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Navigation dans les Tuamotu

Nous sommes loin d’être les experts des atolls des Tuamotu, mais comme nous allions leur rendre visite, et qu’on entendait toutes sortes d’histoires sur la difficulté d’emprunter les passes permettant d’entrer dans les lagons, il a bien fallu se documenter… Et tester!

Généralités

Petit rappel géographique: l’archipel des Tuamotu fait partie de la Polynésie Française, s’étend sur environ 1800 km par 600 km, et comprend 77 atolls, entre 14° et 24° Sud, à l’Est de Tahiti. C’est la plus grosse concentration d’atolls au monde.

Les atolls sont formés par la barrière de corail qui s’est développé autour d’îles volcaniques, qui elles se sont progressivement enfoncées, ne laissant alors plus que la barrière et une mer intérieure, le lagon, plus ou moins étendue. L’atoll le plus grand, Rangiroa, mesure 80 km sur 32 km (plus grand que le lagon du Léman), et plus de 2000 personnes y habitent. Quatre ou cinq atolls sont habités en permanence, d’autres seulement au moment du ramassage du coprah. La plupart sont déserts.

Les Îles de la Société (dont Tahiti) et les Îles Gambier sont toutes des atolls avec l’île centrale toujours émergée. Au contraire, aucune des Marquises, plus récentes, n’a développé d’atoll.

Les atolls des Tuamotu, comme beaucoup d’autres atolls, ne dépassent pas beaucoup au-dessus du niveau de la mer. Quelques mètres très souvent, ce qui fait qu’on ne les voit qu’au dernier moment en arrivant du large: les Tuamotu étaient d’ailleurs connues comme les Îles Dangereuses avant l’arrivée du GPS. Et de nombreux bateaux en ont fait l’amère expérience en allant se briser sur la côte.

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L’extérieur de la barrière

La partie de la barrière de corail donnant sur le large plonge vers le fond, très rapidement à plus de mille mètres, vers le plateau supportant l’archipel. Ce sont les fameux « tombants ». C’est là que se développe le nouveau corail qui forme l’atoll. De ce fait, il est en général impossible de trouver un mouillage à l’extérieur de l’atoll: la côte descend trop vite, et est très exposée.

L’intérieur forme le lagon, une mer peu profonde (quelques dizaines de mètres). La formation de coraux se limite à quelques bancs et pinacles ou « patates » qui parsèment les fonds, et affleurent parfois la surface.

L’accès au lagon se fait par des passes, plus ou moins larges et profondes. A cause du courant dans celles-ci, les coraux ne s’y développent pas.

La partie émergée de l’atoll n’est pas continue, mais formée d’îlots, les motus, où poussent les cocotiers et quelques autres rares plantes.

Motu
Motu

Les cocotiers ont été introduits par les premiers missionnaires, au 19e siècle.

On ne vous refait pas le coup des motus qui laissent bouche cousue? Non.
Entre les motus, en plus des passes, de nombreux canaux, les hoas, irriguent l’atoll.

Hoa
Hoa

Même si le marnage est faible (moins d’un mètre), la surface que représentent ces mers intérieures est telle que les volumes d’eau en mouvement provoquent un courant dans ces passes qui peut être redoutable: huit ou dix nœuds ne sont pas rares! A mi-marée, certaines passes rendraient jaloux les rapides de nos rivières de montagne!

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Un autre hoa

Phénomène intéressant, il n’y a pas symétrie entre marée descendante et marée montante dans les atolls: le courant de jusant est en général beaucoup plus violent que le courant de flot. On peut constater des différences du simple au double, voire au quadruple (par exemple 3-4 nœuds entrant pour 10-12 nœuds sortant). En effet, sous l’effet du vent, l’eau est continuellement poussée vers l’intérieur du lagon, via les hoas, créant le phénomène d’ « ensachage » (« Bagging » en anglais), et s’ajoute au courant de marée descendante dans les passes.

Selon l’orientation des passes, un mascaret peut se former, ainsi que des vagues très dures dès que le courant s’oppose au vent ou à la houle, rendant les passes dangereuses aux bateaux.

Navigation dans les passes

Donc, on est bien d’accord, les passes ne s’empruntent pas n’importe quand, ni n’importe comment…

Pour limiter l’effet des courants, il faut se présenter devant la passe au moment de l’étale, qui est plus ou moins courte selon la configuration de l’atoll, et bénéficier une marée montante pour entrer, descendante pour sortir. Évidemment.

Les marées sont de type semi-diurne: deux cycles par jour, se décalant d’environ 45 minutes d’un jour sur l’autre.
Et rappelez-vous que plus le lagon est étendu et la passe étroite, et plus le courant sera fort! Et toujours plus fort en sortant qu’en entrant.

A bord de Kousk Eol, nous avons trois sources d’information pour les marées:

– les cartes Navionics sur une tablette, qui comprennent une table intégrée;
– le logiciel (gratuit) « Marées dans le monde »;
– une table téléchargeable gratuitement depuis le site du NOAA (le même qui fournit les GRIBs), au format PDF.

Ensuite, il faut observer… Puis y aller, et faire confiance à son moteur!

Il n’y a en général pas d’obstacles dans les passes: le courant est trop fort pour que le corail puisse se développer. Les passes sont généralement bien cartographiées, avec les dangers fixes bien indiqués. Dans les atolls habités, les passes sont même balisées.

PasseTahanea
La passe de Tahanea

La principale difficulté pour la navigation sera de se présenter au bon moment.
Pour sortir du lagon, c’est en général simple: on attend au mouillage le moment propice.
Pour entrer, il aura fallu calculer son heure d’arrivée en fonction de sa navigation, quitte à ralentir pour se présenter dans les meilleures conditions.

Il faudra se rappeler que le courant contre le vent, et la houle qui en résulte, peut lever de redoutables vagues. C’est souvent le cas à marée descendante, dans les passes orientées selon les vents dominants (par exemple au sud ou sud-est pendant la période des alizés), où une barrière infranchissable peut se former à l’entée de la passe.

Et comme toujours, il faudra savoir renoncer et éventuellement choisir un autre objectif si ces conditions paraissent trop risquées.

Navigation dans les lagons

Une fois la passe franchie, et le lagon atteint, la houle a disparu: le mouillage n’est plus très loin!
Pourtant, ce n’est pas encore le moment de relâcher l’attention…

Les lagons ne sont pas très profonds en général, et on navigue souvent dans 15 à 25 mètres, avec un fond de sable… Et les fameuses patates, ces pinacles de corail. Les cayes, aux Antilles.

L’eau des lagons est très pure: les fonds se voient donc très bien. Et les couleurs semblent irréelles, du vert clair -quand le fond n’est pas loin- au bleu intense -quand il y a plus de profondeur-: toutes les nuances sont disponibles. Pourvu qu’il y ait du soleil, et qu’il ne soit pas de face. Conditions importantes pour éviter ces patates, plus ou moins hautes, et indétectables au sondeur classique, car isolées et verticales.
Rien de tel que de bons yeux, et éventuellement des lunettes polarisantes. Et que leur propriétaire se trouve à l’avant, comme vigie! On apprend vite à identifier les différences de couleur. Bleu intense: il y a de l’eau sous la quille. Bleu plus pâle, allant sur le vert: les fonds remontent. Quand ça vire au marron-jaune, danger! Le corail n’est plus loin de la surface…

Recif
Un récif affleurant, dans le chenal

La recommandation de base est de ne naviguer à l’intérieur des lagons qu’entre 9h et 15h par jour de soleil. Une règle (ou une loi?) veut qu’il soit interdit de naviguer de nuit, même dans les zones bien cartographiées ou balisées. Les cartes préviennent: les sondes indiquées ne sont pas des garanties à 100%, et toutes les patates ne sont pas indiquées.

Autre danger: les fermes à huître perlière: il y en a un peu partout, même dans certains chenaux intérieurs. Elles ne sont pas toutes répertoriées, et pas toujours bien visibles… En général, on ne voit que quelques bouées sphériques noires ou rouges, au ras de l’eau.
Parce que, la spécialité des Tuamotu, c’est la perle noire. Et c’est bien parce que c’est vous, on n’en parlera pas à vos femmes/maîtresses/amies/cousines bretonnes/secrétaires/…

Mouillage dans les lagons

Les fonds de sable garantissent une bonne accroche de l’ancre. Le risque principal est d’enrouler sa chaîne autour des petites patates inévitables qui tapissent souvent le fond, en cas de saute de vent. Un orin sur l’ancre peut aider, mais n’est pas forcément toujours suffisant. Heureusement, l’eau est chaude pour plonger! En général, on s’en sort sans se mouiller en suivant au moteur, doucement, le trajet de la chaîne et en la remontant au fur et à mesure.

Patates
Mouillage avec ses patates

Nous avons même vu des bateaux s’amarrer sur une patate en enroulant une aussière autour.

Évidemment, il faut penser à l’évitage et s’assurer qu’il n’y a pas un récif ou des patates affleurant dans le rayon de la chaîne!

Selon la taille du lagon et la direction du vent, le fetch peut être suffisant pour former des vagues plus ou moins dures: il faudra tenir compte de la météo pour trouver un mouillage abrité, par exemple sous le vent d’un motu.

Donc pour résumer: naviguer dans les atolls est un immense plaisir. Quelques règles finalement simples à suivre, et quel bonheur!
Sinon, ce serait trop facile: il paraîtrait que le paradis, ça se mérite. Encore un truc de judéo-chrétien…

Traversée Fakarava-Tahiti

Donc, le 23 juin, nous quittons finalement l’atoll de Fakarava qui nous aura enchanté. Nous serions bien restés encore un peu plus…
Mais il faut songer à ne pas être trop loin lorsque l’avion de MarieJo, Raph et Laura se posera, le 28 vers 5h du matin à Papeete…

Après une tentative de départ un peu ratée pour cause de mauvais temps, le 23 les conditions sont largement plus clémentes. Nous sortons par la passe Tumakohua, au sud, au moment de l’étale à marée basse: pas une vague, et même la houle se tient tranquille.

La traversée n’est pas trop longue: 250 milles. Mais nous ne bénéficions plus du régime des alizés: le vent vient même de l’ouest, dans le nez, et est très variable. Du coup, nous jonglons entre voile et moteur… Heureusement, la mer est calme: une longue houle, enfin, de deux mètres nous berce au rythme des îles.

Et le 25 dans la nuit nous voyons les lumières de Tahiti: pas la traversée la plus rapide que nous ayons à notre actif, mais très tranquille. Ça nous va très bien: les frangins qu’on pensait costauds nous ont un petit coup de calamine… Jambe infectée et fièvre pour l’un et gros maux de tête pour l’autre. Pas exactement ce que l’on pourrait qualifier d’équipage vaillant!

Nous recevons un SMS de Cathy: Laurent Bourgnon est porté disparu après une plongée dans l’atoll Toau, juste au Nord de Fakarava. Quelques jours avant, il était venu mouiller avec son bateau à côté de nous…

Vers 10h nous franchissons la passe de Papeete, large et bien balisée. Nous laissons le port de commerce au Nord, pour descendre vers l’aéroport: environ 5 milles de chenal entre la piste et les coraux affleurants, et à midi nous sommes à poste au quai dans la marina Taina. Il y a bien longtemps que ça ne nous était pas arrivé de pouvoir descendre du bateau sans utiliser l’annexe, d’avoir la possibilité de prendre une vraie douche!

Et la marina Taina est juste à côté de Carrefour: nous allons vite retrouver nos repères!

« Ua topa te mahana » dans l’atoll de Fakarava – 11-22 juin 2015

Bon vent depuis la sortie de la passe de Tahanea, en fin d’après-midi: 80 milles pour Fakarava, il va encore falloir freiner Kousk Eol si on veut arriver au point du jour, et pas de nuit!

CoucherSolei-Tahanea
Coucher de soleil sur Tahanea, en partant…

Et effectivement, sous grand-voile et génois, nous filons à plus de 8,5 nœuds… Par mesure conservatoire, nous prenons un ris pour la nuit. Ça ne suffit pas. Le génois est roulé aux deux tiers. On file toujours à plus de 6 nœuds…
Allez: 2e ris, et enfin la vitesse daigne descendre autour de 5,5 nœuds. Et nous arriverons comme prévu avec le soleil devant la passe Garuae, au nord de l’atoll de Fakarava: la passe est très large (1,5 km) et comme nous sommes à l’étale, l’eau est plate et il n’y a pas de courant.
Piece of cake…

Clignotant à gauche dès la passe franchie, pour rejoindre le village de Rotoava, « capitale » de l’atoll, à un peu plus de 5 milles: une petite heure au moteur, tranquille car le chenal est bien balisé.

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L’atoll de Fakarava

Nous mouillons vers 7h30 ce 11 juin, au milieu d’une petite douzaine d’autres voiliers, juste devant le village: comme à Tahanea, l’eau est très claire, les fonds de sable avec quelques patates.

MouillageRotoava
Mouillage devant Rotoava, avec patates.

Nous avons la surprise de retrouver ici le « SY (Sailing Yacht) M5 », le super-sloop de 78 m que nous avions déjà rencontré à Fatu Hiva. Bateau de tous les superlatifs: plus grand sloop du monde, mât de 88 m, plus grand génois sur un voilier, etc. A bord ne se trouve que le personnel qui s’occupe du bateau, soit 15 personnes, pour environ 12 passagers, dont le propriétaire, qui doivent être embarqués à Papeete.
Ils ne font pas des courses dans les petits magasins des îles: ils les dévalisent… Tant pis pour les suivants! C »est un autre monde…

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Le « Sailing Yacht M5 » au mouillage.

Alors que nous savourons notre café du matin, ça toque contre la coque: ce n’est qu’Aldric, qui vient proposer les services de sa petite entreprise, « Fakarava Yacht Services », debout sur sa planche.
Internet gratuit et laverie: nous passerons dans la matinée!

Nous lui louons deux vélos: il y a une route sur Fakarava, construite par M. Flosse pour son copain Chirac, au moment des derniers essais nucléaires à Mururoa. Essais qui ont laissé un souvenir tellement impérissable chez les Puamotu, sur le peu de cas que faisait la métropole de leur région.
Parce que Flosse, il savait faire les choses quand il invitait: large route de 15 km en goudron, au bout de laquelle une résidence dite « présidentielle » a été bâtie, tant qu’à faire. Et pour montrer que les gens qui prétendaient que l’argent du gouvernement était détourné, une marina a même été construite dans l’urgence, inutilisable car n’offrant aucune protection contre les vents vraiment dangereux…
Bien sûr, pour couronner le tout, Chirac n’est jamais venu…

Voici le genre de belle histoire qu’on entend de façon assez récurrente ici. Avec une question elle aussi récurrente:  « C’est aussi comme ça dans la métropole? ». Allez savoir… Comment il disait, Tex Avery? « Hello, happy tax-payers! »?

Et donc, nous partons avec nos vélos à une vitesse et frein à rétropédalage franchir les redoutables cols des motus de Fakarava (au moins trois mètres): 15 km sous le cagnard, ça n’a l’air de rien, mais ça chauffe! Au bout de la route, un phare, jamais terminé… Pas de commentaires!

PhareFakarava
Phare de Fakarava, jamais terminé…

En 30 km, aller + retour, nous croiserons ou nous ferons doubler par au moins quatre voitures. Vous aurez compris, sans qu’on ait besoin de vous faire un dessin, l’importance économique de cette voie.
Alors qu’il n’y a pas d’eau courante, qu’il faudrait investir pour améliorer la centrale électrique au fuel, que Fakarava dépend des livraisons de Papeete, même pour ce qui pourrait être produit sur place (œufs, poissons, …). Politiques tous pourris? Meu non, loin de moi une telle idée!

Allons, allons, c’est pas bon pour la tension, ce genre d’histoire! Il vaut mieux profiter de la vue: si Dieu a eu un peu d’imagination, c’est sans doute en copiant sur Fakarava qu’il a fait le paradis.

Le village de Rotoava est bordé à l’est, à une centaine de mètres, par les récifs qui donnent sur le large, et à l’ouest par une petite plage plongeant dans le lagon.

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La côte Est de l’atoll.

Les requins dormeurs et autres pointes-noires passent nonchalamment le long du rivage, dans 50 cm d’une eau cristalline, suivi par une ou deux raies, au milieu de quelques patates coralliennes: ce n’est pas notre curiosité qui semble les gêner.
Nous découvrons même que des rémoras ont élu domicile sous la coque de Kousk Eol: vague ressemblance avec un grand squale? On le savait bien, nous, que notre bateau était très racé…

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remoras3 Rémoras sous la coque.

 

Samedi 13 Juin
On avait commandé la veille au soir des croissants et des baguettes à la boulangerie: hop, à 6h15 dans l’annexe pour les récupérer, car au bout d’une heure la boulangerie est dévalisée. La France a su profondément imprimer sa culture: le pain fait désormais partie de la nourriture de base des Puamotus!

A 9h30, nous levons l’ancre vers le sud de l’atoll, avec « Blade Runner », un catamaran sud-africain, et « Tinkerbell », un First 45 hollandais.
Le vent souffle fort: 25 à 30 nœuds de sud-est: pas vraiment l’idéal pour faire de la voile dans un chenal de moins de 200 m de large, où il faut quand même garder un œil sur les possibles patates… Au bout d’une douzaine de milles, sous trinquette et un peu de moteur, nous décidons de mouiller pour voir si les conditions évolueront favorablement d’ici demain. Pas sûr, d’après les GRIBs. Mais le mouillage est sympa. Et nous n’avons pas de train à prendre, tout compte fait.

En face du mouillage, deux ou trois « chalets »: un couple de Tahitiens nous accueillent. Ils gardent ce qui devrait être bientôt une résidence pour touristes: accueil très chaleureux, bière très fraîche. La belle vie , koâ!

La soirée se termine à bord de Kousk Eol, avec nos nouveaux copains Australiens et Hollandais: apéro dégénérant en repas improvisé. Purée et œufs au plat: le summum de la gastronomie gauloise.

Et le lendemain, nous continuons notre petite route vers le sud de Fakarava: toujours vent dans le nez avec des rafales à 35 nœuds et ce foutu chenal à suivre. Nous comprenons vite que la recommandation de naviguer entre 9h et 15h n’est pas que pour faire beau dans le paysage: plusieurs récifs affleurants ne sont pas marqués sur les cartes, mais sont visibles sous le soleil. Et certaines balises ont été emportées. Nous arrivons en début d’après-midi vers la passe Tumakohua, au Sud de l’atoll, à côté de l’ancienne capitale, Tetamanu. Le mouillage côté Ouest et magnifique! Un vrai paysage de carte postale.

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Petits motus qui laissent bouche cousue…

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Ce soir, c’est sur « Blade Runner », le catamaran australien, de Robbie et Nev, que nous sommes conviés, avec « Tinkerbell », et Enki, Jan et leurs filles Luna et Mikka: un vrai appartement sur eau. Carré gigantesque où rien ne bouge: verres à pied pour le vin! Autre façon de faire de la voile, mais ils ont un peu souffert plus tôt avec le vent dans le nez et la mer courte et dure…

Le vent continue à souffler entre 15 et 20 nœuds. Donc? Ben il sort son kite-surf, le DD. Cette fois les conditions sont bien plus favorables qu’à Tahanea. Et nous avons droit à une démonstration: bords sur le lagon, avec toutes ses couleurs allant du vert émeraude au bleu intense.

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L’eau est tellement claire qu’on voit les poissons sans plonger… Et les murènes venir jusqu’au bord pour attraper les crabes.

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Murène à l’affut dans son trou.

La passe Tumakohua est aussi réputée pour abriter une importante population de squales, et pour offrir un véritable mur de requins: jusqu’à 600 y ont été observés, une des plus fortes concentrations de requins au monde.
Nous ne sommes pas les seuls à vouloir venir vérifier: une vingtaine de voiliers est au mouillage, dont beaucoup d’Américains voyageant en une espèce de convoi, Paddlejump. Ils doivent tous se rejoindre à Moorea le 19 juin pour un rassemblement.

Avant de nous mettre à l’eau avec masque, tuba et palmes, l’ambiance est donnée: dans moins d’un mètre d’une eau très pure, nous voyons déjà plusieurs pointes-noires et quelques napoléons.

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Un pointe-noire sous la surface.
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Et un napoléon.

La passe est un véritable aquarium: poissons multicolores dans les coraux du bord. Puis l’eau devient de plus en plus bleue et sombre dès que l’on s’éloigne: les fonds descendent vite, jusqu’à plus de vingt mètre au milieu de la passe. Quelques requins dormeurs se prélassent sur le fond de sable. Le courant nous emporte, et tout d’un coup, plusieurs dizaines de requins gris nagent paresseusement à quelques mètres, nous ignorant superbement. Nous n’en aurons pas vu 600 cette fois, mais ne jouons pas les blasés: c’était impressionnant!

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Mérou.
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Pointe-noire et napoléon.
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Les mêmes, encore.
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Encore un mérou.

PointeNoie-Fakarava2 PointeNoie-Fakarava3 PointeNoie-Fakarava5 Poissons-Fakarava2 Poissons-Fakarava3 Poissons-Fakarava4 Poissons-Fakarava5

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Le « mur ».
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Le « mur » encore…

Le Club Med ne s’est pas encore installé ici, mais apparemment le bouche-à-oreilles marche bien: c’est semble-t-il « LE » spot de plongée des Tuamotu. Quelques bungalows sur pilotis récents commencent à accueillir les touristes: le restaurant, sur pilotis au-dessus de l’eau, permet de voir les requins tout en buvant une bière…

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Bungalows pieds dans l’eau. Et quelle eau!

Nous sommes arrivés ici un peu par hasard, mais du coup décidons d’y rester quelques jours pour profiter de cet endroit magnifique.

Tetamanu est l’ancienne capitale des Tuamotu, maintenant pratiquement abandonnée: seule une demi-douzaine de personnes habite toujours ici, avec le tourisme comme principale ressource. Les gens viennent du monde entier pour le plaisir de plonger dans la passe. Une équipe de la BBC est même en train d’y tourner un documentaire.

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L’église de Tetamanu.
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Les ruines…

17 juin: la plupart des voiliers, surtout américains, sont partis pour Moorea, pour le fameux rassemblement Puddle Jump. Nous nous retrouvons à une demi-douzaine de bateaux au mouillage. Le temps est maussade: gros nuages de pluie, avec rafales de vent toute la journée. Il ne fait pas toujours que beau en Polynésie!

Mais le lendemain, le vent est un peu tombé et le soleil revenu: re-plongée dans la passe. Cette fois, nous nous laissons porter par le courant entrant, en tirant l’annexe avec nous. Et de nouveau, les requins nous entourent, nonchalants, au milieu des poissons colorés…

19 juin: le vent est passé pratiquement au nord. Du coup, le fetch fait qu’il y a de la houle dans le lagon… Ça devrait être un bon jour pour le kite.

Mais pas longtemps: une survente et l’aile pique vers l’eau… et explose. Plus de kite pour aujourd’hui et plus longtemps probablement: la réparation n’a pas l’air simple.

Heureusement, le vent tombe: la déception sera moins difficile à avaler. Adrien et Ariel, deux Français, dans le coin depuis l’an dernier, proposent de retourner plonger dans la passe: aller jusqu’à la sortie et entrer dans le lagon avec le courant de la marée montante. Fabuleux! Requins, thons, barracudas, « you name it » comme diraient nos cousins des USA.
En parlant d’eux, d’ailleurs: « Wavelength », que nous avions rencontré dans la baie de Hanamoenoa (rappelez-vous: les raies manta aux Marquises), viennent d’arriver. Nous fêtons les retrouvailles sur Kousk Eol…

Et la nuit n’est pas finie: les conditions sont bonnes pour les langoustes! Une expédition nocturne le long du tombant extérieur de l’atoll est rapidement montée: les langoustes sortent la nuit, dans très peu d’eau, et se ramassent à la main, avec une lampe-torche!

21 juin: petit coup d’Iridium pour récupérer des GRIBs récents. La météo est perturbée: le vent tombe puis devrait tourner au sud-ouest dans les prochains jours. Pas bon pour aller vers Papeete, justement dans le sud-ouest… On partira donc sans doute demain à l’étale, en milieu de journée, avant que le vent ne change trop.

En attendant, il faut manger la pêche de la nuit dernière: barbecue de langoustes sur le motu d’à côté pour midi et demi!

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Nous rencontrons sur le motu Fred, le patron du parc, qui est aussi tour opérateur et emmène des touristes visiter le lagon. Il raconte son approche de la protection du parc, sous les auspices de l’UNESCO: plutôt que d’interdire le mouillage aux voiliers de passages, diverses zones ont été définies: zone d’exclusion totale, zone « sous contrôle », zone où la pêche est autorisée uniquement pour les besoins locaux. Et ces zones peuvent tourner en fonction des besoins ou contraintes. « Ce sont les gros yachts des riches qui polluent vraiment: eux, il faut les marquer à la culotte! ».
Il nous conseille sur la préparation du feu, et sans chichi va nous pêcher deux poissons pour diversifier le repas!

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Fred.

Les requins aussi ont senti la bonne affaire: ils patrouillent dans trente centimètres d’eau à dix mètres du bord devant le motu, en espérant quelques reliefs…

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Requins attirés par le pique-nique.
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Vraiment attirés…

 

Lundi 22 juin 2015: nous partirons vers Papeete autour de midi, juste avant l’étale de basse mer.
Nous serons finalement restés presque 10 jours sur Fakarava… Il faut dire que l’atoll a des arguments pour fidéliser ses visiteurs! Et plutôt que de nous disperser, nous avons privilégié deux ou trois mouillages de rêve: eau cristalline, myriades de poissons tous plus beaux les uns que les autres, motus de cartes postales, équipages des autres voiliers au mouillage sympas, plongée, marche, pêche à la langouste, mur de requins, etc.

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Après la pluie, le soleil…

Nous raterons la reproduction des mérous, dans une dizaine de jours: événement attendu, car rameutant tous les prédateurs du coin, des plus petits aux plus gros (qui font moins de détail).

Pourquoi aller chercher ailleurs? Peut-être dans une autre vie?

14h: le ciel s’est complètement couvert depuis deux ou trois heures. La pluie tombe, drue. Et le tonnerre gronde. En plus, on n’y voit rien: nous attendrons jusqu’à demain pour tenter une sortie…
Effectivement, le temps se dégage dans la nuit, et nous partons le 23, vers midi au moment de l’étale de marée basse: la passe est tranquille et vite avalée. Les prévisions ne sont pas tops: vent faible, et dans le nez.

Et « Ua topa te mahana » dans tout ça? Il faut vraiment le dire? Juste « Kousk Eol » en tahitien…