Canaries – Cap Vert. Kousk Eol et le DD sous les tropiques.

La solitude ça n’existe pas ! Une semaine avec Bécaud et la méthode Coué comme menu pour une traversée de 800 miles vers le Cap Vert…

Un petit coup de blues après le départ de Marie Jo et Nelly, vite atténué par la douceur de Gomera : un bon resto le soir (Tasca Salamandra), deux heures de chants en plein air avec des Gomerans (rassurez vous je n’ai pas chanté, juste écouté), et une bonne nuit.

Nous (Kousk Eol et André) larguons les amarres le 24 août pour un début de traversée où nous commençons par une révision de la rose des vents (deux rotations), de toutes les allures et nous passons en revue la garde robe complète. Enfin vers le soir l’alizé s’établit au N-NE pour une route directe au portant.

A 4h du matin le pilote décide qu’il en a assez fait et nous lâche. Pourquoi les pépins arrivent-ils toujours la nuit ? Murphy était-il aussi marin ? Kousk Eol se retrouve en vrac avec un départ violent à l’abattée par 30 nœuds de vent. On affale tout, remet de l’ordre et nous continuons à vitesse réduite pour s’éclaircir les idées ….. Il n’est pas possible de continuer sans pilote, est-ce qu’il ne vaut pas mieux retourner aux Canaries ? Nous allons attendre le jour on y verra plus clair 🙂

A 8h mise à la cape, la houle brasse dans tous les sens. Je me plonge dans la doc du pilote, le message affiché est clair « MOT STALL, DRIV STOP » et ça veut dire quoi ? Rien dans le manuel ! Le téléphone satellite va montrer son utilité, un coup de fil à notre spécialiste en tout, Claude, vous savez le retraité gonflé qui se permet même de prendre des vacances… Ça doit être du côté du moteur ou du vérin du pilote. Je vérifie et trouve l’origine de la panne : le bras hydraulique s’est désolidarisé du secteur de barre. Il est trop fort même, ce Claude (Commentaire du Glaude : alors que bien évidemment le DD est un prototype de moins que rien …)! Réparation en une heure la tête en bas par le fond de la couchette arrière bâbord et par le coffre arrière tribord, tout n’étant bien sûr pas accessible par un seul endroit . Je recommande fortement ce passe temps pour conjurer le mal de mer. Ça marche, c’est reparti.

Le reste de la traversée va être tranquille porté par un bon alizé, il reste juste à gérer au mieux l’allure du bateau (entre vent arrière et grand largue), les empannages et la houle qui chahutent Kousk Eol. Le vin dans la cave a dû prendre 10 ans de plus. Kousk Eol franchit le tropique du cancer le 26 Août.

Une petite dépression cyclonique est annoncée, l’atterrissage se fera donc de jour à Sal (Porto Palmeira) le 28 août. On change de monde, l’Europe c’est du passé, nous voilà dans un village typique du Cap Vert.

Et la navigation en solitaire dans tout ça ? Bien dormir en est la clé. La première nuit est une nuit d’apprentissage, il faut gérer son sommeil par tranche courte de moins d’une heure. A vrai dire je n’ai pas le temps de m’endormir qu’il faut (déjà !) faire le tour de l’horizon et vérifier les réglages. Ça ira mieux demain. Effectivement la nuit suivante tu t’endors … mais une heure c’est très court et la sortie de « coma » répétée n’aide pas à atténuer la fatigue. Finalement au bout de trois jours tu commences à bien apprécier et trouves un rythme où tu as l’impression de ne plus dormir, trop de fatigue tue le sommeil ! Quant à dormir pendant la journée … impossible. Ce n’est rien, deux bonnes nuits au mouillage à l’arrivée et tout est effacé. Pour une traversée plus longue il faudra apprendre à gérer différemment et en particulier à lever le pied, moins manœuvrer, surtout la nuit. Mais quand on a un beau coursier il est difficile de ne pas lui faire plaisir, non ?

Pourquoi faire tout cela ? Quand le lendemain de ton arrivée à Porto Palmeira, un petit village perdu où il n’y a rien, tu entends sur le quai « André ! » et que tu croises ta nièce Céline … La beauté des jeux du hasard stimule ton registre des émotions.

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Voilà, rejoindre Praia n’est qu’une formalité, nous y arrivons le 5 septembre après avoir repris goût au près dans le petit temps et fait une escale devant Santa Maria a Sal pour revoir Céline. Ce soir l’équipage deviendra plus consistant avec l’arrivée de Claude, William et Jacques.

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Le mouillage de Praia
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André célébrant une divinité inconnue aux cris de « Poulie, poulie! »

Note de la rédaction :

Ce palpitant récit d’André semble présenter tout les aspects de la cohérence et du bon sens que l’on s’attend à trouver chez les gens dits sensés. Pourtant, l’observation de quelques indices semblerait montrer que ces épreuves ont indubitablement laissé séquelles. En effet, depuis son arrivée, tous les week-ends à la même heure, il entre en prostration à l’avant du bateau, paré d’une tenue improbable rouge et noire et lançant des incantations incompréhensibles devant ce qui pourrait être la représentation d’une divinité de forme ovoïde, n’arrêtant pas de hurler aux goélands : « Poulie, Poulie ! ». Nous joignons une photo à toute fin utile : toute aide pour établir un diagnostic et donc apporter un remède à cette situation douloureuse sera évidemment vivement appréciée par le reste de l’équipage.

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