Tarragone, suite et fin.

Petit tour dans la ville de Tarragone dimanche après-midi : il ne fait pas très chaud et même la rambla est quelque peu déserte… Nous nous réfugions dans le Quattros pour goûter la production locale de cervezas, avant de retourner au bateau où un programme chargé nous attend : prendre les GRIBs et l’apéro, et faire à manger.

La Hinano locale…
Ils sont fous ces Ibères!
Touristes perdus dans Tarragone…

Notre fenêtre météo se maintient comme prévu : en partant demain matin, nous devrions avoir du vent fort (30 à 35 nœuds, avec rafales à plus de 40 nœuds) jusqu’au petit Cabo Tortosa, à une trentaine de milles au sud-ouest de Tarragone, avec un temps plus clément par la suite. Et qui devrait nous permettre d’enchaîner sur Almeria à 330 milles au sud si tout va bien.

Lundi 11 novembre 2019 : lever à 7 heures pour un départ à 8 heures. Bizarre : très peu de vent dans le port… Mais les GRIBs sont corrects : nous n’avons pas à attendre longtemps avant que le zéphyr ne monte comme prévu . Nous nous retrouvons rapidement avec la trinquette et trois ris dans la grand-voile, sur une mer un peu forte… Vive la Méditerranée! Seule amélioration par rapport aux jours précédents, le vent est légèrement moins froid.

Trois ris dans la grand-voile et la trinquette…

Le Cabo Tortosa est avalé relativement vite, à neuf nœuds de moyenne, et des pointes à presque onze nœuds. Et comme prévu, la brise redevient progressivement civilisée, permettant le renvoi du génois, puis de la grand-voile. La journée s’écoule sous le soleil, relativement tranquillement. Pour la nuit, les quarts passent à deux heures chacun, dans l’ordre alphabétique des prénoms. Et on démarre à 21 heures.

Par souci de tranquillité, nous décidons de prendre un ris de confort pour la nuit. Et puis non, tiens : deux ris. Mais évidemment, c’est à ce moment que le vent fraîchit soudainement : l’exercice se terminera par trois ris et la trinquette, configuration qui nous mènera jusqu’au matin.

La lune nous accompagne…

Bonne décision : le vent se maintient en première partie de nuit, et Kousk Eol fait des pointes à plus de dix nœuds, dans une mer qui se forme petit à petit et devient pénible. Nous redécouvrons les joies du brassage-essorage, ponctués par les bulletins spéciaux à la VHF pour prévenir de ne pas aller dans le golfe du Lion, ni aux Baléares… Heureusement, c’est maintenant derrière nous.

Pourquoi elle fume, la mer?

Vers 7 heures, nous passons le cap de la Nao, juste en face d’Ibiza, et prenons une route nous menant enfin vraiment à l’ouest. Du coup, Yan et François nous promettent des sashimis pour midi : les deux cannes à pêche sont installées, après discussion sur les mérites comparés des rapallas et des calmars en plastique bariolé, alors que nous passons au sud de Benidorm et ses barres d’immeubles.

Dernière minute. Une éphémère connexion au réseau GSM en passant près de la côte nous permet une mise à jour des prévisions météo. Et nous comprenons l’origine de nos malheurs : un médicane… Vous connaissez, vous, les médicanes ? Les mediterranean-hurricanes, formations similaires aux ouragans qui dévastent régulièrement les Antilles, heureusement à l’échelle de la Méditerranée. Bernardo, positionnée sur les côtes algériennes, crée un flux puissant (jusqu’à 100 km/h) déboulant du Golfe du Lion vers le sud via les Baléares. On comprend mieux, après coup, nos petits soucis pour éviter de trop nous faire secouer…

Et les sashimis, alors ? Il ne faudrait tout de même pas que Bernardo nous fassent oublier les agapes halieutiques promises. Mais pour le repas de midi nous devrons finalement nous contenter d’un (excellent !) taboulé façon Kousk Eol concocté par Yan. Qui ne nous empêche pas de chambrer les apprentis pêcheurs un peu présomptueux : « Vous verrez ce soir ! » qu’ils disent…

Bon : on va lui laisser une deuxième chance… 

En attendant, Bernardo ou pas, le vent est tombé sur cette partie de la côte, et c’est Volvo qui s’y colle pour nous rapprocher d’Almeria, notre prochaine étape.

Marin en pleine manœuvre sur le pont.
Et comme les manœuvres sont compliquées, il faut du renfort…

Vous vous en doutez : ça ne dure pas. La fin de la journée et la nuit seront une suite de jonglerie entre ris pris et relâchés, et coups de moteur. Même avec nos trois ris et la trinquette, Kousk Eol mouille allègrement et régulièrement son liston et ses équipiers.

Mercredi 13 novembre. Impossible de prendre un petit déjeuner digne de ce nom : la gîte et les vagues rendent toute tentative d’étaler la confiture de fraise sur les tartines aussi difficile que d’essayer de verser l’eau chaude dans les mugs sans en verser la moitié à côté.

Même le four s’y met : fatigué de se balancer de tribord à bâbord1, il rompt son axe sans prévenir… Une réparation de plus pour le prochain port, en plus du hublot de pont avant qui n’empêche que mollement l’eau d’entrer et d’arroser les pauvres occupants de la cabine.

Il en pencherait pas un peu, Kousk Eol?

Pour varier les plaisirs, un poisson mord à la ligne, qui casse, et un groupe de dauphins vient faire une démonstration à l’étrave de Kousk Eol. Almeria est encore à presque 70 milles : ce sera dur d’y arriver avant la nuit.

Le vent trop fort ? La mer démontée ? Allez savoir : une vague de suicides semble sévir chez les thonidés : une jolie bonite d’un à deux kilos se fait prendre juste avant midi. Finalement, nous les aurons, nos sashimis ! Délicieux soit dit en passant : nous allons finir addicts d’une orthorexie kouskeolienne difficile à reproduire sur terre… Le mystère sur la raison de la présence de wasabi à bord est enfin levé.

Pô pire pour une première…

A peine la dernière bouchée avalée que le frein de l’autre canne se met lui aussi à siffler : cette fois c’est un joli thon de trois à quatre kilos qui servira de base au repas de ce soir…

Directement de l’hameçon au consommateur.

Entre temps, le moteur a de nouveau pris le relai : si tout va bien nous devrions arriver à Almeria vers 21 heures, juste avant un fort flux d’ouest.

Et comme Kousk Eol ne peut faire moins bien que la SNCF, nous arrivons, un peu secoués, à 21 heures 20 à notre place dans le petit port du Club de Mar d’Almeria, légèrement fourbus, et affamés.

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1 Ça fait quand même plus classe que le banal « de droite à gauche », non ?

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