Kousk Eol est au ponton de la marina du Terminal Nautico. Peut-être pas la plus belle marina de Salvador, mais très pratique par sa position à côté de l’ascenseur Lacerdo qui mène au Pelourinho qui nous domine, le vieux quartier de Salvador, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La marina du Terminal Nautico et le Lacerdo
L’accueil dans la marina est très chaleureux, avec un « capitaine » parlant un peu de français et d’anglais. Les démarches administratives (immigration, douane, affaires maritimes) ressemblent au parcours du combattant, mais se déroulent dans une atmosphère bon enfant : il faut dire que certains services s’informatisent, avec déclarations sur le web, mais tous les fonctionnaires n’ont pas encore pris la mesure de ces changements … Ainsi il faudra 3 allers-retours entre le bateau et la douane, sur le port marchand, pour finalement être en règle. Chose curieuse pour des touristes comme nous : pas un goéland sur le port , uniquement des pigeons…
Pigeons marins? Et après trop de samba il faut bien récupérer…
Les priorités sont les réparations variées (voir liste dans l’article précédent). Mais on ne prétend pas vous faire pleurer sur notre dur sort !
Le Pelourinho est agréable à visiter, avec sa multitude d’églises, de places et de vieilles bâtisses. L’accès se fait par le Lacerdo depuis la marina: sur 4 ascenseurs, en général un seul est opérationnel, créant parfois de longues queues. Et que dire, alors que vous dégustez une caïpirinha bien méritée en terrasse, de voir un groupe de percussions se former dans la rue, et commencer un concert époustouflant, où le rythme aussi bien que le spectacle vous enthousiasme ? Art Blakey puissance 10 !
Nous en profitons aussi pour nous changer des casse-croûtes des ces 15 derniers jours. Jacques nous emmène manger un filet de bœuf au Juarez Restaurante, près du marché Ouro : un régal ! Et pas indiqué dans les guides (appaaremment les Brésiliens se le gardent pour eux!)… Nous essayons aussi bien sûr une moqueca : fruits de mer et lait de coco se mélangent bien Et évidemment les incontournables feijao. Et même la comida por kilo où l’on ne mange pas si mal…
Le Pelourinho
Nous repartons Dimanche 29 vers le Sud : nous devons être à Rio le 17 pour accueillir MarieJo et Cathy !
Cette traversée est la première « vraie » traversée pour Kousk Eol. Si nous avons pu le tester pendant 3 ans avant le grand départ, par toutes conditions, de la pétole à la tempête (60 nds de vent), les plus longues « traversées » représentaient en général moins de deux jours de navigation.
Kousk Eol a confirmé ses qualités de fin coursier : peut-être pas aussi confortable qu’un bateau dit « de grand voyage », mais là où les voyageurs rencontrés aux différentes escales nous disaient être contents lorsqu’ils faisaient des moyennes de 120 milles par 24 heures, nous faisons régulièrement entre 160 et presque 200 milles, sans maltraiter le bateau. L’agilité est aussi un critère important, pour éviter une dépression, rejoindre plus vite un mouillage, etc.
Le Centurion 45s est un très bon bateau, solide et marin, passant bien la vague. Nous n’hésitons pas à réduire dès que le vent monte : le bateau gîte moins, et la vitesse ne s’en ressent pratiquement pas. Et le matériel souffre moins.
Notre installation électrique répond à nos attentes : tous les soirs (sauf une journée de calme sous ciel couvert, où nous avons dû mettre le moteur pendant moins de 2 heures), les batteries sont chargées, et comme l’alizé est puissant ici, l’éolienne continue à travailler la plupart des nuits.
Iridium n’a pas flanché, et nous avons récupéré nos gribs lorsque nous en avions besoin.
Nos 500 litres d’eau couvrent plus que nos besoins : nous n’utiliserons qu’un réservoir et un tiers du 2e. Le dessalinisateur n’a pas été mis à contribution pour l’instant.
Quant au fuel, nous aurons consommé moins de 10 litres de mouillage à mouillage sur cette traversée !
Il y a néanmoins plusieurs points que nous devons améliorer :
Le carré manque cruellement de mains courantes et les planchers sont glissants : faire les acrobates pendant 15 jours nous convainc d’y remédier !
À la gîte, l’eau ne s’évacue pas bien sur les capots AR et pénètre dans les fonds : lorsqu’on est sur le même bord pendant une semaine ou plus , par mer formée ou voire sous des grains tropicaux, c’est un certain nombre de litres qui a trouvé le chemin des fonds de la coque !
L’interconnexion des équipements de navigation via le bus SeaTalk a montré des signes de faiblesse récurrents, la source des problèmes étant de mauvaises connexions et une mauvaise isolation à l’eau (de mer principalement). Nous avons fini par déconnecter une partie des instruments pour ne garder que l’unité de contrôle du pilote, et ainsi avoir un pilote fiable. Du coup, il a fallu ressortir le GPS USB pour qu’OpenCPN puisse continuer son travail.
Le boulon qui tient la barre sur son axe se défait régulièrement : il faudra mettre un contre-boulon et peut-être mettre de la colle-frein.
La table du carré supporte mal de servir de cale pour les équipiers en perte d’équilibre, et menace de vivre sa vie en totale indépendance avec son pied…
Les joints des capots de pont ne remplissent plus leur rôle, et l’eau s’infiltre dans le carré et la cabine avant. Idem pour le joint au passage du mat à travers le roof.
Plus quelques autres petits problèmes…
Bref, on devrait avoir à s’occuper un peu à Salvador !
Cette fois-ci, les alizés sont bien accrochés : vent de sud-est 15 à 20 nœuds, Kousk Eol file à pratiquement 8 nœuds au travers en direction de Salvador, dans une houle relativement bien formée.
Nous pêchons enfin notre premier poisson : un joli thon rouge de 4-5 Kg, vite transformé en carpaccio et steaks. Menu du jour : darnes de thon rouge de ligne légèrement poêlées, relevées au jus de citron vert du Cap éponyme, accompagnées de leurs pommes de terre de Praia en pagne des savanes, le tout arrosé d’un vinho tinto Frei Joaõ. Un pur régal ! Ceci sans vouloir minimiser la valeur des coquillettes dans la diététique du marin, bien sûr.
L’équateur est franchi le 15 septembre à 22h07 TU exactement, par 24°39 de longitude ouest. Champagne et foie gras de rigueur, en n’oubliant pas le 5e convive : Neptune ! C’est une grande première pour tout l’équipage et nous sommes tous un peu émus par ce baptême…
Juste avant le passage de l’équateur…… Et juste après.
Encore, ou plus que 1000 milles pour Salvador.
Nous continuons à faire décoller des bancs de poissons volants chassés par les fous et autres espadons. Magnifique spectacle ! Mais quand on y pense, alors qu’à la télé on peut profiter d’émissions de qualité et de grande profondeur telles que Secret Story , le Loft ou Koh Lanta, sans parler des émissions qui en parlent… Ici la nature nous offre tous les jours le même spectacle. C’est bien le fond du problème : la nature, au contraire de la télévision, ne sait pas se renouveler… Bon d’accord, le plané des puffins au ras des vagues, autour du bateau, ça a un côté un peu magique. Les poissons volants rasant la houle, se relançant d’un coup de queue avant de plonger parfois 100 m plus loin, un fou aux caudales (lire : « aux fesses », mais l’article scientifique sur les fesses des poissons volants reste à écrire), on ne voit pas ça dans toutes les piscines. Mais si on y réfléchit, ils font ça tous les jours, depuis des lustres . Et je ne parle même pas des couchers de soleil : tous les soirs à peu près à la même heure, toujours dans des nuances flamboyantes . Alors le côté novateur…
Et Kousk Eol, tel le valeureux Hollandais Volant glissant sur la crête moutonneuse de la houle majestueuse dans l’immensité de l’océan, sous l’infini de la voûte céleste, continue infatigablement sa chevauchée, emportant son valeureux équipage vers des horizons inconnus et… Bon : je déconne !
Les alizés continuent de souffler, sans faiblir : la moyenne remonte, avec des journées à plus de 180 milles. Entre 20 et 30 nœuds de vent tous les jours, un peu plus sous les grains, de travers comme la houle: si les moyennes sont plus qu’honorables, le confort à bord s’en ressent. Hublots fermés, humidité, gîte, roulis : nous serons contents de tester d’autres conditions. Entre temps, nous redécouvrons les avantages de descendre de quadrumanes : les déplacements à bord se font autant, sinon plus, avec les mains qu’avec les pieds !
Même le pilote commence à montrer des signes de fatigue : il se déconnecte de temps en temps, avec des messages d’erreur du calculateur plutôt abscons.
Marin expérimenté ayant le pilote à l’œil…
Mais sur un tour du monde comme nous l’envisageons, les traversées ne représentent qu’environ 20 % de la navigation : le reste, c’est le plan, se déroule autour de mouillages forcément idylliques. Et les traversées permettent de ne pas perdre la main !
24h de la vie à bord de Kousk Eol
En traversée, un rythme s’installe progressivement et naturellement. Au petit jour, l’équipage se retrouve dans le cockpit, si le temps le permet, pour un café et des tartines, et causer des événements de la nuit : changement de voiles, incidents. Puis chacun s’occupe selon sa nature : au moins un équipier reste sur le pont pour surveiller la route, raffiner les réglages ; les autres vont se laver, lisent, se reposent, discutent, vérifient la route sur la carte. Autour de la mi-journée, on essaie de se faire un « vrai » repas, un peu structuré : pas toujours facile lorsque le bateau est à la gîte et bouge ! Puis l’après-midi est l’occasion d’autres petites siestes, lectures, discussions, bricolages divers (il y a toujours quelque chose à faire sur un bateau), re-réglages, vaisselle, … Et enfin, vers moins-dix, c’est l’heure vraiment conviviale : l’apéro ! Rassurez-vous : point de beuverie à bord (Si, si Cathy : je t’assure!) ! Il faut garder l’esprit clair : en général, une petite binouze, voire un verre de vin ou un ti-punch. Puis vient le repas du soir, souvent plus succinct que celui de midi, suivi de l’organisation de la nuit. A l’heure ronde suivant le repas, le premier quart démarre : 2h30 de veille, seul sur le pont. Et ainsi de suite jusqu’au jour et au petit café. Et la nuit suivante, on décale d’un cran.
21 septembre : ça sent la fin !
Ça y est : moins de 160 milles à courir pour Salvador ! On commence à retrouver du trafic sur l’eau, imposant une veille plus active . Le canal 16 de la VHF reprend vie. Des halos de lumière commencent à pointer au dessus de l’horizon. La première caïpirinha devient LE sujet de conversation… Et le temps s’y met : le vent adonne, on ressort toute la toile et Kousk Eol fait des pointes à 9 nœuds.
22 septembre : les dernières heures ?
Le vent tombe… Le feu de navigation tribord nous lâche en pleine nuit… Un train de grains brumeux et peu actifs nous passe dessus… Et la côte est en vue au lever du jour, avec les premiers immeubles de Salvador ! Mais nous nous traînons à 2 nœuds… La VHF joue de la samba sur le canal 16 : pas de doute, nous arrivons au Brésil ! Nous finissons au moteur et arrivons enfin au Terminal Nautico da Bahia, petite marina juste sous le Pelourinho et son ascenseur le Lacerda : la caïpirinha ne devrait être qu’une formalité !
Arrivée à Salvador!
Petit résumé de ces 2 semaines (pour les pressés)
Première semaine tribord amure, cap erratique et chaotique (vent, pluie, mer) vers l’Afrique pour fuir Umberto et trouver des conditions plus favorables.
Long bord bâbord amure rectiligne de presque 1500 milles direct sur Salvador pour la deuxième semaine, avec passage de l’équateur, au bon plein dans un vent qui ne faiblira quasiment jamais, avec une houle un peu mieux formée.
Kousk Eol aura parcouru 2380 milles, soit 400 milles de plus que la route directe, à la moyenne de 6,7 nœuds, en moins de 15 jours : merci Umberto !
Le trajet et le grib montrant Unberto se renforçant..