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Page culture pour lectorat averti : coutumes cap-horniennes

Le but de cet article à très haute portée culturelle est d’offrir quelques éclaircissements de nature explicative concernant certaines coutumes de la marine à voile, afin de permettre au non-marin d’en apprécier la valeur sans pour autant chercher aucunement, bien évidemment, à les démystifier voire démythifier,.

La tradition voudrait, entre autre, que, dès le Cap Horn franchi , le marin (si vous le voulez bien, je souhaiterais éviter de parler de Marine ici) le marin donc, nouvellement adoubé portât un anneau en or à l’oreille gauche et pissât face au vent.

Nous ne ferons pas de commentaires sur la première de ces traditions, nos épouses nous ayant fait comprendre sans aucune ambiguïté que la joie de retrouvailles lors d’un éventuel retour au foyer serait irrévocablement et irrémédiablement gâchée par un respect trop strict de cette coutume…

Quant à la deuxième de ces traditions, parlons en ! Et pour ne pas choquer les personnes sensibles, nous demanderons instamment aux enfants qui liraient ces lignes de bien vouloir prendre leurs parents par la main et les ramener regarder le tirage du loto devant la télé, d’où ils n’auraient jamais dû bouger.

Tout d’abord une observation liminaire1 : lorsque l’on navigue sous les latitudes du Cap Horn, autour de 60°S, ça caille comme dirait l’albatros. Et donc le marin averti se couvre : en plus du slip réglementaire, il aura enfilé un collant un peu épais, puis un pantalon, et par dessus le tout, le bas de son ciré, tenu comme il se doit par des bretelles, et remontant largement au niveau des aisselles. Et bien sur, une veste de ciré par dessus tout, pour faire bonne mesure.

Et maintenant, analysons deux situations type, subséquentes à une envie d’uriner plus ou moins pressante (en général, sur un voilier, on a tendance à reculer le moment de se soulager, soit parce qu’on est pris dans une série de manœuvres, soit parce que justement il fait froid et qu’il y a des vagues et du vent : le « plus ou moins » dans ce cas est donc à prendre comme une figure de style ne laissant subsister aucun doute quant au caractère urgent de cette pression physiologique) :

Situation N° 1

Il fait 3°C, le vent souffle à 35nds et on est au près dans 3m de creux. Il y a longtemps que ce ne sont plus des embruns qu’on reçoit à la figure. Le candidat à la vidange biologique essaie de se caler tant bien que mal pour libérer ses deux mains : essayez de défaire la fermeture éclair d’un bas de ciré qui se respecte d’une seule main, vous ! Au bout de 4 minutes 50, la fermeture est en général descendue . Ne restent plus que les bretelles : 2 minutes de plus.
Rappelez-vous que ça urge !
Et nous arrivons enfin à la situation la plus intéressante : pour atteindre la braguette du pantalon, il faut baisser le bas de ciré aux genoux. Et là, bonjour l’équilibre! Au bas mot, encore 5 à 6 minutes d’angoisse jusqu’à la stabilisation salvatrice. La sus-mentionnée braguette est enfin ouverte. On se dit : « Cette fois, ça y est ! Le Graal est proche ! ». Que nenni ! Et la braguette du collant ? Hein ? Vous en faites quoi de la braguette du collant ? La logique voudrait qu’elle se trouvât en face de la braguette du pantalon. Mais ce n’est pas avec de la logique qu’on coud les collants : leur braguette n’est JAMAIS en face de celle du pantalon. Des fois, ils n’ont même pas de braguette, mais ce cas est trop désespéré pour être abordé devant un lectorat impressionnable.

Il faut donc farfouiller à l’aveuglette, avec des doigts de plus en plus gourds à cause du froid glacial qui en a profité pour se faufiler sournoisement jusque dans l’entre-jambe du malheureux.
Mais enfin ce dernier arrive à aligner les deux braguettes, à écarter tant bien que mal le slip, au bout d’un certain nombre de minutes supplémentaires. Ben cette fois c’est bon, me direz vous. Sauf que, avez vous déjà constaté l’effet du froid sur une zigounette standard ? Même un nouveau né ne voudrait pas d’un aussi petit machin tout ratatiné, recroquevillé, microscopisé (Ah, je les entends d’ici les ricanements comme quoi il y en aurait de plus prédisposés que d’autres…) . Et pour l’attraper, re-bonjour !
Tout ça pour dire qu’une fois qu’on est au bout de toutes ces opérations, c’est en général trop tard et on s’en est foutu partout…

Situation n°2 :

Imaginons un équipier un peu plus prévoyant et un peu plus dégourdi que celui dont nous avons parlé ci-dessus : il doit bien en exister.
Il aura tout préparé bien comme il faut : braguettes alignées, zigounette en position opératoire, tranquille sous le vent, malgré la violence de ce dernier, bien calé dans le portique pour permettre aux sphincters de se relâcher sans arrière pensée. L’opération de vidange salvatrice débute donc, quand, au même moment, ordre urgent du skipper : « On vire ! Fissa ! ». Les ordres du skipper ne sont pas discutables. Les ordres urgents encore moins.
Entre nous, je m’étonne d’ailleurs qu’une thèse n’ai jamais été écrite expliquant la simultanéité quasi parfaite et systématique entre ces deux événements: quelque soit le moment choisi pour se mettre en position de vidange de vessie, un évènement surviendra pour rendre l’opération scabreuse dans le meilleur des cas. Probablement une dérive marine de la loi de Murphy.
Et notre malheureux de se retrouver face au vent (rappelez vous : le traître est violent sous ces latitudes) avant d’avoir pu faire quoique ce soit, Cap Horn passé ou pas…

Bref, au bout du compte, le résultat final est largement comparable à celui de la situation n°1.

 Le cas des équipières ne sera pas traité ici : les Cap-Horniers sont rien que des machos, c’est bien connu, et leurs coutumes ne s’appliquent qu’aux mecs , ceux qui en ont bien sûr.

Entre nous, ça m’arrange : je me voyais assez mal expliquer le truc de pisser contre le vent pour le sexe dit faible (Tiens, au fait : sexe faible, encore un sacré oxymore dans ce contexte, et une légende à laquelle il serait largement temps de tordre le cou!).

Quand aux anneaux dorés à l’oreille, elles en portent déjà…

« Donc », ne manquerez vous pas de nous faire fielleusement remarquer, « ça sert à quoi, je vous le demande, de passer le Cap Horn ? Juste pour comprendre… »

Bonne question. Sans doute pour les même raisons vaseuses que d’avoir envie d’aller dans la baie de Rio, dans le détroit de Le Maire, à Chiloe, dans le Raz de Sein, sur l’île de Pâques, devant l’Escampobarriou, ou même plus terrestre, à Tombouctou, à Zanzibar, en Himalaya, à Lalibela, à Samarkande, etc. Certains lieux s’y entendent pour exercer une fascination à laquelle parfois on ne résiste pas.

Ou alors, juste pour avoir quelque chose à raconter dans ce blog. C’est tout. Et vous, vous n’avez rien d’autre à faire ?

1 Oui, je sais : « liminaire » précédé de « tout d’abord », ça fait un peu comme « pléonasme tautologique et redondant ». Mais permettez-moi deux remarques : je n’ai jamais prétendu faire dans le léger, et puis il m’a semblé nécessaire, à l’occasion, d’être un peu insistant pour éviter les malentendus chez certains lecteurs dont l’attention pourrait laisser à désirer.

Encore plus au bout du monde…

Eh oui, fallait pas croire tout ce qu’on vous raconte à la télé : il y a encore plus au Sud qu’Ushuaïa (ça on le savait), et même que Puerto Williams . Puerto Toro est efffectivement 9 minutes plus au Sud que Puerto Williams…

Puerto Williams est un petit port de pêche, surtout aux centollas, donc peu actif en été, période de reproduction dédites centollas. Et donc leur pêche est interdite. Quand nous arrivons, seuls 4 bateaux sont amarrés à l’unique quai. Nous nous mettons à couple : nous devrons nous lever à 4 heures puis de nouveau à 5 heures pour laisser partir les bateaux qui partent en pêche pour deux jours… Et nous avons le quai pour nous tous seuls.

C’est difficile de qualifier Puerto Toro de village : une dizaine de familles y vit à l’année, carabineros et pêcheurs.

Mais nous avons pu y mettre en pratique la pêche à la bouteille dont la technique nous avait été enseignée à Puerto Deseado : dix centollones (petits crabes-araignées dont la pêche est elle autorisée) ainsi que deux poisson contre une bouteille de carmenere et une demi bouteille de pastis…

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C’est eux qui le disent…

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Le port de pêche le plus au Sud…

Le tour du bout du monde.

Vendredi 22 Février, 6h30 : debout là dedans, c’est le grand jour, on part voir le bout du monde !

On a une fenêtre météo favorable de 3 jours : il faut en profiter. L’aller-retour jusqu’au Cap Horn depuis Puerto Williams fait un peu plus de 200 milles. Mais il faut s’organiser pour passer de jour, donc mouillage ce soir à la Caleta Martial.

 L’Armada de Chile, en plus de l’autorisation obligatoire, nous a donné une carte avec les mouillages et les routes autorisés : tous les canaux ne sont pas ouverts aux touristes comme nous, en particulier le Canal Murray qui nous aurait évité un aller-retour. Tant pis.

Et elle nous suit à la trace : appel VHF pour suivre notre progression, régulièrement.

Le temps est couvert et il pleut : une vraie pluie bretonne, de celle qui soit vous déprime, soit vous revigore… L’éolienne a pris le relais des panneaux solaires, et siffle à tue-tête un air légèrement lancinant: très certainement une improvisation.

On a choisi d’être revigoré, on ne sera pas déçu : il faut reprendre le canal de Beagle vers l’Est, puis mettre le clignotant à droite et enfiler (en tout bien tout honneur, Henry!) plein Sud le Paso Picton, puis le Paso Gorée, et enfin le Paso Bravo pour arriver à la Caleta Martial, au Nord de l’île Herschel, où nous passerons la nuit. A 10 milles à vol de pétrel tempête au Nord du Cap Horn. On n’en a jamais été aussi près…

Les caletas sont de petites anses ou embouchures, souvent propices aux mouillages pour peu que le fond et l’orientation soient favorables. Souvent comme de petites calanques, avec une grosse différence par rapport à celles que l’on pratique chez nous : il n’y a personne ! Seuls les oiseaux et mammifères marins sont nos voisins . Et pourtant il y a une jolie petite plage de sable au fond de notre caleta 

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La Caleta Martial, dernier mouillage avant le Horn…

Petite anecdote : pour la navigation, nous avons un ordinateur avec un jeu de cartes électroniques, connecté au GPS. En secours, nous avons aussi une tablette avec son GPS et un autre jeu de cartes. En passant dans le Paso Bravo, nous avons eu la surprise de nous retrouver, selon les 2 jeux de cartes, au milieu de l’île Wollaston… C’est d’accord : nous ne naviguerons pas de nuit, ni par temps de brouillard trop dense ! Même la carte papier de la Marine Chilienne ne nous inspire qu’une confiance limitée, au moins dans ce chenal : aucune indication de profondeur !

Samedi 23 Février : le vent souffle du Sud à environ 15-20 nds, et le temps s’est nettement amélioré. On a même eu droit à un coin de ciel bleu, puis les nuages se réinstallent. Et fait frette en sacrament !

Départ 12h TU (9h locales), au près en direction du Sud dans le Paso al Mar del Sur, entre l’île de Herschel et l’île de la Déception (Ca ne s’invente pas!).

Et devinez quoi ? Au bout du passage, l’île Horn à quelques milles ! Nous la contournons par l’Ouest : petite remontée au vent dans une mer relativement clémente tant que nous profitons de la protection des îles, au près, 3 ris dans la grand-voile et 2/3 de trinquette.

Puis il faut contourner les récifs du Sud-Ouest de l’île, qui débordent un peu vers le large. Et la mer, de face, devient plus forte, entre 2 et 3 mètres.

Et enfin, à 15h30 TU, à un mille au Nord, le Cap Horn, extrémité Sud de l’île ! Encore un rêve de gamin qui se réalise… A l’Ouest, le Pacifique, à l’Est l’Atlantique. Et par 55° 59′ 55  » Sud, excusez du peu. Plus au Sud, il n’y a plus que le continent où il n’y a pas d’ours, mais ça c’est une autre histoire…

Avec l’Escampobarriou, voici deux caps mythiques franchis par Kousk Eol et son vaillant équipage !

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Le Cap Horn et ses vaillants marins…

Et bien sûr, hors de question de ne pas respecter les traditions, et payer son tribut à Neptune…

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