De East London à Mossel Bay – 29 novembre-2 décembre 2016

La météo prévoyait un vent faible, et nous avons effectivement un vent très faible pour ce départ d’East London. C’est au moteur que nous démarrons : nous avons bien fait de remplir le réservoir de gas-oil.

Le ciel est couvert, et la mer calme : tout juste cinquante centimètres de houle. Un souffle d’à peine cinq nœuds nous impose de redescendre la grand-voile pour éviter que le gréement ne claque. Nous essayons d’atteindre le courant des Aiguilles pour accélérer un peu. Et ça marche : la vitesse passe progressivement de moins de cinq nœuds à plus de six nœuds en moins d’une heure, toujours par vent quasi-nul. Nous nous prenons à espérer sauter l’étape Port Elizabeth…

Entre temps, Christian, fort de sa précédente prise, nous promet un steak de mahi-mahi pour ce soir.

Mais les conditions changent petit à petit : le vent se lève, une douzaine de nœuds de sud-est. La grand-voile et le génois sont vite mis à poste. Et cette fois nous sommes bien dans le courant : Kousk Eol file entre neuf et dix nœuds : hors de question de ralentir ! Le mahi-mahi vient d’obtenir un répit sans le savoir…

ombrebarreur
Le barreur qui barre plus vite que son ombre : une ombre suffit pour barrer un bateau bien réglé.

Pour la première fois depuis notre départ, nous naviguons avec d’autres voiliers : comme tout le monde est à l’affût du même créneau météo, nous nous retrouvons à une demi-douzaine de bateaux sur une route identique. Des « indépendants » comme nous, mais aussi quelques canots1 de l’ARC.

En fin d’après-midi, le vent tombe et nous devons remettre du moteur, dans une mer qui s’est un peu formée : houle de deux mètres de face, irrégulière. Mais nous continuons à progresser à plus de huit nœuds dans le courant.

Mercredi 30 novembre. Le vent a baissé régulièrement durant la nuit, passant de l’est à l’ouest, et la mer s’est aplatie. Le moteur tourne toujours… Un plancton particulièrement luminescent habite ces eaux : la crête des vagues brille à perte de vue, et le tourbillon de l’hélice se voit sur une bonne vingtaine de mètres à l’arrière. Nous sommes sortis de la zone où le courant des Aiguilles est fort : la vitesse s’en ressent. Les « vagues anormales » sont aussi en principe derrière nous. Ce n’est pas nous qui nous en plaindrons. Port Elizabeth est juste à notre nord, à vingt-cinq milles, et Mossel Bay à cent quatre-vingts à l’ouest : la météo est toujours bonne, donc c’est là que nous irons.

Dans l’eau, devant nous, plusieurs dizaines de dauphins et des milliers de méduses. Des fous du Cap à perte de vue, planant ou se reposant sur la mer.

dauphins1 fous

Le vent reprend du souffle, mais de face : quasi instantanément, les vagues se lèvent. De face, elles aussi, tant qu’à faire. Ce n’est pas notre VMG2 qui va s’améliorer. Décidément, les côtes de l ‘Afrique du Sud ne sont pas une sinécure pour les voiliers. Jamais un instant de répit, et l’analyse des prévisions météo fait ici l’objet d’une attention qui frise le culte obsessionnel.

Dans la soirée, le vent est retombé et il faut remettre le moteur, cette fois sur le bon cap.

Jeudi 1er décembre. Le moteur fait son boulot jusque vers deux heures trente, moment où le vent décide de remettre ça : dix à quinze nœuds de face. Le génois est renvoyé, et nous recommençons à tirer des bords.

leversoleil
Et un lever de soleil, un!

Quatre heures : le vent continue à monter et frise les vingt nœuds. Le premier ris est pris.
Quatre heures quarante-cinq : ben le vent continue à monter, les copains. Le deuxième ris est pris et le génois roulé en partie.
Cinq heures quarante-cinq : cette fois, le vent refuse… Ça tombe bien, car nous nous écartions un peu trop de la route : virement de bord, à moins de vingt degrés du cap voulu. Encore un quart de tout repos… Mais on ne va pas se plaindre, par pure décence. Mossel Bay est encore à un peu plus de quatre-vingts milles.

aupres

Mossel Bay devrait être notre dernier mouillage dans l’océan Indien, avant de passer le cap des Aiguilles (Cape Agulhas) qui nous fera basculer à nouveau dans l’océan Atlantique. C’est paraît-il un repaire à grands requins blancs, qui viennent se repaître d’otaries qui ont colonisé un petit ilot non loin de la plage. Nous, courageusement, avons décidé de ne pas prendre masques et tubas cette fois… C’est ici que Bartolomeu Diaz a débarqué pour la première fois en Afrique du Sud après avoir franchi le cap des Aiguilles en 1488, excusez du peu. Sans GPS ni météo. Bon d’accord, mais avait-il rempli un flight plan, lui?

barreur

Quinze heures quarante. Une otarie nous regarde passer, débonnaire… Nous sommes à un peu moins de quarante milles de Mossel Bay, et enfin, le vent pousse dans la bonne direction. La mer s’est calmée et il fait grand beau. Nous devrions arriver en début de nuit.

dauphins2

Dix-neuf heures. Ah ben non. On est dans l’océan Indien, où rien ne se passe comme prévu : le vent retombe… Encore une petite vingtaine de milles que nous terminerons au moteur : nous devrions être au mouillage vers vingt-trois heures.

Vingt-trois heures trente : l’ancre est mouillée dans six mètres sur fond de sable, dans la petite baie de Munro, à côté du port de Mussel Bay, avec nos éphémères compagnons de route. La nuit est noire, sans lune : on y verra plus clair demain matin.

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1– Que du beau monde, qui restent entre eux pour la plupart. C’est vrai qu’avec moins de quatorze mètres, nous faisons un peu minables…

2– J’ai pas déjà expliqué le compromis cap-vitesse, des fois ? Il fallait suivre. Non mais !

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