Les Îles Fidji : le grand récif de l’Astrolabe

15 juin 2016. Nous sommes partis comme prévu hier soir de Levuka. Et comme prévu, il n’y a pas de vent. Donc la petite traversée de soixante-dix milles vers le grand récif de l’Astrolabe, au sud, se fait au moteur, sur une mer presque d’huile, avec une lune presque pleine, et un sillage lumineux grâce au plancton phosphorescent. À part trois bateaux croisés, sans AIS, les quarts furent très calmes.

L’Astrolabe, vous vous souvenez, c’était le bateau de Dumont d’Urville, qui est venu lui aussi laisser ses marques ici : petit et grand récifs de l’Astrolabe, chenal de Dumont d’Urville. Séquence nostalgie pour le DD qui avait passé des mois à la base Dumont d’Urville en Terre Adélie. Supplément culturel gratuit pour les amateurs de Trivial Pursuit : tout le monde se rappellera bien évidemment que c’est Dumont d’Urville qui a transporté la Vénus de Milo en France. Bien évidemment.

Nous réalisons pourquoi il y a eu tant d’accidents et de bateaux échoués : la mer étant très calme ce matin, à environ un mille du petit récif de l’Astrolabe, juste au nord du grand, nous ne voyons rien… Pas de brisants indiquant la présence de l’atoll : seule une balise plantée au milieu de ce dernier indique une remontée des fonds. Impossible de voir quoi que ce soit la nuit. Le GPS a radicalement changé la vie des marins.

Recif
Et pourtant il est là…

Du coup, l’entrée par la passe nord est tranquille. Le récif occupe l’extrémité nord du lagon de l’île de Kandavu, quarante-cinq milles sur dix environ : plus grand que le Léman. Encore un peu plus de deux milles et nous mouillons dans une dizaine de mètres sur fond de sable devant la plage d’un îlot joli tout plein. De nouveau tout seuls.

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Nouvelle inspection de routine des fonds : cette fois, pas de bouteille cassée, mais un ou deux seaux d’eau de mer, propre. Nous avons donc une fuite. Mais où ? Elle semble venir de l’arrière. Vérification de la pompe à eau du moteur et de sa vanne : rien. Vérification du joint du saildrive : rien. Vérification des vannes du wc arrière : rien. Vérification de la vanne du dessalinisateur : rien. Merde : plus beaucoup d’autres possibilités ! Quand André s’écrie : « J’ai trouvé ! Il y a une fuite au niveau de la sortie de l’échappement ! ». Effectivement, le tuyau d’ échappement en néoprène est fendu au niveau du passe-coque et une partie de l’eau de refroidissement fuit dans le fond : au bout de quelques heures de moteur, ça finit par représenter un bon volume !

Le tuyau est assez long : un coup de scie et le mal est réparé. Il faudra tout de même vérifier à l’usage.

Echappement
Le coupable.

Mais bon : on n’est pas là pour vous raconter nos petites misères. L’annexe est mise à l’eau et nous partons faire une virée autour des îlots. L’eau est limpide et le corail semble en pleine forme. Nous grimpons au sommet d’un des îlots pour profiter de la vue sur le récif. Le rocher est pourri, mais le spectacle grandiose !

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16 juin : le calvaire continue… Il faut retourner voir les coraux et les poissons tropicaux. D’un banal… On joue les blasés, mais nous sommes tous les deux d’accord pour dire que nous n’avons que rarement vu de fonds aussi beaux. Le corail est en bonne santé, multiforme et multicolore ; les poissons ne peuvent faire moins bien avec leur parure. Bref, difficile de savoir où poser l’œil. La température de l’eau ? Vingt-huit degrés, pourquoi ?

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En voici une qui échappera à la mayonnaise.

Fonds15 Fonds16 Fonds20 Fonds36 Fonds37Festival de formes et couleurs

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Juste devant le bateau, une petite plage de sable blanc… Nous n’osons pas imaginer ce que pourrait devenir un endroit pareil pour peu que les moyens d’accès soient banalisés. Et justement, nous avons aperçu des constructions en cours sur une des îles. Nous profitons égoïstement de notre fortune.

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Sur ces entrefaites, un voilier québécois est arrivé et mouille à côté de nous : « Bidule ». Il devrait y avoir du monde à bord de Kousk Eol ce soir.

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Et effectivement, nous organisons encore une fois une de ces rencontres internationales de reconstruction de la planète que nous envient les plus grandes instances mondiales, cette fois avec Alyssa et Gaston. Les Glaouches, entre autres, se sont probablement réveillés avec des acouphènes balèzes. Au repas : bière fidjienne et spaghettis, dans la plus pure tradition de la grande cuisine française. On ne lésine pas quand la réputation de la table de Kousk Eol est en jeu.

17 juin. Le temps a changé dans la nuit : un peu de pluie, du vent et des nuages. Du coup, ce matin nous en profitons pour faire un peu de ménage et quelques réparations. Et nous retournons admirer les fonds avec nos masques une dernière fois: dans l’après-midi, nous partons vers Nandi pour faire les formalités de sortie des Iles Fidji avant d’aller au Vanuatu.

Les Îles Fidji : Levuka

Lundi 13 juin 2016. Donc, nous disions : nous appareillons vers treize heures pour une traversée de cent trente milles vers Levuka, l’ancienne capitale des Fidji sur l’île d’Ovalau, à côté de Viti Levu sur laquelle se trouve Suva, la capitale actuelle. Nous laissons derrière nous les Îles à Explorer (Exploring Isles) et Vanua Balavu, dans l’archipel Lau, un mouillage que nous ne sommes pas prêts d’oublier, tant il est différent de ce que l’on a pu connaître jusqu’à présent. Presque aussi beau que le mouillage derrière Costaeres, c’est tout dire.

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Bye bye Vanua Balavu!

Bref, ce n’est pas le tout. Il fait beau, la mer est calme, mais le vent n’est pas violent : après une heure de moteur, la traversée démarre avec le Code D, qui n’avait pas servi depuis quelque temps.

CodeD

Au fait, on ne vous avait pas tout dit : nous étions sournoisement repartis faire une incursion dans la moitié ouest du globe : Vanua Balavu est sur le méridien 179°W… Mais rassurez-vous, on repart vers l’est, et on devrait re-franchir les 180° dans la nuit, au milieu de la mer de Koro.

Le vent remonte avec la nuit, environ quinze nœuds de sud-est : Kousk Eol file à huit nœuds sur une mer plate pour une fois. Le grand confort. Et le ciel est étoilé, pratiquement sans nuage. Du coup les quarts sont paisibles. Et au matin, nous apercevons Ovalau à une vingtaine de milles devant nous : cette traversée restera dans la catégorie « Traversées cool ».

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Levuka au loin…

 

La passe devant Levuka est large : heureusement, car les balises du chenal ont dû être emportées par le dernier ouragan… Ici aussi, c’est le clocher d’une église qui sert de balise d’alignement, et lui a tenu !

Alignement
L’alignement pour la passe sur le clocher de Levuka.

D’ailleurs, un petit cargo à moitié coulé est renversé contre le quai d’accueil du port de commerce : encore un méfait du dernier cyclone.

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Nous sommes seuls dans la petite baie : pas de voiliers, mais pas non plus de bateaux de commerce. Nous débarquons avec l’annexe. Comme à Savusavu, la ville est traversée en un quart d’heure. À part une usine à poisson, il ne semble pas y avoir d’activités débordantes. En fait, nous découvrirons que les maisons d’habitation sont plutôt construites sur les hauteurs. La population a bien changé depuis que nous sommes aux Fidji : les Mélanésiens ont remplacé les Samoans, même si l’on rencontre des Indiens, immigrés plus récents.

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Nous passons devant la plaque rappelant que les Fidji ont fait partie de l’empire britannique, avant d’acquérir leur indépendance en 1970.

Independance

Sur un promontoire, un imposant monument commémoratif blanc, pour honorer les Fidjiens partis se faire massacrer en Europe pour défendre les valeurs occidentales pendant la Grande Guerre, qui n’aura jamais mieux mérité son qualificatif de « mondiale »…

Monument

Juste à côté, un hôtel un peu désuet : Le Royal Hotel. C’est le premier hôtel construit aux Fidji à la fin du dix-neuvième.

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Ce soir, nous allons au restaurant : nous avons repéré le Whales Tale, qui nous semble approprié. L’accueil est chaleureux. Le restaurant est tenu par deux Fidjiennes qui assurent service et cuisine, avec un grand sourire et une bonne chère.

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Un couple d’Australiens retraités vivant à Levuka, John et Marylise, sont les autres clients. Ils tiennent un bed and breakfast et nous racontent la vie ici. Le cyclone Winston revient plusieurs fois dans la conversation. C’est le premier sur Levuka depuis plus de trente ans : si les Fidji n’ont pas été épargnées toutes ces années, l’ancienne capitale était considérée comme un havre protégé, bâtie dans le fond d’un ancien cratère. Jusqu’à Winston, ouragan de catégorie cinq, la plus haute. Personne n’y a cru jusqu’à ce que la catastrophe s’abatte sur la petite ville. C’est bien lui qui a coulé le petit cargo le long du quai, ainsi qu’un autre sur la côte un peu plus loin. Les commerces sur la rue principale ont tous été envahis par l’eau qui est montée de plusieurs mètres. Sympa. Le meilleur dessert du restaurant est la crêpe à la banane, mais le cyclone a ravagé tous les bananiers de l’île, ainsi que tous les papayers. Donc pas de crêpe à la banane : on aura à la place une excellente crêpe à l’ananas, importé de Suva, la capitale.

Très peu de voiliers s’arrêtent ici. Tout le monde nous a vu arriver, et comme il n’y a aucun autre bateau dans la petite baie nous sommes un peu l’attraction : « Oh you are from the sailing vessel ! ». Vessel ? Kousk Eol vient d’avoir de la promotion.

Mercredi 15 juin. Pour nous faire une idée de la « ville », nous empruntons un chemin montant jusqu’à une cascade d’où l’eau est captée pour les habitants, sur les flancs de l’ancien cratère. Nous nous offrons même le luxe d’une baignade dans l’eau douce. Tout le long du chemin, nous sommes hélés par des « Bula ! ». Les villageois sont au travail pour réparer les dégâts de l’ouragan : murs abattus, toits envolés, poteaux électriques arrachés, arbres déracinnés… Tout est monté à dos d’homme depuis le bas : aucun engin ne peut arriver sur les hauteurs, où se trouve la majorité des maisons.

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La vue depuis les hauteurs est magnifique sur la baie et les îles plus lointaines.

Mouillage
Kousk Eol, tout seul…

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Andre

Si nous arrivons à prendre les GRIBs, donc si nous arrivons à nous connecter à internet, nous partirons ce soir un peu plus vers le Sud. En attendant, à midi, nous retournons voire nos copines du Whale’s Tale

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Cordons bleus fidjiennes essayant vainement d’apprendre les bases de la cuisine au chefaillon de Kousk Eol, une demi comète au Guide Michelzéro.

Le nom du restaurant viendrait du fait qu’il y avait beaucoup de baleines devant la ville jusqu’à il y a quelques années, qui arrivaient du sud pour mettre bas. Elles sont beaucoup plus rares maintenant. La panse remplie, nous retournons au Royal Hotel pour tenter une connexion avec la toile mondiale. Ce ne sera possible qu’avec un des ordinateurs de l’hôtel, donc juste une petite session de Skype et pas de mise à jour du blog. Nous prendrons les GRIBs via Iridium : pas de vent pour les prochains deux jours…

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Hockey sur herbe.
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Et rugby (admirez la tribune).

Nous partirons dans la nuit vers le sud et le grand récif de l’Astrolabe, à soixante-dix milles, pour viser une arrivée dans la matinée, au moteur.

Article technique : monocoques et catamarans. Observation comparative et définitive.

Depuis que vous perdez votre temps sur ce blog, vous n’avez certainement pas été sans remarquer, si vous avez été capables d’un minimum d’attention, qu’il y était parfois évoqué deux types de bateaux à voile : les monocoques et les catamarans. Il existe bien sûr d’autres types de bateaux à voile : trimarans, planches et autres praos. Mais ils frisent l’anecdotique dans le contexte de cet article. Le cas des navires à moteur ne sera quant à lui pas évoqué : ce blog se doit de garder une certaine tenue, à la fois éthique et morale, et il n’est pas sûr que les écrivaillons qui pondent les banalités qui en sont le fondement aient la force d’âme d’éviter des dérapages atrabilaires pour peu que ce sujet soit abordé. Vous suivez ?

Notre contribution à l’élévation du niveau culturel marin moyen de notre audience, aujourd’hui, est d’apporter un éclairage autour de la question qui nous est souvent posée : « Pourquoi avez-vous fait le choix d’un monocoque ? ».

Pour rendre les raisons de ce choix aussi limpides que les eaux d’un lagon fidjien, nous vous proposons de nous concentrer donc sur les monocoques et les catamarans, les catégories les plus représentées parmi les bateaux de voyage.

Nous en aborderons l’analyse en identifiant de la façon la plus objective et la plus impartiale1 qui soit les mérites des monocoques et les défauts des catamarans.

  • Le monocoque est plus polyvalent : il passe mieux dans une mer formée, et remonte mieux au près. Deux situations pour le moins inconfortables, voire dangereuses, sur un catamaran.
  • Le monocoque trouvera plus facilement une place dans une marina. Essayez d’amarrer un terrain de tennis dans une petite marina un jour d’affluence (par exemple au mois d’août dans le port de Bonifacio).
  • Si un monocoque se fait coucher par une vague, il se redresse tout seul, lui.
  • Le monocoque tiendra mieux sur son ancre par grand vent, offrant moins de fardage.
  • Le monocoque revient moins cher à l’achat et à l’entretien.
  • Le catamaran bouge moins au mouillage. Mais du coup, on ne bénéficie plus de l’espiègle tangage qui vous endort si bien le soir.
  • Par contre, le monocoque sera plus confortable en mer, tapant moins violemment dans les vagues.
  • Le catamaran offre plus de place une fois au mouillage. Certains ressemblent même à de petits appartements. Mais si vous vouliez rester dans votre appartement, pourquoi partir en bateau ?
  • Le catamaran a un tirant d’eau plus faible permettant par exemple de beacher2. La belle affaire : vous beachez souvent ? C’est si fatigant que ça de gonfler son annexe, feignasse ?
  • Le catamaran a un moteur dans chaque coque (à part Kâ3), ce qui lui permet de tourner sur place pour se mettre le long d’un catway. Mais comme on a vu plus haut qu’il n’y a jamais de place pour les catamarans dans les ports, où est l’intérêt ?
  • Le catamaran a deux coques, donc deux fois plus d’emmerdes.
  • Etc.

En gros, vous l’aurez compris de vous-même : le catamaran peut à la rigueur apporter un peu plus de confort dans certains mouillages, éventuellement, mais le monocoque sera le plus sûr pour voyager loin. Point. Vous avez besoin d’un dessin ou bien on passe à autre chose ?

1– Les écrivaillons fauteurs de ces lignes ne font pas toujours la différence entre objectivité et mauvaise foi abyssale. Les amis qui navigueraient sur autre chose qu’un monocoque sont priés de sauter ce chapitre et d’attendre sereinement la prochaine publication. On vous aime malgré tout et on vous pardonne vos égarements.

2– De « to beach » : possibilité d’aller jusqu’à la plage avec son yacht, ma chèèère.

3– Kâ est le Kâtamaran, le navire avec lequel Kâptain Jack Kâbote. Rien à voir avec un vulgaire catamaran. Il est hors-Kâtégorie, Kârrément seul de son type. Il ne peut en aucun Kâ entrer dans cette analyse.