Vendredi 22 Février, 6h30 : debout là dedans, c’est le grand jour, on part voir le bout du monde !
On a une fenêtre météo favorable de 3 jours : il faut en profiter. L’aller-retour jusqu’au Cap Horn depuis Puerto Williams fait un peu plus de 200 milles. Mais il faut s’organiser pour passer de jour, donc mouillage ce soir à la Caleta Martial.
L’Armada de Chile, en plus de l’autorisation obligatoire, nous a donné une carte avec les mouillages et les routes autorisés : tous les canaux ne sont pas ouverts aux touristes comme nous, en particulier le Canal Murray qui nous aurait évité un aller-retour. Tant pis.
Et elle nous suit à la trace : appel VHF pour suivre notre progression, régulièrement.
Le temps est couvert et il pleut : une vraie pluie bretonne, de celle qui soit vous déprime, soit vous revigore… L’éolienne a pris le relais des panneaux solaires, et siffle à tue-tête un air légèrement lancinant: très certainement une improvisation.
On a choisi d’être revigoré, on ne sera pas déçu : il faut reprendre le canal de Beagle vers l’Est, puis mettre le clignotant à droite et enfiler (en tout bien tout honneur, Henry!) plein Sud le Paso Picton, puis le Paso Gorée, et enfin le Paso Bravo pour arriver à la Caleta Martial, au Nord de l’île Herschel, où nous passerons la nuit. A 10 milles à vol de pétrel tempête au Nord du Cap Horn. On n’en a jamais été aussi près…
Les caletas sont de petites anses ou embouchures, souvent propices aux mouillages pour peu que le fond et l’orientation soient favorables. Souvent comme de petites calanques, avec une grosse différence par rapport à celles que l’on pratique chez nous : il n’y a personne ! Seuls les oiseaux et mammifères marins sont nos voisins . Et pourtant il y a une jolie petite plage de sable au fond de notre caleta …
La Caleta Martial, dernier mouillage avant le Horn…
Petite anecdote : pour la navigation, nous avons un ordinateur avec un jeu de cartes électroniques, connecté au GPS. En secours, nous avons aussi une tablette avec son GPS et un autre jeu de cartes. En passant dans le Paso Bravo, nous avons eu la surprise de nous retrouver, selon les 2 jeux de cartes, au milieu de l’île Wollaston… C’est d’accord : nous ne naviguerons pas de nuit, ni par temps de brouillard trop dense ! Même la carte papier de la Marine Chilienne ne nous inspire qu’une confiance limitée, au moins dans ce chenal : aucune indication de profondeur !
Samedi 23 Février : le vent souffle du Sud à environ 15-20 nds, et le temps s’est nettement amélioré. On a même eu droit à un coin de ciel bleu, puis les nuages se réinstallent. Et fait frette en sacrament !
Départ 12h TU (9h locales), au près en direction du Sud dans le Paso al Mar del Sur, entre l’île de Herschel et l’île de la Déception (Ca ne s’invente pas!).
Et devinez quoi ? Au bout du passage, l’île Horn à quelques milles ! Nous la contournons par l’Ouest : petite remontée au vent dans une mer relativement clémente tant que nous profitons de la protection des îles, au près, 3 ris dans la grand-voile et 2/3 de trinquette.
Puis il faut contourner les récifs du Sud-Ouest de l’île, qui débordent un peu vers le large. Et la mer, de face, devient plus forte, entre 2 et 3 mètres.
Et enfin, à 15h30 TU, à un mille au Nord, le Cap Horn, extrémité Sud de l’île ! Encore un rêve de gamin qui se réalise… A l’Ouest, le Pacifique, à l’Est l’Atlantique. Et par 55° 59′ 55 » Sud, excusez du peu. Plus au Sud, il n’y a plus que le continent où il n’y a pas d’ours, mais ça c’est une autre histoire…
Avec l’Escampobarriou, voici deux caps mythiques franchis par Kousk Eol et son vaillant équipage !
Et bien sûr, hors de question de ne pas respecter les traditions, et payer son tribut à Neptune…