Cette fois, les deux frangins se retrouvent avec leurs cothurnes préférées, MarieJo et Cathy, les djeunnz étant rentrés en métropole frimer avec leur bronzage et contribuer au paiement de nos retraites.
Aussi, comme nous avons deux semaines devant nous avant l’avion de retour pour MarieJo et Cathy, nous en profitons pour nous refaire un petit coup de Tuamotu… La grande classe.
Mais vous, lecteurs, réfléchissez bien: vous n’êtes pas obligés de lire et regarder ce qui suit, à moins d’être atteints d’un masochisme incurable… Parce qu’autant vous le dire tout de suite: ça va être encore mieux que la première fois. Carrément.
Donc, le 3 août, nous quittons une fois de plus la magnifique mais surprenante marina de Papeete pour rejoindre celle nettement plus pratique, mais plus éloignée du centre, de Taina. Il faut refaire le plein de gas-oil et les courses au Carroufe juste à côté.
Le 4 au matin nous sommes prêts pour la traversée d’environ 200 milles qui nous attend pour rejoindre l’atoll de Rangirora au nord-est. La seule qui ne soit, encore une fois, pas prête, est la météo; un vent de sud nous pousse pratiquement vent arrière dans une mer un peu désordonnée. Pas l’allure la plus confortable, avec les risques d’empannage: nous mettons Kousk Eol au largue, et nous tirerons des bords. La route sera plus longue, mais tant pis.
Dans la soirée, un petit coup de mou s’abat sur nos équipières… L’atoll de Tikehau, voisin de Rangiroa, est sur une route plus directe, donc plus courte: ce sera finalement notre destination. D’autant plus que cet atoll est réputé avoir de belles plages, au contraire de Rangiroa. On n’est pas des bœufs.
Au matin, Tikehau est en vue. A quelques milles de la côte, soudain, le barreur sent un souffle puissant dans son dos… Et alors? Et alors? Ben ce sont trois orques les copains… Trois orques qui ne sont visiblement pas là pour jouer, mais plutôt pour décider des critères de comestibilité de Kousk Eol! Un de chaque côté à moins d’un mètre, et le dernier qui suit juste sur l’arrière: ne serait-ce pas une baleine, ce truc noir? Impressionnant!
On démarre le moteur pour lever l’ambiguïté: les orques prennent du recul, nous offrent un spectacle de surf dans la vague, puis s’éloignent majestueusement (je vous l’accorde: ça fait galvaudé, mais c’est vraiment l’image que nous garderons).
Nous ne voudrions pas être à la place des baleines qui élèvent leurs petits dans le coin: c’est très certainement la raison de la présence de ces prédateurs redoutables dans ces eaux.
Ces émotions derrière nous, et la passe Tuheiava, la seule de l’atoll, est devant nous: presque 4 nœuds dans le nez pour la franchir et nous voici dans le lagon de Tikehau. Encore environ 5 milles et nous mouillons devant le village Tuherahera (Y a pas un chanteur qui a fait un air sur « Ah tuhera, tuhera »?) au sud de l’atoll.
Et alors? Et alors? Ben c’est pas fini, les copains: cette fois, c’est toute une bande de raies manta qui tournent autour du bateau…
On vous avait prévenus: si vous êtes sujet à la déprime, quittez ce blog sur l’instant!
Comme on a un peu pitié (Ne vous méprenez pas, ce n’est qu’une tournure de style, une figure de rhétorique: ce n’est pas qu’on n’ait rien à faire de vos états d’âme, mais on a un certain nombre d’autres occupations pour l’heure.), comme on a un peu pitié, disais-je, on ne publiera que les moins bonnes photos. Promis. Hé, hé!
MarieJo et Cathy dans tout ça? Ravies… Mieux que Bora Bora, qu’elles clament! Il faut dire que nous ne sommes que deux bateaux au mouillage, devant une somptueuse plage de sable, dans une eau poissonneuse, avec tous les dégradés possibles du bleu à l’émeraude, encore mieux que sur les cartes postales. Tout ça pour nous tout seuls. Dès notre première plongée, les nonchalants requins pointe-noire nous tournent autour, alors que leurs potes requins-citrons, curieux, viennent carrément regarder de plus près qui nous sommes à nous agiter dans leur eau.
Boris.
Le village est à l’image des villages que nous avons pu voir dans les autres atolls: limité à l’essentiel. Une église et un temple, ainsi qu’une école pour l’essentiel spirituel, deux épiceries, une boulangerie, deux petits snacks et deux hôtels pour l’essentiel matériel, tout ça pour environ 400 habitants… L’atoll est approvisionné une fois par semaine par bateau depuis Papeete.
Profitons-en ici pour rétablir une vérité: ce sont bien les Polynésiens qui ont inventé le paradis.
D’autres ont tenté de copier, mais en nettement moins bien.
8 août. Tant de beauté devait être trop dur à supporter: nous nous retrouvons seuls au mouillage, avec les rémoras qui ont élu domicile sous la coque.
D’ailleurs, c’est tellement beau qu’on décide d’aller voir un peu plus loin, vers un autre motu à l’est du lagon, histoire de vérifier si l’adage « Mieux, ça risque d’être moins bien » est vrai…
L’atoll n’a jamais été sondé, à part le semblant de chenal menant de la passe au village. On attend donc sagement que le soleil soit assez haut pour voir les patates, et on y va. L’atoll semble un peu moins profond que ceux que nous avons visité jusqu’alors: une quinzaine de mètres d’eau.
Raté: nous faisons à peine 3 milles et trouvons un autre mouillage idyllique… On va avoir du mal à boucler le tour dans les temps!
D’autres ne s’y sont pas trompés: un hôtel d’un luxe pas trop tapageur s’est construit sur un motu isolé. Il semble être une destination de choix pour jeunes couples italiens en voyage de noce… Mais on se demande sérieusement s’ils s’amusent vraiment: on a eu droit à une gueule de mauvais jours en leur disant bonjour… Même une murène paraissait plus avenante à côté d’eux!
Lundi 10 août. Le vent est passé carrément à l’est et souffle à 15-20 nœuds. Les GRIB montrent un vent favorable, de secteur est, pour le retour sur Papeete jusqu’à jeudi: il faudra donc songer à retraverser mercredi.
D’ici là, nous allons tester un autre bout de l’atoll, cette fois complètement désert.
Ou presque: nous mouillons devant le motu Eden.
Le motu Eden est la propriété de l’Église du Nouveau Testament, qui a ses origines à Hong-Kong et Taiwan. Une communauté chrétienne d’origine chinoise s’est établie ici pour retrouver les vertus de la nature. Elle a réussi a faire pousser toutes sortes de plantes: laitues, tomates, bananes, patates douces, papayes, vanille, etc. Des plantes que l’on n’a pas l’habitude de trouver dans les Tuamotu.
La production est vendue au village et aux hôtels de l’atoll, et l’excédent, lorsqu’il y en a, est expédié à Papeete.
Une autre source de revenu pour la communauté était la production de perles. Mais la chute du marché fait que depuis quatre à cinq ans les employés sont retournés à Papeete.
En conséquence, seules deux familles, cinq adultes et trois enfants, entretiennent les plantations, et font visiter leur domaine aux touristes de passage.
En retournant vers l’annexe, un jeune fou nous attendait sur le ponton, ayant visiblement reconnu en nous des siens…
Le vent continuant à souffler à plus de vingt nœuds, les velléités de se baigner faiblissent. Qu’à cela ne tienne, nous en profitons pour continuer à nous rincer les yeux…
Mardi 11 août. Les GRIB prévoient des vents de sud-est en fin de semaine: nous devrions avoir de bonnes conditions pour la traversée de retour sur Papeete, à temps pour l’avion de MarieJo et Cathy le 17.
Donc on en profite, encore et encore…
Et nous repartons dans l’après-midi un peu plus vers le nord, où se trouvait l’ancienne « capitale » de l’atoll, détruite par un cyclone en 1906 et abandonnée définitivement au milieu des les années 60.
Là aussi, nous nous retrouvons seuls dans un mouillage de bout du monde, près d’une plage bordée d’une forêt dense de cocotiers.
Mais le paradis se paie: le ciel se couvre, et la nuit est arrosée par de nombreux grains. Ça passera…
En attendant, nous décidons d’aller voir ce village abandonné. Le dinghy est mis à contribution: presque deux milles à longer la côte intérieure de l’atoll, pour tomber sur les premiers baraquements.
Ce sont des ramasseurs de coprah, qui visiblement ne sont pas très intéressés par les ruines…
200m plus loin, l’ancienne scierie, plus en activité depuis que le gouvernement de Polynésie a décrété qu’elle n’était pas rentable: elle produisait les planches en bois de cocotier pour les bungalows des hôtels. Un gendarme à la retraite nous explique où trouver le vieux village: il est ici pour le ramassage du coprah.
Et les deux frangins, qui se la pètent comme vous le savez, jouent les Indiana Jones, surtout qu’ils ont deux Lara Croft pour le prix d’une. Et donc, exploration le long du rivage pour trouver un changement dans la végétation, très dense, pouvant indiquer une ancienne présence humaine.
Parce qu’on ne vous a pas dit: le paradis est aussi très prisé des nonos, sales bébêtes qui prennent leur pied à vous bouffer les mollets et les chevilles…
La nature a repris ses droits: nous tombons sur des ruines d’anciennes habitations, envahies par la verdure. Dans l’une, un pick-up 404 Peugeot est encore dans son box, rouillée, comme si les occupants étaient partis subitement: dans les restes de la maison, une table et des chaises en morceaux…
Nous tombons même sur une vieille tombe, seule sous les cocotiers.
Mais point d’église malgré nos recherches, et le soleil est maintenant très bas: il faut songer à retourner au bateau tant qu’on le voit! Surtout que de gros nuages noirs ont fait leur apparition. Et à la tombée du jour, plein de petites bestioles sortent…
13 août. Aujourd’hui, nous retraversons l’atoll vers le sud pour nous approcher de la passe: le retour sur Papeete est prévu demain.De nouveau, il ne faut pas partir trop tard pour bénéficier d’un bon éclairage afin de repérer les patates: l’atoll n’a pas été cartographié ni sondé…
Finalement, la traversée de l’atoll est tranquille, sous voiles, donnant l’impression de naviguer sur un lac. De temps en temps, un récif affleure, pour nous rappeler qu’il faut rester vigilant. Et en tout début d’après-midi, nous arrivons au village des pêcheurs, Teonai. Nous mouillons sur un corps-mort à côté d’un catamaran: joli mouillage de nouveau.
Nous profitons de l’après-midi pour nager autour d’un récif sur lequel une ferme perlière s’était installée, puis abandonnée après la chute des cours de la perle noire…
Un vrai aquarium: pointes-noires, murènes, nasons, et toujours une foule de poissons multicolores, cette fois de belle taille.
14 août: dernière baignade avant le retour sur Tahiti. Le temps est au beau, mais il n’y a pas un souffle d’air… Nous sommes juste au centre d’une petite bulle anticyclonique qui se déplace vers le nord-ouest: nous devrions récupérer du vent de secteur sud un peu plus loin.
Pour l’instant, calme plat, à peine une légère houle d’un demi-mètre à la sortie de la passe.
Presque dix jours sur l’atoll de Tikehau. Dix jours d’enchantement. De nouveau, les qualificatifs manquent ou paraissent trop convenus pour décrire ce séjour: il faudrait en trouver ou en inventer qui n’ont pas servi à décrire des beautés moins saisissantes pour rendre un réel hommage à la nature;.. Dix jours durant lesquels nous aurons été quasiment seuls, à profiter égoïstement du lagon et de ses motus.
Nous ne regrettons pas la décision de ne pas être allé à Rangiroa…
Boris encore une fois!
Alors, évidemment, il faut une petite compensation à ce trop plein de bonheur: la météo, fidèle à elle-même, nous a concocté une de ses combinaisons dont elle a le secret. Départ par pétole à encéphalogramme plus plat que plat, juste le temps pour MarieJo et Cathy de clamer que finalement les traversées, c’est cool.
Suivi d’un petit zéphyr du sud qui montera jusqu’à 25 nœuds sous les grains, nous obligeant à naviguer au près, donc gîté, dans une mer quelque peu désordonnée…
Mais bon, on est sur Kousk Eol: les pointes au-delà de 8 nœuds ne sont pas rares, et le lendemain à midi, nous sommes à l’ancre à la Pointe Vénus, extrémité nord de l’île de Tahiti. Les baleines patrouillent un peu plus loin à la sortie de la baie…
Dernière petite étape avant de retrouver la marina de Papeete. Fin de l’escapade polynésienne pour MarieJo et Cathy qui reprennent l’avion le 17…
Pour les deux frangins, autre programme: il faut préparer Kousk Eol pour l’hivernage et laisser passer la mauvaise saison. Et accessoirement rentrer en métropole pour la fin de l’année!
Cliquez ici si vous voulez refaire virtuellement le parcours de Tahiti à Tikehau.
AAAaaahhh les plages de sable rose, les fous, les p’tits crabes et les raies… quel rêve, c’est trop top!!! toujours agréable de lire ce blog et regarder les photos.
Bises et bonne continuation
Merci!
Pour les belles photos, le rythme va un peu ralentir: nous sommes entrain de préparer le bateau pour l’hivernage avant de rentrer en métropole pour la fin de l’année.
Il nous faut bien un peu de temps à nous aussi pour digérer tout ce que nous avons vu et vécu!
Bises des deux frangins.
j’y crois pas à cette histoire d’orques, y a même pas de photos…
Ah voila! On a pourtant précisé qu’on ne publierait que les moins bonnes photos pour ne pas augmenter la morosité ambiante.
Et voici qu’un sceptique se permet des remarques septiques…
Bon d’accord: à dire vrai, nous avons, tous les quatre, été tellement impressionnés que la seule photo que nous ayons faite ne montre que de l’eau. Et elle est floue…
Impressionnantes, les orques, je le dis (Eh oui, c’était des femelles)!
Bises.
ah la la, les frangins, quelle fine équipe!!! bon, on va rêver qu’on va boire un coup ensemble avant le 31/12 et on reparlera de tout ça histoire de voir si vous avez la grosse tête. D’ici là vous allez bosser un peu pour l’hivernage… vous vous rappelez de ce vocabulaire « boulot », ça vous dit quelque chose??
et puis à votre retour, le Roland va se charger de parler vélo, montagne, kite etc…
la bise de nous deux.
La grosse tête? On se la pète juste ce qu’il faut…
Quant à « boulot », c’est un vague concept dont on a effectivement entendu parler dans le temps. Un truc dont on n’a pas éprouvé le besoin de se souvenir…
Le bateau est à poste pour l’hivernage, quasi prêt.
A bientôt!