Papeete – Suite et presque fin

Dimanche 24 avril 2016. Il continue à pleuvoir. Dru. Les alizés ne sont toujours pas là, mais la menace de cyclones s’éloigne : celui qui est passé sur Wallis ces jours ci est terminé. Nous allons donc partir, probablement mercredi, doucement.

La préparation du bateau se termine. Il reste encore de l’avitaillement à faire.

Hier, nous étions invités par Irène, venue nous chercher dans sa petite voiture chinoise : gigot d’agneau avec sa purée de patates douces, puis bananes flambées à la glace de coco. Pas pire, non ?

MaisonIrene
La maison d’Irene Caparros (Deux R un P, et non pas un R deux P)

Surtout qu’il a plu toute la journée. Comme la connexion internet d’Irène fonctionnait, on en a profité un peu : mise à jour du blog, emails et même déclaration d’impôts pour DD. Il paraît que ça passe mieux dans les îles…

EmailsEtImpots
Impôts et blog…
EqtImpots
Impôts? Même pas peur!

Retour au bateau dans la soirée, après avoir fait le tour de la grande île (Tahiti Nui) par le sud et l’est. Tout est vert, et certains cours d’eau débordent.

Pluie jusqu’en milieu d’après-midi. Maurice passe voir si nous n’avons besoin de rien. Et surprise, nous retrouvons sur le ponton le skipper d’un beau catamaran de cinquante pieds que nous avions rencontré à Valdivia, au Chili ! Décidément, le monde est petit…

25 avril : Maurice, qui décidément a peur que l’on ne dépérisse, nous apporte un thon rouge de quinze kilos. Nous le convainquons qu’une darne de deux kilos devrait faire notre bonheur… Et hop : carpaccio de thon rouge tout frais pour midi !

Ah, j’oubliai ! Il ne pleut pas aujourd’hui.

Il semblerait que l’équipage se renforce pour le départ : Irène et Maurice feraient un petit bout de chemin avec nous, environ deux semaines. Cool.
Du coup, on va revoir les rôles et responsabilités à bord, en essayant de s’inspirer des yachts de lusque autour de nous, pour faire preuve d’ouverture d’esprit :

  • Irène, ça va de soi, à la cuisine, et pour servir le café au DD et au Glaude. Éventuellement un peu de ménage.
  • Maurice prendra les quarts de nuit. Il faut savoir partager.
  • DD et Glaude auront la lourde tâche de vérifier que tout se passe bien, en espérant qu’il leur sera laissé suffisamment de temps pour lire et faire leurs siestes.

Il est important d’être équitable dans ces répartitions, sinon l’ambiance à bord peut se dégrader assez vite… Ah les devoirs des chefs de bord ne sont jamais simples ni triviaux. Mais nous assumerons ces pesantes responsabilités, avec toute la sérénité requise.

26 avril : deux jours qu’il ne pleut pas… Derniers petits travaux à bord : remplacement de la batterie moteur qui a décidé qu’elle en avait assez fait, révision du moteur hors-bord, marquage de la chaîne d’ancre… Et dernières courses à Carouffe.

Le départ est prévu demain. Premier mouillage à Moorea, à trois heures de Papeete. Puis Raiatea. Puis…

La saga Bullit : séquence souvenirs

On vous disait qu’on vous raconterait…

Donc, Irène est une vieille connaissance, du temps où nous usions nos maillots de bain sur dériveurs : vous imaginez le nombre d’années…

Irène est la sœur de Dominique Caparros, grand copain de Bernard, un autre frangin, qui se la pète grave lui aussi, comme nous allons vous le montrer (Bernard, tu n’es pas obligé de lire la suite !).

Les dériveurs devenant vite trop limités, Dominique, Irène et Bernard se lancent dans la construction d’un voilier un peu plus grand, Paradoxe, un Sing Sing sur plan Joubert, après avoir hésité devant celle d’un Fireball (pour les connaisseurs).

Arrive Jacques Fauroux, alors jeune architecte naval, qui propose à Dominique de lui dessiner un plan de mini-tonner (6 m). Il sera construit dans le garage de nos parents. Le bateau marchera plutôt bien, ce qui fera mieux passer son nom, Bid1, auprès de Jacques…

Pas rancunier, ce dernier propose de dessiner cette fois un plan de quarter-tonner2: ce sera Bullit. Le prototype sera construit en bois moulé. Sitôt à l’eau, Bullit et son équipage (Dominique, Jacques, Irène et Bernard) commencent à écumer les régates des environs, avec succès.

À tel point qu’un moule est fabriqué à partir de la coque du proto, pour tirer une petite série. Le premier sera de nouveau nommé Bullit. Et c’est reparti :

  • On vous épargne toutes les régates locales qui ont permis au gang de se faire la main.
  • Championnats de Méditerranée 1979 à San Remo : Bullit premier. Troisième : Bouffaréou, un sistership de Bullit, avec André à bord.
  • Championnats du monde, toujours à San Remo en 1979 : Bullit premier devant plus de soixante bateaux. Bel exploit, car si le bateau était bien dessiné et construit, et l’équipage affûté, les moyens étaient eux limités. Et Bullit était le voilier le moins cher de toute la flotte. Par exemple, c’est un cric de voiture placé sous le mât qui servait de raidisseur de pataras/haubans/étais. Les voiles d’avant étaient sur mousquetons alors que tous les autres coureurs avaient déjà des étais à gorge. Et le reste à l’avenant.
  • Championnats du monde à Aukland l’année suivante en 1980 : Bullit premier. Chez les Kiwis, excusez du peu. Beaux joueurs, la jauge sera modifiée par la suite pour tempérer les ardeurs de ces Frenchies impudents…
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Bullit en pleine action…
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Frime maximale… Notez l’enchaînement des dates: la journaliste devait être très émue…

Jacques est devenu l’architecte/régatier que l’on connaît. Dominique a monté un chantier naval spécialisé dans les petites séries et la restauration de bateaux anciens. Bernard est devenu kiné à Antibes pour continuer à régater. Il prépare même un bateau pour la Mini Transat : tout fier, il emmène sa copine de l’époque faire du rase-cailloux en rade de Cannes. Il rase tellement qu’il accroche sa quille, qui décide sur le champ, avec un extrême détachement, de prendre son autonomie par rapport au voilier. Ce dernier, pour manifester son profond désaccord, se retourne illico. Avec la copine.

Résultat de la sortie : plus de quille. Ni de copine… Ni de Mini Transat. Bernard s’est mis sérieusement au rugby peu de temps après : allez savoir s’il y a une quelconque relation.

Irène est restée elle aussi dans le monde de la voile, très impliquée dans le chantier Outremer. Et habite maintenant à Tahiti.

André et Claude, moins malins, avaient quitté la côte soit disant pour continuer leurs études (André, lui, est tout de même retourné habiter à proximité de la mer)…

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1. BID pour Bernard-Irène-Dominique, son équipage.

2. Type de voilier à jauge comme le mini-tonner, de huit à neuf mètres, et quatre équipiers.

Papeete once again…

17 avril 2016. Ça y est : nous voici de retour à Tahiti où nous attendait bien sagement Kousk Eol, propre et sec, à la marina de Taina…

Hier, enfin plutôt demain, le 18 avril, allez comprendre, nous faisions escale à Auckland après quinze heures de vol depuis Dubaï. Inutile de dire que nous étions contents d’arriver !

Comme notre escale est un peu longue, nous nous offrons une petite virée à pied dans le centre-ville, sous la pluie. Nous allons jusqu’au port admirer les voiliers de ce pays qui aime les beaux bateaux.

Deux anciens challengers de la Coupe America sont là, qui emmènent les amateurs de sensations dans la baie. Ainsi que le dernier challenger monocoque construit, alors que les règles changeaient et que les catamarans s’imposaient.

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12m JI néo-zélandais
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Avec des amateurs de sensations…
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Le dernier challenger « classique », et malheureux, de la coupe de l’America.
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Port d’Auckland: pas de doute, les Anglais sont passés par là…

Nous reprenons notre vol vers Papeete et, passage de la ligne de changement de date oblige, nous arrivons la veille de notre départ. Si vous n’avez pas tout suivi, relisez Le Tour Du Monde En Quatre-vingts Jours.

Surprise ! Deux vahinés nous attendent à l’aéroport de Papeete, sans se connaître : Irène et Cécile, chacune avec des colliers de fleurs comme il se doit.

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Les vahinés et les tanés…

Nous avons découvert juste avant de partir qu’Irène, une amie d’il y a un certain nombre d’années avec qui nous avons fait un certain nombre de régates, et double championne du monde en quarter-tonner, habitait Tahiti. Si vous êtes sages, on vous en racontera plus.

Cécile elle avait gardé la clef et l’équipement électronique de Kousk Eol, avec Maurice, pendant notre absence. Maurice, qui a son bateau de pêcheur sur le ponton d’à côté, est passé plusieurs fois vérifier l’état de Kousk Eol et l’aérer.

La première soirée sera donc conviviale : après un rapide apéro, restaurant pour tous les quatre, afin de se raconter les derniers potins, avant d’attaquer la préparation du bateau.

Dès le lendemain, nous nous y mettons : gréage des voiles, branchement de l’électronique et mise à jour de certains logiciels, nettoyage de la coque, courses pour le départ, etc.

Kousk Eol n’a pas souffert de ce long mouillage : extérieur propre et intérieur sec.

La coque est légèrement couverte d’algues et de petites balanes : nous nettoierons à la nage avec le narguilé. Ça nous économisera un coup de travel-lift.

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Moorea au loin, sous les nuages.

20 avril : il pleut tous les jours depuis que nous sommes arrivés… Et il ne fait pas froid. Probablement que la saison des cyclones n’est pas tout à fait terminée ? On va suivre de près la météo.

Aujourd’hui, André termine le récurage de la coque avec le narguilé : hier nous n’avions fait que le tour de la flottaison et de ce qui pouvait s’atteindre sans plonger. Ah les feignasses ! Mais fumer un petit coup de narguilé, c’est tellement bon.

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Le narguilé.
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Et l’intoxiqué…

Dans l’après-midi, Irène passe nous voir et nous profitons de sa voiture pour faire un tour à Papeete, suivi d’un repas rapide aux roulottes sur le port, à côté du Tenacious, trois-mâts britannique d’une association pour la réinsertion des handicapés.

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Le Tenacious dans le port de Papeete.
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L’eau dans le port de Papeete : photo prise depuis le quai. Ça vous laisse rêveur ?

Dans la nuit, de nouvelles trombes d’eau nous obligent à fermer toutes les ouvertures… Il faut qu’on regarde sérieusement les prédictions météo pour la suite.

La préparation de Kousk Eol va bon train. Nous partageons notre quai avec les gros yachts de très riches aux pavillons exotiques. Les équipages sont parfois bruyants jusque tôt le matin, mais il y a aussi certains avantages, en particulier quand le capitaine décide un grand nettoyage avant l’arrivée des propriétaires ou des invités. Il suffit de rester près des poubelles pour s’équiper à très bon compte en accastillage inox varié, bouts et amarres, outillage, etc. Décidément, nous ne vivons pas dans le même monde…

Pour le reste, Maurice nous emmène dans son pick-up… Moins glamour, mais très efficace !

L’avitaillement en conserves est fait : vive le Carroufe à trois cents mètres du port, qui ferme les yeux quand on emprunte un chariot jusqu’au bateau.

22 avril : c’est l’anniversaire du Pierrot, et le soleil se lance dans une tentative d’apparition. Y aurait-il corrélation ? Et est-ce que ça va durer ? Un cyclone retardataire fait en ce moment des siennes vers les Fidjis et perturbe les flux jusqu’ici… Un gros grain bien noir nous le rappelle.

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Kousk Eol au petit matin avant le grain.

Pour l’instant, la date de départ est toujours fixée au premier mai.

En attendant, nous avons un nouveau voisin : la réplique de la goélette mythique de Charlie Barr, Atlantic, qui gagna la Kaiser’s Cup, première course transatlantique en 1905, établissant un record qui tiendra soixante-quinze ans, avant qu’un certain Tabarly, Eric de son prénom, ne le fasse tomber. Barr avait déjà gagné auparavant par trois fois la coupe de l’America.

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La goélette Atlantic

Atlantic2

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Atlantic, depuis le pont de Kousk Eol.

On vous l’avait dit qu’il y avait du beau monde autour de nous.