Punta Arenas–Puerto Montt – 3e étape: Caleta Tortel – Castro/Ile de Chiloe

Le grand silence qui s’est abattu sur ce blog n’a rien à voir avec une quelconque procrastination rampante dont aurait pu être atteinte l’équipe d’édition de ce ramassis de banalités. D’ailleurs, pour éviter d’être accusée de ce mal pernicieux à l’avenir, l’équipe a décidé une fois pour toute d’arrêter de procrastiner dès demain!

Ce n’est pas faute d’avoir essayé: à Caleta Tortel non plus l’Internet n’a tenu ses promesses..

En fait c’était reculer pour mieux sauter: au lieu d’une mise à jour minable, c’est à une anamnèse balèze que vous avez droit, petits veinards!

Non seulement cet article, mais tous les précédents qui attendaient la connexion libératoire. Là c’est sûr: l’INSEE ne pourra pas faire autrement que de constater avec effroi une baisse de la productivité générale dans les pays de langue française (même rudimentaire, comme pour ce blog), parmi les citoyens avides d’élévation culturelle de qualité.

Mais reprenons ensembles le fil du récit, si vous le voulez bien.

Au risque de me répéter, le tarif est identique même si vous ne le voulez pas…

On n’est pas encore rendu à Puerto Montt…

Et on reprend où on vous avait laissé la dernière fois…

Samedi 5 Avril: La pause ensoleillée de Caleta Tortel étant terminée, nous reprenons notre périple…

Nous avons appris hier que suite au tremblement de terre à Iquique dans le Nord du pays, une alerte au tsunami avait été déclenchée sur toute la côte du Chili, jusqu’à Puerto Williams! Nous comprenons mieux la signification de tous les panneaux montrant les chemins d’évacuation…

La météo est toujours bonne, et la fenêtre se maintient pour traverser le Golfo de Penas. La journée est magnifique aujourd’hui, mais le temps doit changer Lundi 7: on ne s’arrêtera donc pas en route afin de traverser le golfe dans la foulée.

Et en fin d’une journée magnifique, mais sans trop de vent, nous nous présentons à l’entrée du Golfo de Penas. Petit moment d’émotion: nous sommes sortis du système de canaux du Sud, et de la Terre de Feu, où nous venons de passer un mois et demi, avec passage du Cap Horn, du Détroit de Le Maire, et remontées des canaux de Beagle et Magellan pour ne citer que les plus connus.

Et une heure plus tard, nous passons près d’un groupe de baleines.
Encore deux heures, et c’est le premier coucher de soleil sur le Pacifique pour Kousk Eol!

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Le Golfo de Penas, coucher et lever de soleil

Dimanche 6, 3h du matin: le Golfo de Penas est traversé. C’est notre première navigation de nuit depuis longtemps, et la première dans le Pacifique. Reste à rejoindre la baie Anna Pink pour entrer dans le système des canaux du Nord.

Baie que nous rejoignons dans la soirée, pour mouiller dans la Caleta Giuanin où une ferme à saumons s’est installée…Tant pis: il est trop tard pour aller plus loin. Mais le coin est quand même sympa. C’est sans doute que nous retrouvons la civilisation!

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Pêche dans la Caleta Giuanin: finalement on mangera une omelette le soir…

Et Lundi, petite journée de récupération, surtout que le beau temps nous a lâché! 12 milles et mouillage dans la petite Caleta Saudade, où nous trouvons des méduses de belle taille! Enfin une bonne excuse pour ne pas se baigner… Quoiqu’André y soit allé pour pêcher des oursins! Que Nico s’empresse de préparer. Et chose curieuse, du moins pour des amateurs comme nous, chaque oursin semble héberger un crabe parasite de 4 à 5 cm, à la carapace molle!

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La Caleta Saudade, ses méduses, ses oursins…

Durant la nuit, un vison vient même visiter le bateau à la nage…

Et en repartant sur le Canal Puluche, dans moins de 30m d’eau, des baleines: l’eau grouille de petites écrevisses rouges! Les fermes à saumons aux alentours ne sont sans doute pas étrangères à ce phénomène: la nourriture de ces fermes ne va certainement pas uniquement aux saumons…

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Les experts du bord prétendent que ce sont des rorquals de Rudolfi.

Le soir, nous nous arrêtons dans la Caleta Jacqueline, mais, oh scandale! Un catamaran s’est autorisé à mouiller dans la même caleta avant nous… Heureusement pour lui, il y a largement de la place pour deux bateaux. Et finalement nous invitons le skipper, Dave, seul à bord, à venir manger avec nous: malgré qu’il ne parle qu’anglais, c’est bien de voir une autre tête!

Et le lendemain matin, ô rythmes infernaux! , nous reprenons notre route. Et devinez quoi? Il pleut et on a un petit zéphyr entre 20-30 nds dans le nez! Il y avait longtemps! Et les cirés avaient bien eu le temps de sécher… Nous remontons le Canal Errazuriz, bordé de fermes à saumons, et de nouveau nous apercevons des rorquals de Rudolfi, attirés par les bestioles qui viennent se nourrir des déchets des fermes…

Mouillage dans l’Estero Atracadero, pas loin d’une autre ferme à saumons, puis re-départ au matin, de nouveau sous une petite pluie et un vent de 15-20 nds obligeant à tirer des bords.

Jeudi 10 Avril: navigation un peu pénible, toujours le vent dans le nez, et avec la pluie et une mer hachée… Du coup, petite étape aujourd’hui, et arrêt au mouillage de Puerto Americano.

Dauphin PuertoAmericano

Puis ce sera la traversée du Golfo Corcovado, le dernier avant d’atteindre Chiloe. Et, on ne pouvait pas la rater celle-la, mouillage dans la Bahia Tictoc: comme quoi, pour enchainer du tac au tac, tout toqué qu’on soit, notre tactique n’était pas si toc, avec la coque de Kousk dans la crique de la côte pour troquer la trinquette contre le couteau et croquer coûte que coûte la quiche toute cuite, pas crue, à la croûte craquante de notre accort cuistot sans toque, en trinquant le cru du coin, qui l’eut cru? Ça craint: pauvre Bobby…

Note de la rédaction: il semblerait que ce genre de délire soit malheureusement l’un des symptômes liés à une absorption massive de moules contaminées par la « marée rouge » par un esprit naguère brillant, mais ayant largement dépassé la date limite. Un compte a été ouvert dans une banque des Iles Caïman dans le but de récolter vos dons et permettre ainsi une prise en charge du malheureux, afin de le mettre hors d’état de nuire. Le numéro du compte est disponible sur demande. Au cas fort improbable où une inimaginable pingrerie ferait que ce compte restât désespérément à zéro, la rédaction n’aurait alors aucun autre moyen pour espérer empêcher la continuation de ce blog: c’est à vous de voir…

Bon, avant tout ça, comme d’hab, il y a eu les dauphins, les albatros, les baleines, les manchots, … Le tout sur fond de sommets enneigés. La routine, quoi.

En fait de Bahia Tictoc, c’est le tic-tac de la tocante qu’on surveille: la météo, oh surprise, nous a encore réservé un de ces coups de chien dont elle a le secret, nous bloquant sur place à attendre le fameux créneau… Peut-être en fin de journée, ce qui imposerait une navigation de nuit pour pouvoir traverser sur Chiloe dans de bonnes conditions.

Et effectivement, on lève l’ancre sur le coup des 19h30, avant la nuit pour voir les nombreux cailloux qui entourent le mouillage. Temps maussade: brouillard humide et froid, peu de vent… Donc la totale: botte-bonnet-salopette-veste de ciré-goutte sur le bout du nez pour affronter une nuit noire malgré la pleine lune. Et le lendemain matin, nous touchons les côtes de Chiloe… Avec un moteur qui a des sautes d’humeur, le régime passant de 1800 à 1000 tours/minute, voire moins, pour ensuite reprendre, et recommencer quelques minutes après… Ça rappelle furieusement le retour de l’île d’Elbe il y a deux ans, alimentation du moteur complètement bouchée.

Ça y est, me re-voila! Le moteur, c’était bien les filtres à gas-oil. Toute bouchée, l’alimentation! Mais que on s’y fait pas prendre une deuxième fois et qu’on te répare le bousin en moins de deux! Et en attendant, on est à ½ mille de la côte orientale de Chiloe… Avec tout plein de belles maisons et petites fermes sur des prés bien verts. On dirait les bords du Léman. En mieux, bien sûr!

Chiloe0 Chiloe-Eglise

ChiloeA Chiloe-ParcMoules

Dernier repas avant Castro, l’herbe verte et les parcs à moules…

Pour arriver à Castro, capitale de Chiloe, il faut enfiler un canal très sinueux entre de jolies petites îles, toutes habitées, et l’île principale.

Nous mouillons sur ancre sous l’église en bois.

Chiloe2 Chiloe3

Devant Castro

Et il restera encore un petit bout de chemin pour arriver à Puerto Montt, après le Golfo de Ancud, au fond du Seno Reloncavi. soit une petite 100e de milles.

Punta Arenas–Puerto Montt – 2e étape: Puerto Eden – Caleta Tortel

1er Avril: non ce n’est pas une blague… Et ce n’est pas à cause de ça que vous avez évité une mise à jour de ce blog. L’internet à Puerto Eden, ce n’est pas tout à fait ça. Remerciez le technicien chargé de son fonctionnement: c’est grâce à lui que vous avez pu vaquer à des occupations autrement plus gratifiantes ces dernières semaines, pour une fois.

Donc, après avoir passé la journée du 31 Mars à faire les boutiques de Puerto Eden le long de la rue piétonne, et les pleins de gas-oil et d’eau, voire de nos estomacs dans une sorte de pension de famille faisant office du seul restaurant de la cité (excellentes empanadas!), nous partons Mardi 1er Avril vers 9h30 sous un temps plutôt clément, avec même un peu de soleil.

Le challenge de la journée est le franchissement du Détroit des Anglais: ça fait un moment que ces derniers emmerdent les marins français, déjà avant Trafalgar et ça continue malgré l’Entente Cordiale… Sachant que le détroit en question sépare deux canaux, un au Sud par où nous sommes arrivés et un au Nord par où nous comptons bien poursuivre notre périple, ces deux canaux donnant tous les deux directement sur le Pacifique, dans quel sens allons nous prendre le courant dû à la marée? Hein?

Après une longue discussion et l’élaboration de théories toutes plus sophistiquées les unes que les autres, nous arrivons à trois avis différents, Sarah ayant sagement décidé d’aller fumer une clope dehors…

Pour lever l’incertitude, Nico appelle l’Armada sur la VHF. Ces gens sont adorables et prêts à tout pour aider le pauvre marin étranger perdu dans les méandres de leurs canaux: « Depiende. A veces en un sentido, otras veces en el otro. Tienen que ir a ver ustedes… ». C’est bien ce que nous nous disions. Putain d’Anglais!

D’ailleurs ça frise la provocation, sachant que ce détroit se trouve sur le Canal Messier, du nom de l’astronome français (j’insiste!) du début du 18e siècle donné au canal par un marin espagnol. Messier est célèbre pour ses « objets » célestes. Fin de la minute culturelle gratuite.

Finalement, nous aurons jusqu’à 4 nds dans le nez, heureusement pendant peu de temps, avec l’impression de remonter le cours d’une rivière. Qu’est-ce que je vous disais?

Journée tranquille, alternant moteur et Code D, et après 50 milles, récompense dans la Caleta Point Lay: apéro en terrasse! La température devient définitivement plus moins sévère (on passera peut être même à « clémente » un de ces quatre). Et un pêcheur vient même se mettre à couple: ce soir nous ne serons pas seuls.

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 Caleta Point Lay

Les gribs sont bons pour les 5 prochains jours: nous allons essayer d’en profiter! Déjà, nous ne sommes plus obligés de nous harnacher de nos cirés: un gros progrès.

Le prochain gros morceau sera la traversée du Golfe des Peines, à mettre dans la catégorie du Détroit de Le Maire. Le programme se fera en fonction des conditions pour le traverser, sachant qu’une fois qu’on est engagé, il faut aller jusqu’au bout: pas de mouillage au milieu…

Mais nous n’en sommes pas encore là.

Encore une journée mixte voile-moteur: au delà de 9 nds vent arrière génois tangonné, puis moteur quand le vent tombe. Et nous arrivons à Puerto Cueri Cueri (non, je ne radote pas!), mouillage très tranquille au fond d’un petit fjord.

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Puerto Cueri Cueri

Le plan pour les prochains jours:

  • escale à la Caleta Tortel, à l’embouchure du Rio Baker, un des plus puissants fleuves du Chili. Carrément la mégalopole du coin, Caleta Tortel abrite au moins 500 habitants…
  • puis retour vers l’Ouest et passage du Golfo de Penas pour rejoindre le système de canaux plus au Nord. Le Golfo de Penas est largement ouvert sur le Pacifique, et est le passage obligé entre le Sud et le Nord: terreur des marins lors des coups de vents de Sud-Ouest lorsqu’une dépression passe dans le coin, ce qui arrive très régulièrement. D’où l’importance de préparer cette traversée: une soixantaine de milles pour le golfe lui-même, puis environ la même distance pour rejoindre les canaux du Nord.

La météo nous donne une bonne fenêtre pour les quatre prochains jours: ça devrait le faire!

Jeudi 3 Avril – Pour l’instant, on arrive à la Caleta Tortel avec un temps magnifique et après une navigation des plus tranquilles: pas de vent et mer d’huile. Merci Volvo!

La Caleta Tortel c’est autre chose que Puerto Eden: au moins 500 habitants et une piste avec service de bus régulier vers l’arrière-pays. Il faut dire que c’était un port pour le transport du mouton élevé dans l’intérieur des terres, et l’exploitation du cyprès flotté sur le fleuve. L’activité a sérieusement baissé depuis… Mais toujours pas de rue entre les maisons: juste des passerelles en bois (de cyprès), comme à Puerto Eden.

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 Le village, ses artères, sa boutique, son église gothique et le mouillage 

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L’industrie du bois avant (un ciprero) et après (une scierie mobile), ainsi qu’un cyprès (de loin)

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Caleta Tortel a même un institut océanographique

Nous devons reprendre notre route le 5 Avril, après une autre journée de repos, à Caleta Tortel, et un complément de courses que nous n’avions pu faire à Puerto Eden.

Page culture pour lectorat averti : coutumes cap-horniennes

Le but de cet article à très haute portée culturelle est d’offrir quelques éclaircissements de nature explicative concernant certaines coutumes de la marine à voile, afin de permettre au non-marin d’en apprécier la valeur sans pour autant chercher aucunement, bien évidemment, à les démystifier voire démythifier,.

La tradition voudrait, entre autre, que, dès le Cap Horn franchi , le marin (si vous le voulez bien, je souhaiterais éviter de parler de Marine ici) le marin donc, nouvellement adoubé portât un anneau en or à l’oreille gauche et pissât face au vent.

Nous ne ferons pas de commentaires sur la première de ces traditions, nos épouses nous ayant fait comprendre sans aucune ambiguïté que la joie de retrouvailles lors d’un éventuel retour au foyer serait irrévocablement et irrémédiablement gâchée par un respect trop strict de cette coutume…

Quant à la deuxième de ces traditions, parlons en ! Et pour ne pas choquer les personnes sensibles, nous demanderons instamment aux enfants qui liraient ces lignes de bien vouloir prendre leurs parents par la main et les ramener regarder le tirage du loto devant la télé, d’où ils n’auraient jamais dû bouger.

Tout d’abord une observation liminaire1 : lorsque l’on navigue sous les latitudes du Cap Horn, autour de 60°S, ça caille comme dirait l’albatros. Et donc le marin averti se couvre : en plus du slip réglementaire, il aura enfilé un collant un peu épais, puis un pantalon, et par dessus le tout, le bas de son ciré, tenu comme il se doit par des bretelles, et remontant largement au niveau des aisselles. Et bien sur, une veste de ciré par dessus tout, pour faire bonne mesure.

Et maintenant, analysons deux situations type, subséquentes à une envie d’uriner plus ou moins pressante (en général, sur un voilier, on a tendance à reculer le moment de se soulager, soit parce qu’on est pris dans une série de manœuvres, soit parce que justement il fait froid et qu’il y a des vagues et du vent : le « plus ou moins » dans ce cas est donc à prendre comme une figure de style ne laissant subsister aucun doute quant au caractère urgent de cette pression physiologique) :

Situation N° 1

Il fait 3°C, le vent souffle à 35nds et on est au près dans 3m de creux. Il y a longtemps que ce ne sont plus des embruns qu’on reçoit à la figure. Le candidat à la vidange biologique essaie de se caler tant bien que mal pour libérer ses deux mains : essayez de défaire la fermeture éclair d’un bas de ciré qui se respecte d’une seule main, vous ! Au bout de 4 minutes 50, la fermeture est en général descendue . Ne restent plus que les bretelles : 2 minutes de plus.
Rappelez-vous que ça urge !
Et nous arrivons enfin à la situation la plus intéressante : pour atteindre la braguette du pantalon, il faut baisser le bas de ciré aux genoux. Et là, bonjour l’équilibre! Au bas mot, encore 5 à 6 minutes d’angoisse jusqu’à la stabilisation salvatrice. La sus-mentionnée braguette est enfin ouverte. On se dit : « Cette fois, ça y est ! Le Graal est proche ! ». Que nenni ! Et la braguette du collant ? Hein ? Vous en faites quoi de la braguette du collant ? La logique voudrait qu’elle se trouvât en face de la braguette du pantalon. Mais ce n’est pas avec de la logique qu’on coud les collants : leur braguette n’est JAMAIS en face de celle du pantalon. Des fois, ils n’ont même pas de braguette, mais ce cas est trop désespéré pour être abordé devant un lectorat impressionnable.

Il faut donc farfouiller à l’aveuglette, avec des doigts de plus en plus gourds à cause du froid glacial qui en a profité pour se faufiler sournoisement jusque dans l’entre-jambe du malheureux.
Mais enfin ce dernier arrive à aligner les deux braguettes, à écarter tant bien que mal le slip, au bout d’un certain nombre de minutes supplémentaires. Ben cette fois c’est bon, me direz vous. Sauf que, avez vous déjà constaté l’effet du froid sur une zigounette standard ? Même un nouveau né ne voudrait pas d’un aussi petit machin tout ratatiné, recroquevillé, microscopisé (Ah, je les entends d’ici les ricanements comme quoi il y en aurait de plus prédisposés que d’autres…) . Et pour l’attraper, re-bonjour !
Tout ça pour dire qu’une fois qu’on est au bout de toutes ces opérations, c’est en général trop tard et on s’en est foutu partout…

Situation n°2 :

Imaginons un équipier un peu plus prévoyant et un peu plus dégourdi que celui dont nous avons parlé ci-dessus : il doit bien en exister.
Il aura tout préparé bien comme il faut : braguettes alignées, zigounette en position opératoire, tranquille sous le vent, malgré la violence de ce dernier, bien calé dans le portique pour permettre aux sphincters de se relâcher sans arrière pensée. L’opération de vidange salvatrice débute donc, quand, au même moment, ordre urgent du skipper : « On vire ! Fissa ! ». Les ordres du skipper ne sont pas discutables. Les ordres urgents encore moins.
Entre nous, je m’étonne d’ailleurs qu’une thèse n’ai jamais été écrite expliquant la simultanéité quasi parfaite et systématique entre ces deux événements: quelque soit le moment choisi pour se mettre en position de vidange de vessie, un évènement surviendra pour rendre l’opération scabreuse dans le meilleur des cas. Probablement une dérive marine de la loi de Murphy.
Et notre malheureux de se retrouver face au vent (rappelez vous : le traître est violent sous ces latitudes) avant d’avoir pu faire quoique ce soit, Cap Horn passé ou pas…

Bref, au bout du compte, le résultat final est largement comparable à celui de la situation n°1.

 Le cas des équipières ne sera pas traité ici : les Cap-Horniers sont rien que des machos, c’est bien connu, et leurs coutumes ne s’appliquent qu’aux mecs , ceux qui en ont bien sûr.

Entre nous, ça m’arrange : je me voyais assez mal expliquer le truc de pisser contre le vent pour le sexe dit faible (Tiens, au fait : sexe faible, encore un sacré oxymore dans ce contexte, et une légende à laquelle il serait largement temps de tordre le cou!).

Quand aux anneaux dorés à l’oreille, elles en portent déjà…

« Donc », ne manquerez vous pas de nous faire fielleusement remarquer, « ça sert à quoi, je vous le demande, de passer le Cap Horn ? Juste pour comprendre… »

Bonne question. Sans doute pour les même raisons vaseuses que d’avoir envie d’aller dans la baie de Rio, dans le détroit de Le Maire, à Chiloe, dans le Raz de Sein, sur l’île de Pâques, devant l’Escampobarriou, ou même plus terrestre, à Tombouctou, à Zanzibar, en Himalaya, à Lalibela, à Samarkande, etc. Certains lieux s’y entendent pour exercer une fascination à laquelle parfois on ne résiste pas.

Ou alors, juste pour avoir quelque chose à raconter dans ce blog. C’est tout. Et vous, vous n’avez rien d’autre à faire ?

1 Oui, je sais : « liminaire » précédé de « tout d’abord », ça fait un peu comme « pléonasme tautologique et redondant ». Mais permettez-moi deux remarques : je n’ai jamais prétendu faire dans le léger, et puis il m’a semblé nécessaire, à l’occasion, d’être un peu insistant pour éviter les malentendus chez certains lecteurs dont l’attention pourrait laisser à désirer.