On démarre plutôt bien cette deuxième semaine: un peu plus de 196 milles la veille… Le challenge est maintenant d’établir un nouveau record pour Kousk Eol: vous croyiez que le tour du monde était une croisière, vous?
Un constat d’échec, malgré tout, concernant la vanité de nos activités halieutiques: pas une seule touche en une semaine… Pour nous rassurer, nous mettons ça sur le compte de la vitesse trop élevée de Kousk Eol: au dessus de 8 nœuds, il faudrait une dorade costaude pour accrocher le leurre! On se rassure comme on peut! En attendant, nous continuons à effrayer les exocets qui s’envolent par dizaines à l’étrave.
Notre tablette-PC de navigation fait des siennes: blocages, fonctionnement erratique de la souris, … On soupçonne les effets de l’eau de mer qui entre lors de moments d’inattention par le capot du carré. Capot du reste très mal placé, juste au niveau de la table à carte.
Nous passons donc sur le PC de secours, un petit PC standard que nous avions pré-équipé avec les mêmes logiciels que la tablette.
On verra en arrivant aux Marquises pour un bilan plus définitif.
Ce matin, deux baleines sautent hors de l’eau à environ 400m sous le vent de Kousk Eol: premiers signes de vie, hormis les poissons-volants et quelques rares oiseaux.
Depuis notre départ, il fait beau. Parfois un peu nuageux, avec quelques très rares grains peu actifs. Mais globalement beau, et chaud! L’ombre est rare, et nous avons la peau plutôt halitueuse (Cadeau. Gratuit.)… Quinze nœuds de vent, soutenus, n’arrivent que difficilement à nous rafraîchir, mais nous poussent au petit largue, aidé par un courant qui frise le nœud (Un peu d’attention, s’il vous plaît!) dans la bonne direction.
Et dans la soirée nous prenons une dorade de course et bouclons encore une fois 200 milles en 24h… Ceviche à l’apéro pour fêter ça!
3 mai, 9h30: la mi-parcours (1500 milles) n’est plus qu’à une cinquantaine de milles! En 8 jours: ça pulse! Les grains deviennent progressivement plus actifs: il n’est plus rare de voir le vent monter à 25 ou 30 nœuds quand ils nous passent au-dessus.
16h: ça y est, nous franchissons les 1500 milles, en 8j et 2h! Et aujourd’hui, nous ferons un peu plus de 208 milles…
Par-dessus le marché, Toulon est champion d’Europe de rugby (pour ceux que ça branche…).
Célébrations dans la dignité: petit pomerol de derrière les varangues accompagné d’un cassoulet. Pas de soucis: à trois sur le bateau, nous avons chacun notre cabine!
4 mai: aujourd’hui, il fera gris toute la journée. Mauvais temps pour les panneaux solaire! Et la nuit, nous passerons de grain en grain, avec les sautes de vent associées: jusqu’à 30 nœuds. Rien de méchant, mais nous prenons tout de même 2 ris dans la grand-voile, et roulons un peu le génois pour que le pilote puisse faire son boulot sans trop d’interventions, gage de plus de tranquillité pendant les quarts.
Comme nous sommes au largue, l’allure est relativement tranquille. La journée suivante verra le beau temps revenir, mais sans faiblesse du vent, toujours autour de vingt nœuds. Et les vagues, un peu désordonnées, requièrent de l’attention: trois mètre en moyenne, avec une de temps en temps qui se fait remarquer. Kousk Eol se fait ainsi coucher par une déferlante qu’on n’attendait pas… Et le thé qui se préparait dans la cambuse se trouve répandu un peu partout!
6 mai: au petit matin, nous franchissons les 2000 milles depuis Santa Cruz, en onze jours. Nous devrions ralentir sur la fin: les GRIBs nous annoncent un vent un peu plus faible, autour de 10 nœuds, et venant plus de l’arrière, nous obligeant probablement à tirer des bords de largue.
La coque s’est recouverte d’une jolie couche jaune-vert caca d’oie du plus bel effet sur toutes les parties mouillées au-dessus de la ligne de flottaison. Et nous avions frotté à fond avant de quitter Puerto Ayora… Cette partie au-moins de l’Océan Pacifique doit décidément être très riche en vie animale ou végétale: les contrôles fait aux Galapagos nous apparaissent un peu illusoires, avec tout ce que doit charrier le courant de Humboldt que nous avons suivi de puis un certain ombre de milles!
Nous n’avons jamais connu une telle situation en Atlantique.
Bof: ce sera l’occasion d’un petit carénage dans les eaux des Marquises.
Et toujours pas de voile à l’horizon, ni de cible AIS sur l’écran du PC… Personne ne répond à la VHF. Nous avons l’impression d’avoir cette immense étendue d’eau pour nous seuls.
7 mai: grand beau, mais le vent s’est orienté carrément à l’Est, à 20 nœuds de moyenne. Soit on fait du largue, relativement stable, mais on n’est plus sur la route, soit on tangonne le génois et roule ma poule au vent arrière. C’est cette option qui est retenue: les vagues demandent une attention très soutenue pour ne partir ni au lof ni à l’abattée…
Signe que nous avançons bien: nous ne parlons plus d’arriver « aux Marquises », mais bâtissons des plans, pour mouiller soit à Hiva Oa, si nous arrivons avant le 11, soit à Nuku Hiva d’où Henry reprendra son avion le 20, et où nous attend en principe un comité d’accueil local…
Nous nous relayons à la barre, plein Ouest, route directe vers l’arrivée, à maintenant moins de 800 milles.
Re-Boris…
Depuis que nous sommes partis, le baromètre est plutôt stable, mais montre malgré tout une oscillation de 2 mb d’amplitude pour une période de 12 heures, autour d’environ 1012 mb pour la latitude où nous nous naviguons (entre 2° et 8° S).
La navigation vent arrière dans la houle se confirme inconfortable: le bateau roule d’un bord sur l’autre et il devient difficile de se dormir! Mais nous avançons sur le bon cap, et le pilote fait bien son boulot.
Encore une anomalie dans le branchement électrique: nous découvrons que le dessalinisateur est branché sur la batterie de démarrage du moteur, et non sur les batteries de service… Sur un voilier, la règle est de ne brancher que le démarreur sur la batterie moteur: le moteur est un élément de sécurité et ne peut se permettre d’avoir sa batterie à plat parce qu’utilisée à d’autres tâches. Un autre truc à corriger!
Samedi 9 mai: cette nuit, Kousk Eol est descendu sous les 400 milles restants avant Hiva Oa. Le vent est un peu tombé, mais reste tout de même autour de 15 nœuds. Honte suprême: au lieu des 200 milles/24h auxquels nous pensions nous être durablement abonnés, nous redescendons à 190 milles… Notre estimation est de mouiller lundi soir ou mardi matin.
Ce soir nous en serons à la fin de notre deuxième semaine sur l’eau. Toujours tout seuls sur le vaste océan (musique de circonstance sur la hi-fi du bord)…