De Bora Bora à Suwarrow

6 mai 2016– Nous avons déposé Irène à la navette pour l’aéroport de Bora Bora : ces quelques jours passés avec elle après tant d’années ont ravivé bon nombre de souvenirs ! Du coup, on se dit qu’on devrait re-naviguer ensemble, avant trop longtemps…

Dans la foulée, après d’ultimes courses, nous partons sous voile du mouillage, s’il vous plaît, vers l’atoll de Suwarrow à sept cents milles dans l’ouest-nord-ouest.

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Sortie de la passe de Bora Bora

Nous ne nous arrêterons pas à Maupiti : la houle est trop forte pour emprunter la passe sans risques d’après les connaisseurs du coin. Et nous tenons à notre quille ! D’aucun dira : « Rater Maupiti ? Quel dommage : c’est le plus beau lagon ! ».

Ce « d’aucun » n’a qu’à aller se rhabiller : depuis notre départ, nous ne faisons que rater des endroits plus formidables les uns que les autres. Mais une vie ne suffirait pas à tous les voir : nous nous contentons donc d’apprécier avec délectation ceux qui sont conciliables avec notre projet, dont la magnificence ne laisse rien à envier à ceux que nous ne visitons pas, même (surtout ?) s’ils ne sont sur aucun guide touristique.

Suwarrow est la plus au nord des îles Cook. La traversée s’engage bien : les alizés commencent à s’établir solidement, entre quinze et vingt nœuds de sud-est. Et le beau temps semble avoir réussi à démoraliser la pluie qui se fait nettement plus discrète depuis trois ou quatre jours. Boris.

En fin de journée, Maurice nous sort une petite bonite de trois kilos : juste ce qu’il faut pour le carpaccio du soir, avec du rab pour le lendemain.

Bonite1
Vive notre pêcheur!

 

BoniteFilets
Les filets en préparation…

Maurice est notre expert en pêche à la ligne : « J’accroche mes rapalas, une maille par ci, et hop un mahi-mahi par là. Car il n’y a que le mahi-mahi qui m’aille. Sans mayo ni maïs1. ».

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Un mahi mahi, un!

Le vent étant bien établi entre vingt et vingt-cinq nœuds, nous prenons un ris dans la grand-voile pour la nuit, et lofons un peu pour stabiliser le bateau et éviter que les voiles ne claquent trop. Ça nous éloigne un peu de notre route : nous verrons plus tard pour réajuster. En attendant, Kousk Eol file à pratiquement huit nœuds.

Les quarts se sont mis en place tout naturellement : chacun son tour toutes les trois heures à partir de vingt et une heure, ce qui mène jusqu’au lever du soleil.

8 mai : hier, rien.

Bon, je veux bien le concéder : cette analyse succincte autant que concise pourra apparaître un peu réductrice et superficielle. « Rien » ici est à prendre dans un contexte particulier. En effet, notre connaisseur es-halieutique n’a rien pris de la journée… Résultat : les trois entrecôtes de bœuf néo-zélandais qui se la coulaient douce au frais du frigo ont fini à la poêle. Et côté météo, on avait enfin accroché semble-t-il ce qui ressemblait furieusement à des alizés. À tel point que nous avions même tangonné le génois tout en faisant quasiment route directe vers Suwarrow, autour de sept nœuds sur une mer clémente. Nous bouclons environ cent soixante milles en vingt-quatre heures.

Au moment où j’écris ces mots, cris simultanés de DD et Maurice : « On a quelque chose, il faut ralentir le bateau ! ». En fait, il y a une prise sur les deux lignes : l’une cassera, et l’autre permettra de remonter une belle bonite bleue à dos rayé. Les entrecôtes seront vite oubliées.

Deux heures après, on remet ça : cette fois, un couple de mahi-mahi se fait prendre, un sur chaque ligne, cinq à six kilos chacun.

Mahi2
Ils font un peu les fiers, non?

Raconter le vert émeraude de la dorade coryphène, qui vire au blanc à points bleus puis à un vert plus terne dès que cette dernière est sortie de l’eau, est peut être d’une banalité frisant le poncif, mais le spectacle laisse si peu indifférent qu’il est difficile de ne pas tomber dans une répétition béate, même si c’est loin d’être la raison principale de pêcher ces excellents poissons.

Nous avons été un peu optimistes : la nuit ne sera qu’une succession d’orages, avec les sautes de vent qui vont bien. Déjà qu’on avait du mal à tenir le cap vers Suwarrow… La zone de convergence a décidément du mal à remonter vers l’équateur cette année et à nous lâcher les baskets : raté pour les alizés dans lesquels nous pensions être installés, ils restent désespérément un peu plus au sud.

Après deux jours de nuages (donc pas de panneaux solaires) et de vent portant (donc peu de vent relatif et pas d’éolienne), nous avons dû faire tourner le moteur pendant presque deux heures pour recharge nos batteries, pour le pilote et le frigo, sans oublier l’électronique.

Nous avons atteint l’archipel Cook : cette fois nous avons vraiment quitté la Polynésie Française. Et les alizés refont une tentative. Nous en profitons pour empanner afin de faire une route plus directe, après avoir expliqué à Maurice que non, on ne provoquait aucune panne, que tout marchait bien, que ce n’était que le nom d’une manœuvre, un truc de voileux quoi. On l’a juste entendu grommeler : les mots « bateau à moteur » semblaient revenir à plusieurs reprises.

CoucherSoleil
Un petit couché de soleil.

10 mai. La zone de convergence continue à jouer au yo-yo : un coup je pars vers le nord avec mes nuages et je laisse un peu de place aux alizés, un coup je redescends vers le sud et je te balance mes seaux d’eau avec mon vent incertain. Ce matin, nous nous trouvons à la limite : peu de menaces de grain tout autour, mais zéphyr faiblard. Conditions propices pour faire prendre l’air au Code D, et essayer d’avaler les derniers cent vingt milles.

Pour midi aujourd’hui, nous déjeunâmes, ma chèèère, d’une petite salade mixte chou rouge-oignon-maïs-champignons accompagnée d’un steak de mahi-mahi. Hier on a dégusté des patates sautées et des darnes de mahi-mahi, alors que la veille c’était une salade de riz avec un carpaccio de mahi-mahi. Demain, on se concoctera une salade chou rouge-olives pour aller avec des filets de mahi-mahi. C’est quand même bien de pouvoir changer tous les jours.

Côté navigation, journée riche aussi : après une bonne séance de Code D, il a fallu affaler en vitesse pour anticiper un gros grain et repasser sous génois.

CodeD-Grain
On remballe tout!

Pas pour très longtemps : le vent est tombé et Volvo s’y est collé comme un grand, ce qui a permis de charger encore un peu plus les batteries et de faire de l’eau douce. Puis le vent est revenu, pour virer de cent quatre-vingts degrés en quelques minutes. Et retomber aussi vite.

À bord, l’équipage commence à être bien rodé, même si certain trouve que les coussins du cockpit sont un peu raides et lui donnent des problèmes d’eunuque, vite corrigés avec un tour de coup en mousse. Ah c’est un peu particulier le Pacifique.

11 mai. Après une grande partie de la nuit au moteur, puis un peu de voile pour ne pas arriver trop tôt, Suwarrow est en vue à environ cinq milles. Cinq nuits pour cette première « grande » traversée de l’année : les sensations et les réflexes ne se perdent pas…

PasseSuwarrow
La large passe de Suwarrow.

Et il fait grand beau.

9h : KouskEol est ancré devant Anchorage Island, le plus gros motu de l’atoll, et les requins pointes-noires commencent déjà leur manège autour du bateau.

1– Vous n’avez ni honte ni rien d’autre à faire que de lire ces conneries ? Cet amphigouri n’est là que pour griller la politesse à Mat. Et Raf, ce n’est pas non plus la peine d’en rajouter.

3 réflexions sur « De Bora Bora à Suwarrow »

  1. Je note surtout que vous avez enfin appris à pêcher 🙂

    (pas mal la photo avec les deux flics à Mahi-Mahi sinon)

    bises

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