L’albatros.

Il y a bien longtemps que le dernier article scientifico-culturel a été publié sur le blog de Kousk Eol. Et iune certaine frustration semble mûrir chez certains de nos lecteurs. Au moins chez ceux ayant un ardent désir de s’élever, culturellement parlant. Si vous pensez faire partie de cette catégorie, fuyez ! L’éditorialiste échappé d’asile qui s’occupe de cette rubrique a décidé d’en repasser une couche…

Et de traiter le cas de l’albatros.

Assez rare sur le lac de Serre-Ponçon aussi bien que sur le plateau du Vercors, l’albatros est plutôt commun autour du 50° Sud. C’est un peu le goéland du coin, en moins bruyant.

En plus gros aussi : l’albatros hurleur fait 3m d’envergure. Un aigle royal aurait l’air ridicule à côté : heureusement, on n’a jamais vu d’aigle royal à côté d’un albatros hurleur. Sinon, bonjour les clichés sur l’aigle royal !

L’albatros, c’est bien connu depuis qu’il a été étudié par le grand zoologiste Charles Darw… Baudelaire, plane comme un dieu. Mais pas n’importe quand. Il lui faut du vent et des vagues. Sinon, il flotte comme les autres sur l’eau. Pas plus classieux…

L’albatros est majestueux, certes. Sauf peut-être au moment de prendre son envol : ses ailes sont si grandes qu’elles ne peuvent pas battre sans toucher l’eau. L’albatros est donc obligé de littéralement courir sur l’eau pour prendre son envol. Heureusement pour lui, ce moment légèrement ridicule ne dure pas, et dès qu’il a pu s’élever de 50cm, il commence à planer, le bougre. Et même vachement bien.

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Le roi des airs, vous trouvez pas qu’il a l’air un peu con, quand même?

Des albatros, il y en a plusieurs marques : il ne faut pas se tromper sur le produit ! Parmi ceux que nous avons pu observer :

  • D’abord l’albatros à sourcils noirs : une vraie chochotte qui doit passer un certain temps devant son miroir avant de se faire admirer…
  • Puis l’albatros à bec jaune. L’albatros à sourcils noirs a aussi le bec jaune. Mais l’albatros à bec jaune n’a pas de sourcils noirs… d’ailleurs il n’a pas le bec jaune non plus… Vous suivez ?
  • Il y a aussi l’albatros brun : de très très loin, on pourrait le confondre avec une hirondelle. Mais vraiment de très loin. Sauf qu’on ne voit pas beaucoup d’hirondelles par 50° Sud au milieu de l’océan…

Mais le vrai cador, c’est l’albatros hurleur. C’est le plus grand, le plus impressionnant : imaginez un dindon avec des ailes démesurées. En vrai, c’est encore plus mieux. Et nettement moins bruyant que le goéland déjà cité plus haut, malgré ce qualificatif de « hurleur » dont il a été injustement affublé. Ceci étant dit, nous n’avons pu le vérifier, il paraîtrait qu’au nid, avec Madame, il lui arriverait de pousser une gueulante de temps en temps…

A côté de ça, il y a les pétrels. Mais ça n’a rien à voir. Il y a bien un pétrel géant qui pourrait passer pour un albatros par brouillard un peu dense, ou alors après un ti-punch de trop. Mais il n’y a rien à faire : c’est l’albatros qui remporte la palme de l’élégance en vol.

Si cet article n’a pas suffit à vous faire fuir de ce blog, la rédaction proposera une autre somme scientifique, cette fois sur le lagénorhynque de Peale (ou face).

Puerto Deseado – Puerto Williams

C’est la dernière étape avant l’entrée dans les canaux de Patagonie : un peu moins de 500 milles à courir, mais dans des conditions pas toujours très faciles…

Samedi 15 Février, 21h TU : nous (André, Jacques, Nico, Claude et Sarah, que nous avons récupérée par hasard dans les rues de Puerto Deseado) larguons les amarres qui nous maintenaient à couple du remorqueur Yamana qui nous a accueilli lors de notre court séjour à Puerto Deseado. Nelson, marin à bord du Yamana et natif d’Ushuaïa, ne savait plus comment nous rendre service : remplir nos réservoirs d’eau, accéder à la douche du bord, indication d’endroits sympas pour aller manger, …

Et nous partons avec un sac plein de pattes de centollas: les fameux crabes royaux de Patagonie !

L’équipage avec Nelson le marin du remorqueur de Puerto Deseado

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Centollas et gambas…

Nelson, homme de ressources, à la demande de Nico , nous a expliqué comment pêcher du poisson en Patagonie. Selon lui, la seule méthode valable est la pêche à la bouteille.

« Pêche à la bouteille ? Mais comment tu fais ? »

« Oh, mais rien de plus facile ! Tu t’approche d’un bateau de pêche, et tu donnes une bouteille : les pêcheurs, ils te donnent plein de poissons !  Ça marche à tous les coups ! »

On a pris bonne note…

Igor nous avait déjà avoué pratiquer une variante : « Quand tu vois le fanion d’un casier, et qu’il n’y a personne autour, tu le remontes, tu prends une centolla que tu remplaces par une bouteille, et tu remets le casier… Tout le monde est content. »

Les gribs nous montrent qu’à partir de Mardi les conditions se musclent : vent d’Ouest de 25 à 30 nœuds… Mais nous devrions être tout près du détroit de Le Maire. Il faudra calculer juste et tâcher de ne pas baisser de rythme.

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La météo dans le Sud…

Dimanche 16, 14h TU : petite frayeur, le moteur fait un drôle de bruit et vibre… Débrayage: les vibrations cessent. Ça semble lié à l’embase de l’hélice : la GoPro au bout de la gaffe montre des algues enroulées autour de l’arbre. Petit coup de marche AR avec un peu de régime, puis AV de nouveau : plus de vibrations… Il faut dire que les algues ici sont costaudes : laminaires à longues tiges de plusieurs mètres, assez solides. Et il y en a quelques unes qui se baladent sur l’océan, elles aussi, y a pas de raison.

Nous traversons des petits bancs d’espèce de petites écrevisses rouges : nous décidons qu’elles sont vraiment trop petites pour agrémenter nos repas… Ce n’est certainement pas l’avis des dauphins et autres prédateurs du coin…

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Nourriture pour baleines?

Ah, au fait : c’est l’anniversaire de Nico aujourd’hui. Un petit pomerol n’alourdira plus les fonds de Kousk Eol pour l’occasion ! Quelques grincheux prétendent qu’un petit blanc aurait mieux accompagné les gambas données à Puerto Deseado…

Ça va faire 2 jours que nous sommes partis de Puerto Deseado : il est temps de prendre la météo et remettre à jour les prévisions que nous avions prises avant de partir.

Et, oh horreur, nous constatons que l’accès internet depuis notre téléphone Iridium ne fonctionne plus… Impossible d’accéder aux serveurs météo… Et nous savons que le temps doit se gâter à partir de Mardi soir ! Heureusement, l’Iridium marche toujours en phonie : SMS à Denis et Pierre et coup de fil à Cathy, et nous recevons un résumé du Pierrot. Fortes rafales (>40 nds) mercredi…

Un appel VHF vers un pétrolier, le Recoleta, qui nous double nous donne une météo plus complète. Finalement pas si terrible jusqu’à Mercredi.

Et le 50° S est franchi : les shorts sont rangés depuis un petit moment…

Mardi 18 Février : le Détroit de Magellan est traversé de nuit, avec en prime slalom entre les plateformes pétrolières. Eh oui, même ici.

Au matin nous avons atteint la Grande Île de la Terre de Feu, partagée en deux selon un axe Nord-Sud entre l’Argentine et le Chili.

Mercredi 19 Février : après une nuit musclée (vent d’Ouest 30 à 35 nœuds), le Capo San Diego qui marque l’entrée du détroit de Le Maire est en vue.

Le détroit de Le Maire est un des passages les plus redoutés et redoutables de la région : les courants de marée atteignent 8 nœuds (Kousk Eol va à 6 nœuds au moteur), et lorsque le vent est contraire, des vagues redoutables se lèvent…

Plusieurs orques viennent faire un tour près du bateau ! Nous ne voyons que les dos avec leur aileron immense lorsqu’ils viennent respirer en surface , mais le spectacle est magnifique !

Cathy nous rassure en nous appelant sur l’Iridium (qui ne fonctionne toujours plus en mode « données ») : la météo s’améliore !

Au large du Capo San Diego, ça brasse un peu, effectivement, mais les conditions sont plutôt bonnes ! Et quelques milles plus au Sud se trouve la Bahia Buen Suceso (ça ne s’invente pas!), bon mouillage pour se reposer après la traversée ou pour attendre de bonnes conditions.

Et nous, marins émérites, qui avons déjà vaincu le Cap Sicié, le Cap Corse, le Raz de Sein et l’ Escampo Barrriou, nous passons le Détroit de Le Maire !

Au large vers l’Est nous apercevons l’Île des États : c’est là que se trouve le mythique phare du bout du monde… Pour les frangins, encore une occasion de se la péter : notre arrière grand-père Robert Godefroy était un des meilleurs amis de Jules Verne, qui a fait connaître ce phare dans les bons salons de thé.

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Nouvelle météo, de Michel cette fois : le temps se gâte sérieusement à partir de Jeudi après-midi : il ne faudra pas traîner sur l’eau !

Nous ne ferons donc pas un stop dans la Baie du Bon Succès, stop qui aurait été grandement mérité! Nous préférons filer vers Puerto Williams où l’on peut espérer un meilleur abris…

Bientôt nous arrivons devant l’entrée du Canal de Beagle, qui mène entre autre vers Puerto Williams (ville la plus septentrionale, au Chili) et Ushuaïa (en Argentine). Et par la même occasion, nous franchissons le 55° Sud ! Les nuits sont TRÈS fraîches.

Et entre temps, c’est un pétrel géant qui s’emmêle dans la ligne : c’est décidé, cette fois on la range ! On se contentera de boites de conserve , ou bien on testera la pêche à la bouteille…

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DD et le pétrel…

Notre Québecoise Sarah, navigatrice experte sur le lac Champlain, s’habitue plutôt bien…

« Bonyenne ! Il fa un peu frette ! J’va mettre mon cass’ de pouèl pour mon shift.  Sinon, c’est pas pire, ch’uis bien correc’ ! ». Quand ce n’est pas : « Passe moi la guenille que j’essuie le chaudron ! » au moment de la vaisselle…

Nous, on fait «  Ah, OK ! » et elle est contente…

Jeudi 20 : remontée du Canal de Beagle à la voile, en tirant des bords toute la nuit. Et arrivée à Puerto Williams en fin de matinée. Grandiose ! Comment vous décrire le paysage ? C’est .. Ouah ! Et même… Oh la ! … Et la-bas ? Tu as vu ? Ouf ! … Bon sang… Bref, ces beautés immarcescibles (*) nous laissent pantois…

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Bords dans le Canal de Beagle

Nous nous amarrons à couple d’un autre voilier candidat aux émotions, au Club Naval de Yates Micalvi, le club nautique le plus septentrional…

Jacques avoue : ça valait le coup de ne pas se décourager à Piriapolis ! Notre attente est récompensée.

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L’arrivée à Puerto Williams

(*) : eh oui, encore un gage, suite à une définition à la con de mots croisés…

Kousk Eol est reparti !

De Piriápolis à Puerto Deseado.

 Jeudi 6 Février, 18h30 : Kousk Eol, avec à bord André, Jacques, Nico et Claude, largue enfin les amarres du port de Piriápolis, sous le concert de klaxon de nos copains Fiky, Diego et Eric venus nous dire au-revoir. Petit moment d ‘émotion, après un mois pratiquement passé avec eux…

Igor et Lia sont déjà repartis, laissant Caïman au port : Igor, il faut bien faire rentrer des pesos dans la caisse, doit prendre le commandement d’un chalutier qui part vers le Sud. C’est la bonne saison : ses collègues sur place pêchent entre 40 et 60 tonnes par jour !

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Le carré de Caïman et le dernier apéro sur le quai du port de Piriapolis.

Direction Mar del Plata de l’autre côté de l’immense embouchure du Rio de la Plata. Et rapidement première nuit en mer depuis longtemps : les quarts se (re)prennent naturellement.

Vent très variable, en force et direction, nécessitant de régler ou réduire les voiles régulièrement.

Nous passons devant Mar del Plata au petit matin de la 2e nuit.

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Repas du soir et lever de soleil.

Puis c’est la descente vers la péninsule de Valdes, 400 milles au Sud-Ouest, haut lieu de l’observation de la faune marine.

Un banc d’une bonne centaine de dauphins nous accompagne un bout de chemin : c’est une vraie caravane familiale, avec les mères suivies de près par leur petit, qui vient jouer devant l’étrave de Kousk Eol !

Comme Nico est à bord, les cannes à pêche ne chôment pas ! Et le résultat ne se fera pas attendre : poisson au menu pendant quelques jours. Même un puffin se laisse prendre à un leurre… André arrive à lui extraire l’hameçon avant de le relâcher : il en sera quitte pour la frayeur de sa vie ! Pourtant on le sait, depuis Chaval, que les oiseaux sont des cons… Tout à l’heure, notre leurre a eu l’heur de leur plaire : tant pis, plus de leurre en surface et plus de maquereaux… Pourtant on y prenait goût !

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Ce puffin n’aura peut-être p’us faim pendant quelque temps…

Dimanche 9 Février, 11h30 : nous franchissons le 40° parallèle Sud ! Nous sommes maintenant plus au Sud que le Cap de Bonne Espérance. Et les nuits commencent à se rafraîchir.

Symbole des cieux dans cette partie du monde, la Croix du Sud nous domine et nous confirme que nous naviguons bien a tête en bas. Les Sudhémisphériens ne font décidément rien comme nous : par dessus le marché, les vents du Sud apportent le froid, les anticyclones tournent à l’envers, etc.

Ah : on me signale que ça ce serait la faute à M. Coriolis…

Les puffins et les albatros et autres pétrels ont pris possession des airs, et tournent à longueur de journée autour de Kousk Eol. Un premier manchot est même aperçu.

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Puffins, skua, etc.

Côté navigation, nous chargeons nos gribs quotidiens, qui nous aident à décider de la meilleur route pour descendre. Seulement, les gribs ne prévoient pas les vents catabatiques qui viennent de la Cordillère, les Pamperos. Vents violents et froids d’Ouest, ils lèvent vite une mer dure. Recommandation des marins du coin : naviguer au plus près de la côte pour n’avoir à se battre que contre le vent, quitte à rallonger sa route de quelques dizaines de milles.

Mardi 11 Février : toute la nuit, un gros grain très noir sous la lune s’amusera à nous faire peur avec ses impressionnants éclairs. Mais on lui fera le coup du « Attrape moi si tu peux ! » pour finalement le laisser derrière nous.

Au matin, la péninsule de Valdes est en vue. C’est sûr, nous sommes en Patagonie ! Nous irons nous mettre à l’ancre à l’entrée du golfe pour étaler un coup de vent de Sud prévu en milieu de journée : sportif ! Des rafales à plus de 40 nœuds nous secouent au mouillage. Petit avant-goût de ce qui nous attend plus bas ? Ça n’a pas l’air de déranger les petits manchots qui nagent dans les vagues…

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La péninsule de Valdes.

Mercredi 12 : les gribs sont un peu décalés vers l’Est… Résultat : un fort vent de Sud (30 nœuds, rafales supérieures à 45 nœuds) nous pousse vers le Sud-Est : pas vraiment la bonne direction ! Nous n’avancerons pas beaucoup vers Puerto Deseado aujourd’hui… C’est Sarah qui va être contente !

Par contre : bon test pour la quille, qui ne bouge pas !

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Différents styles de barreurs: cherchez l’erreur!

Vendredi 14, 13h TU : 10 milles de l’entrée de l’estuaire vers Puerto Deseado. Un vent de NW nous pousse entre 8 et 9 nœuds sur une mer relativement plate. Durant la nuit, nous avons eu l’aimable visite de céphalorhynques de Commerson, comme d’habitude impressionnés par la classe de Kousk Eol (bien évidemment due principalement à son exceptionnel équipage). Ça vous en bouche pas un coin, à vous ?

Pour confirmer cette impression, plusieurs groupes de manchots de Magellan (excusez du peu) ne veulent pas être en reste et nous souhaitent la bienvenue…

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Manchots à l’arrivée à Puerto Deseado

Midi : nous nous mettons à couple du bateau-pilote Yamana le temps de faire les formalités d’entrée et de sortie d’Argentine.

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Kousk Eol à couple du Yamana

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 Cormoran à pattes rouges et colonie de manchots dans l’estuaire…

Le Club Nautico juste à côté n’a pas l’air de crouler sous des activités débordantes : nous sommes apparemment le seul bateau dit « de plaisance » dans le coin…

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Le Club Nautique de Puerto Deseado…

Et on a récupéré Sarah!