonne vingtaine de milles, avec ce fameux passage entre les petites îles du nord et leur fort courant de marée. Il y a de grandes chances que nous arrivions de nuit pour agrémenter le tout. Il faudra décider si nous passons entre ces îlots, ou bien si nous les contournons par le nord, donc par une route plus longue, mais sans courant de face.

Mais ne nous déconcentrons pas : l’Indien n’a pas dit son dernier mot. Le vent se lève à nouveau, la mer se désordonne comme elle sait si bien le faire et nous nous retrouvons encore une fois plein vent arrière : ça roule – bien !- pour nous… Nous passerons finalement au nord de l’îlot aux Serpents, de l’île Ronde et autre île Plate.

Deux heures après. Ben non, en définitive, comme le vent pousse bien, nous nous faufilerons entre l’île Maurice et l’île Plate : le marnage n’est pas énorme, et nous parions sur le fait que le courant ne sera pas trop terrible.

Vingt-trois heures quarante-cinq : nous sommes à l’ancre dans la zone de quarantaine devant Port Louis, après quatorze jours de traversée. Nous ferons les formalités demain matin. En attendant, ça ne va pas faire de mal de dormir à plat !

Nous garderons le souvenir d’une navigation indienne rude et inconfortable: entre vingt-cinq et trente-cinq nœuds de vent, montant à plus de quarante-cinq sous les grains, et une mer forte et désordonnée pendant une dizaine de jours. Philippe et William : nous aurons souvent pensé à vous durant cette traversée. L’océan Indien aurait fourni un bien meilleur terrain de test pour les lunettes anti-mal de mer ! Maurice : nous n’avons pas été très bons côté pêche… Les conditions n’ont jamais été très propices. On se rattrapera ! Quant à nous les frangins, peut-être que bientôt nous saurons vraiment faire de la voile ?

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1
– La lectrice, c’est bien connu, fera comme elle veut, comme d’habitude.

2– Ils ont un blog : http://hedborgekeblad.blogspot.com. Le nôtre est en français, le leur en suédois : c’est vous qui voyez… Anna et Thomas ont fait leur carrière dans la marine marchande et au SAR (Search And Rescue) de Suède : de vrais pros !

3– Le bateau s’incline à trente degrés de l’horizontale, brutalement, poussé sur le côté par une vague traîtresse, plus haute que les autres, et bien de travers : le pont sous le vent et la bôme se retrouvent sous l’eau, qui en profite aussi pour passer par-dessus le pont et s’infiltrer par toutes les ouvertures mal fermées. Mais comme c’est un quillard, il se redresse comme un grand.

4– Pour les spécialistes, d’abord quelques couches de ruban adhésif épais et lisse, recouvertes de plusieurs épaisseurs de grey-tape armé. Et le tout consolidé par des colliers à vis pour résister à la pression.

5– Meu non ! C’est pour rire. On n’en pense pas un mot !

6– En général, le vent apparent au grand largue (ressenti sur le bateau : à peu de choses près, vent réel – vitesse du bateau) est trop faible pour que l’éolienne ait un bon rendement.

7– Ou une autre chaîne : le paysage audiovisuel français est suffisamment riche en débilités émissions de grande tenue aussi bien culturelle qu’intellectuelle pour ne pas avoir à se limiter à la Huit.

8– La maîtrise de la règle de trois est cruciale pour la bonne marche d’un voilier : on n’insiste pas suffisamment là-dessus au collège, ce qui est fort déplorable. Au hasard, regardez ne serait-ce que le mélange pour le ti-punch : si vous ne la possédez pas, la règle de trois, comment prétendre vouloir approcher, même de très loin, le dosage optimal qui comblera vos papilles et vous fera planer doucement avec les paille-en-queue roses au moment du rayon vert ? Ô combien de marins, combien de capitaines se vautrent dans la défonce au ratafia brut, conséquence directe et regrettable de leur manque d’attention lors des cours de cinquième ? Je pose la question.

9– Encore le résultat d’une définition capillotractée décodée par le cruciverbiste du bord.