Le requin à pointes noires

L’article qui suit, lui encore d’une indéniable valeur scientifique, à vocation exotérique et au contenu à frustrer le plus zélé des zététiciens, l’article qui suit, donc, a, comme il est depuis longtemps de tradition sur ce blog, pour engagement de tenter d’élever le niveau culturel d’un lectorat en manque de savoir, dans la lignée de la série de chroniques scientifiques que l’équipe de rédaction a déjà commise. Ça va? Fallait se la faire celle-ci (la phrase, pas l ‘équipe).

La tâche est ardue, certes, mais on ne se refait pas.

Le sujet d’aujourd’hui sera l’un de ces merveilleux animaux qui peuplent ces thébaïdes pacifiques, dont les lagons pers rendraient pâlichonne l’IKB du sieur Klein, et où même Kousk Eol hésite parfois à s’aventurer.

Bien sûr, il ne peut être question ici de commettre un banal amphigouri sur une de ces bêtes coquecigrues planant au-dessus d’un hypothétique atoll céruléen autant que spéculaire. Vous vous doutez bien qu’un tel poncif est irrémissiblement hors de propos sur ce blog.

Non: le sujet du jour sera le requin à pointes noires, cénobite tranquille (Non: je ne le ferai pas! Quoique… Les cénobites, ça nous connaît, nous les frangins anachorètes.) des récifs coralliens de Polynésie.

Ah le requin! Ce monstre sanguinaire à la dentition hors norme qui, au pire, fait rien qu’à dévorer les paisibles surfeurs et autres pataugeurs des eaux sinon tranquilles de notre globe, et au mieux fout une trouille d’enfer à l’amateur de salles obscures tremblant tassé au fond de son fauteuil pour la dernière projection de la énième resucée des Dents de la Mer. L’ignoble animal! Qu’on l’éradique des océans! Mais que fait la police?

Ah oui, mais alors il faudrait aussi éliminer les autres tueurs, non? Le requin fait une trentaine de victimes par ans: c’est trente de trop. Le moustique, tenez-vous bien, est la cause directe de plus de deux millions de morts par an. Mais, plus sournois, ce n’est pas un bon sujet de une pour un journal qui cherche le scoop… Tout comme le serpent, avec ses cent mille victimes annuelles.

On ne va pas dresser ici une liste des concurrents du requin pour un record dont on se passerait. Mais même le pataud hippopotame, qui l’aurait pensé, fait passer de vie à trépas deux centaines d’imprudents par an, au bas mot. Et la méduse? Pas de crocs acérés, mais pas loin d’une centaine de cas mortels chaque année. Quant au chauffard inconséquent qui sévit sur nos routes, je préfère ne pas aborder le sujet.

Foin de ces statistiques à qui l’on fait dire ce que l’on veut. Revenons plutôt à notre mouton du jour qui est loin d’en être un…

Le but de cet article n’est pas de vous faire croire que le requin est encore plus doux qu’un bisounours: évitez d’aller caresser un requin tigre si vous en croisez un. Ne vous mettez pas à l’eau si des makos on été signalés: ces bougres foncent gueule ouverte sur tout ce qui bouge, et vérifient a posteriori la comestibilité de la cible!

Non. Mais il existe des squales tout à fait civilisés, en particulier dans des eaux accessibles aux détenteurs de simples masques et tubas. C’est le cas du requin pointe-noire.

C’est LE requin qui vous permet de frimer et de raconter d’un air blasé, lors de vos thés de fin d’après-midi ou d’une réunion Tupperware: « Oui, effectivement ma chère, j’ai eu le rare privilège de nager avec les requins, ces derniers monstres descendant du mégalodon, le tyrannosaure des mers. Ça demande un peu de self-control mais on y arrive. En tout cas, moi, j’y arrive. Vous me connaissez. Mais attention, même si je réalise des exploits héroïques, ça ne fait pas de moi un héro. Non. Enfin… Quoique… ».

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Pointe-noire faisant un duo avec un napoléon.

Le pointe-noire est loin d’être rare dans les récifs. C’est un curieux doublé d’un timide: c’est lui qui vient vous voir, mais pas de trop près.

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À moins que vous n’ayez de la nourriture: dans l’atoll de Fakarava, les pointes-noires rappliquent dès qu’ils entendent le bruit d’une flèche tirée par le harpon d ‘un chasseur. Le challenge pour le chasseur est alors de sortir sa proie de l’eau avant que les requins ne se jettent dessus!

Si vous ne pêchez pas, il se contentera de vous tourner autour, parfois en bande de trois ou quatre. Il est capable de nager dans trente centimètres d’eau: on en voit facilement depuis le rivage, avec leur aileron qui dépasse pour faire comme les grands.

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Pointe-noire photographié depuis le rivage.

Bien que de taille modeste (moins de 1,5m en général), la première rencontre provoque un peu d ‘émotion, car il s’approche vraiment près! Mais on prend vite l’habitude de les admirer: même relativement petits, ils ont tout des grands. Les voir glisser dans l’eau sans effort est un régal. Et après tout, sur une photo, on n’est pas obligé de montrer l’échelle!

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Ne serait-il pas un peu gros, celui-ci?

Les squales forment une grande famille. Le pointe-noire a d’autres cousins dans les lagons, eux aussi relativement civilisés: le requin-citron, encore plus curieux, le requin dormeur qu’on peut voir affalé sur les fonds, le requin gris un peu plus impressionnant, et le requin pointe-blanche, lui aussi un peu plus costaud mais relativement débonnaire.

De nouveau sur l’atoll de Fakarava, il est même possible d’admirer un « mur » de requins, dans la passes sud: jusqu’à 600 ont été comptés, qui nagent à une cinquantaine de mètres de vous! Lors de notre séjour, nous nous sommes contentés d’une cinquantaine… Boris.

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Mur de requins à Fakarava

Nous ne sommes pas certains d’avoir complètement dé-satanisé le requin avec cet article: ce n’était pas le but. Plutôt de comprendre que tous les requins ne sont pas dangereux, et que le danger vient surtout du choix de la zone de baignade, ainsi que de l’attitude du baigneur… Dans les récifs, en particulier polynésiens, il y a très peu de risques.

2 réflexions sur « Le requin à pointes noires »

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