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Kousk Eol est reparti !

Samedi 11 février 2017, 6h45 : Kousk Eol largue les amarres de la marina du False Bay Yacht Club de Simon’s Town. Cette première étape sera courte : une soixantaine de milles pour rejoindre le Cap, afin de faire les formalités de sortie d’Afrique du Sud, et récupérer notre quatrième équipier, Payou.

Héron dans la marina, attendant le départ de Kousk Eol pour retourner pêcher tranquillement.

La soirée précédente fut plutôt mouvementée : le vent est monté à plus de cinquante nœuds, créant un certain affolement chez les bateaux au mouillage, obligeant les marins du South Africa Sea Rescue à sortir leur bateau de sauvetage et leur zodiac. Vite débordés, ils nous (Bernard et Claude) appellent à l’aide sur le zodiac pour aller aider un couple de Brésiliens au bord de la panique. Nous les aidons à s’amarrer et avons droit à des accolades émues… La météo annonce une accalmie dans la nuit : pourvue qu’elle ne se trompe pas ! Un dicton local dit qu’il ne faut pas chercher l’aventure en Afrique du Sud : ici c’est l’aventure qui vient vous chercher !

Pour nous remettre de ces émotions, nous dégustons un dernier eisbein1 au resto de la marina.

Et trois eisbeins, trois! Nous, on est pour la simplification du travail des serveurs.

Un peu avant…

Comme nous vous le racontions, nous sommes arrivés en Afrique du Sud depuis maintenant plus d’un mois, consacré surtout à faire du tourisme, en Namibie et autour du Cap, deux régions que nous ne connaissions pas. Dire que nous avons adoré notre périple serait largement en dessous de la vérité.

Dunes à Sossusvlei.
Dans le désert du Namib.
Lionnes dans le parc d’Etosha.
Près du Cap Agulhas.
L’Indien à gauche, l’Atlantique à droite…
Puisqu’on vous le dit qu’il y a des manchots sur la côte de granit rose…

On vous racontera tout ça un de ces jours : la prochaine traversée vers les Antilles devrait offrir du temps libre !

Depuis une semaine, Kousk Eol est à terre : quelques petits travaux sont nécessaires avant de repartir. La coque, pas nettoyée depuis notre départ de Nouvelle-Calédonie, s’est recouverte de trois à quatre centimètres d’un mélange d’algues, de vers et de coquillages du plus bel effet : probablement une solution à explorer pour bénéficier de nourriture fraîche pendant nos traversées, mais légèrement handicapant côté vitesse… Nous en profitons aussi pour refaire l’antifouling.

La capote, après quatre ans de bons services et une réparation rapide au Brésil, a carrément explosé sous les assauts des zéphyrs sud-africains : Adrian Batista nous est conseillé par la marina et nous en coud une toute neuve. Beau travail, qui paraît solide, avec un cache-soleil pour protéger les panneaux transparents, et des rails pour la fixation sur le pont (au lieu des boutons pression, fragiles et inadaptés).

La nouvelle capote, avec sa protection anti-UV semi-transparente.

Le réservoir d’eau avant fuyait lors de la traversée mouvementée depuis la Réunion : le tuyau de remplissage, trop court, s’était défait. Nous en profitons pour refaire l’ancrage sur le fond de la coque en stratifiant un anneau d’accroche.

L’instrument assurant l’interface du sondeur et de la vitesse sur l’eau avait rendu l’âme2: le défunt est remplacé par un bel écran plus récent. Raymarine fait bien les choses : la nouvelle génération est compatible avec l’ancienne, avec bien sûr achat et installation des bus et adaptateurs qui vont bien, obtenus contre l’échange d’un nombre d’euros non négligeable. C’est du moins ce que proclame la notice. Vous vous doutez bien que la réalité est légèrement différente : une journée de prise de tête, évidemment imputable uniquement à l’incompétence de l’électronicien du bord, avant la disparition de tous messages d’erreur.

L’hélice avait pris du jeu, et les joints de l’axe se sont usés et laissent entrer l’eau, transformant l’huile du sail-drive en ersatz de mayonnaise. Bonne occasion de tout revoir. L’hélice, une Max Prop, est démontée, nettoyée, graissée et remontée : aucun jeu. En fait, l’anode montée sur l’hélice avait pris du jeu en s’érodant, et frottait contre l’axe, appuyant sur ce dernier suffisamment pour provoquer du jeu dans le boulon retenant l’hélice, et l’usure des joints. Heureusement rien de grave, mais le mécano nous recommande de ne pas remettre d’anode sur l’axe d’hélice : celle sur le sail-drive et celle à l’arrière de l’hélice sont suffisantes.

La Max Prop remise à neuf.

Certains bouts sur Kousk Eol montrent sont usés : ce serait pas mal de les changer. Nous nous faisons indiquer le magasin de l’usine qui fabrique les cordages en Afrique du Sud, et qui se trouve au Cap : Southern Ropes. Une vraie caverne d’Ali Baba, où les cordes sont vendues au kilo ! Jusqu’à cinq fois moins chères qu’à la maison ! Drisse de grand-voile et bosses de ris font peau neuve…

Kousk Eol trépignait (sous les rafales à quarante nœuds et plus) pour être remis à l’eau…

Nous louons une voiture pour faire les courses, sans oublier les antidépresseurs à large spectre : la région du Cap produit d’excellents vins, à des prix plus que raisonnables3. Nous en profitons pour manger nos derniers steaks avant longtemps : la viande ici est excellente, et à des prix défiants toute concurrence.

10h45 : Cape Point et le Cap de Bonne Espérance émergent de la brume qui nous accompagne depuis un bon moment, à moins de quatre milles au nord. La descente depuis Simon’s Town s’est faite au près avec quinze à vingt nœuds de vent : une bonne remise en jambes ! Malgré le courant contraire, Kousk Eol a bien avancé ! Nous commençons maintenant notre remontée vers l’équateur… Pour essayer d’arriver à la Martinique autour du 10 avril.

Au bout du doigt, le Cap de Bonne Espérance.

Au fait : « nous », ce sont Bernard, Christian et Claude. Un petit dernier doit nous rejoindre demain depuis la Réunion : Pierre, dit Payou. Payou a, entre autre, la lourde responsabilité d’apporter un peu de sang jeune à l’équipage. Christian, lui, s’est porté garant de l’approvisionnement régulier en poissons. Les recettes sont prêtes… Bernard, si vous avez bien lu les chapitres précédents, est le frimeur qui se prétend champion du monde de quarter tonners, il y a bien longtemps. Et accessoirement frangin du milieu entre Claude et André.

La météo est conforme aux prévisions : le vent tombe et impose à Volvo de travailler un peu. Puis une brise de sud-est s’établit : Kousk Eol fait des pointes à neuf nœuds au petit largue. Si nous avons ce type de temps pour la suite, nous ne nous plaindrons pas !

Table Mountain and the Twelve Apostles.
La Table Mountain, la montagne de Lion’s Head et le Cap.

Autour de nous, des dizaines d’otaries s’ébattent parmi des centaines de mouettes. Le nouvel antifouling de Kousk Eol les laisse apparemment indifférentes. Donnez vous du mal…

18h : nous nous amarrons place B11 dans la marina du Royal4 Cape Yacht Club, avec vingt nœuds de vent qui poussent. Mais tout se passe bien. Sur le ponton nous attendent Colleen et Anton. Anton est le frère de Dave, un ami et collègue de longue date, qui m’avait fait promettre de venir le voir si nous passions au Cap. Et donc, à peine arrivés, nous voici embarqué pour un excellent repas suivi d’un tour vers la montagne du Lion, qui domine le Cap : la vue de nuit est aussi impressionnante que celle de jour.

Cape Town by night, depuis Lion’s Head, avec la pleine lune…

A vingt-deux heures nous sommes de retour à bord, Christian avec son doggy-bag de koeksisters5. Et après une ultime vérification des amarres (car il devrait souffler fort demain), nous profitons de notre avant-dernière nuit sans quart.

Demain dimanche, nous devons rendre visite à l’immigration et aux douanes pour la sortie du pays : les bureaux sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Impératif si nous voulons partir lundi après-midi.

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1– L’eisbein est un jarret de porc, cuit en faisant griller la peau, donc croustillante. Une variante de ce que l’on peut manger en Alsace ou en Bretagne. Plutôt roboratif !

2– Et pourquoi les instruments électroniques n’auraient pas le droit d’avoir une âme ? Hein ?

3– Quoique : peut-on qualifier de raisonnables des tarifs incitant à la consommation de boissons éthyliques ?

4– Il faut au moins ça pour des républicains en circum-errance.

5– Une pâtisserie locale largement inspirée des gâteaux orientaux. Ou l’inverse…

Travaux avant la remontée de l’Atlantique.

C’est bon? Vous avez eu le temps de souffler? Les neurones ont fait une remise à zéro? On peut reprendre le cours du blog?

Alors on y retourne! Depuis le début de l’année, nous avons joués aux touristes, autour du Cap et en Namibie: si vous être sages, mais alors très sages, on vous racontera un jour…

Mais maintenant il faut y aller! Kousk Eol a été mis à sec ce matin, par vingt-cinq à trente de nœuds dans la marina: on nous a fait comprendre qu’en dessous de cinquante nœuds, il n’y avait pas de raisons de s’affoler… Et de plus, c’est la première fois qu’un bateau de 2,5 m de tirant d’eau est sorti ici. Les Sudafs, ce sont des costauds!

Kousk Eol à sec, pour la première fois depuis bien longtemps.

Bref. Premier constat: deux mois d’immobilité et quelques autres à naviguer dans des eaux chaudes ont contribué à agrémenter la coque de Kousk Eol d’une épaisse couche d’un mélange animal-végétal certes du plus bel effet, mais légèrement handicapant côté vitesse optimale… Et même si certains soutiennent que nous en tenons une, de couche, c’est la première fois que Kousk Eol en a une pareille.

Culture 100% biologique…. Le « trou », c’est pour poser les chandelles qui doivent tenir le bateau.
Ah on ne vous le fait pas dire: il y a à manger!
Même l’hélice n’a pas échappé à l’invasion…

Pleins d’ardeur, nous nous préparons à gratter, quand on nous fait comprendre, que vu le prix de la main d’oeuvre, ce serait bien vu de faire faire le boulot localement… Donc.

Pour ne pas rester les bras ballants, nous nous attaquons aux autres réparations; changement des pales de l’éolienne (cassées lors du passage trop tangent d’un fou du Cap) et réparation du réservoir d’eau avant seront au menu de la première journée.

Programme pour demain: remplacement de l’électronique pour le sondeur et la girouette/anémomètre, re-stratification de la patte d’attache du réservoir, et suivi des autres travaux.

De Mossel Bay à Simon’s Town – Adieu l’Indien, re-bonjour l’Atlantique!

Dimanche 4 décembre 2016. Nous quittons le joli mouillage de Mossel Bay à quinze heures, avec un petit vent de sud-est qui devrait nous pousser vers le Cap des Aiguilles.

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Le phare du cap St Blaize.

À peine sommes nous partis que cinq autres voiliers nous prennent en chasse, comme s’ils attendaient que quelqu’un se décide à donner le signal du départ… C’est qu’il faut avoir franchit le cap avant mardi après-midi : une dépression s’annonce, avec des vent de plus de trente-cinq nœuds dans le nez. Pour l’instant, ce sont les vagues que nous avons de face, qui ne permettent pas de prendre de la vitesse.

On n’en a pas tout à fait fini avec le courant des Aiguilles. À l’ouest de Port Elizabeth, le courant s’étale sur les bancs du cap éponyme, et une composant pousse vers la terre : au passage de Kanonpunt, un promontoire à une quinzaine de milles du cap Saint Blaise, nous avançons en crabe pour ne pas partir à la côte ! Les otaries ne sont pas rares, et on les voit sortir la tête de l’eau pour nous regarder passer.

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Comme prévu par la météo, cette première journée se fait par vent faible, et donc au moteur.

Lundi 5. Volvo a travaillé toute la nuit. Vers six heures, le vent commence à se lever un peu : on devrait pouvoir avancer à la voile d’ici deux ou trois heures d’après les GRIBs. Le Cap des Aiguilles est à environ quarante-cinq milles devant nous.

Cape Agulhas, vingt degrés est et presque trente-cinq sud, est le cap le plus méridional du continent africain. Il marque le passage entre l’océan Indien et l’océan Atlantique. Le cap de Bonne Espérance, lui, est à environ quatre-vingts milles au nord-ouest. Il doit sa notoriété au fait que c’est le premier cap après lequel les explorateurs mettaient le clignotant à gauche pour aller vers l’Asie. Et aussi parce que à partir de là, les caravelles et autres vaisseaux ne recevaient enfin plus le vent des dépressions incessantes de l’Antarctique dans le nez. Il avait d’ailleurs été baptisé par Bartolomeu, premier à le franchir, « cap des Tempêtes ». Mais son nom fut vite changé en « cap de Bonne Espérance », sans doute pour ne pas faire fuir les touristes.

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Le passage du cap des Aiguilles sera une étape mythique pour Kousk Eol : nous aurons bouclé les trois grands océans de la planète. La remontée de l’Atlantique sentira l ‘écurie… Mais ceci est une autre histoire.

Laisser Kousk Eol au mouillage à Simon’s Town n’est pas notre premier choix, mais le yacht club de Cape Town est plein pour le mois de décembre, pour cause d’importantes régates locales, de préparation de la course le Cap-Rio, et de nouveau parce que nos copains de l’ARC déboulent… On verra si on peut bouger au gré des désistements.

10h30 : le vent se lève graduellement. Nous avons maintenant vingt nœuds d’est. Le troisième ris est pris en préparation du passage du cap. Nous devrions progressivement toucher entre vingt-cinq et trente nœuds : au grand largue, les manœuvres seront plus faciles sous voile d’avant que sous grand-voile, surtout que les vagues devraient se lever. Kousk Eol file entre sept et huit nœuds dans une mer pour l’instant clémente, ce qui mérite d’être signalé.

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Il y a deux bancs au sud du cap : le Six Mile Bank et le Twelve Mile Bank. Nous pensions passer au sud du dernier, mais les voileux locaux nous ont convaincu de passer entre la terre et le premier : au sud du Twelve Mile Bank, il faut slalomer entre les bateaux de pêcheurs et leurs filets…

13h07 : nous sommes à un peu plus de quatre milles au sud du cap des Aiguilles, de nouveau dans l’Atlantique… Kousk Eol a bouclé les trois océans : sacré symbole, après le Horn et le détroit de Torres. Nous profitons de vingt-cinq nœuds de vent, malheureusement sur l’arrière, dans une mer qui commence à se former. Les pointes à neuf nœuds ne sont pas rares. Simon’s Town est encore à une centaine de milles, juste avant le cap de Bonne Espérance.

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Cape Agulhas.

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Petit SMS via l’Iridium à Cathy: « On passe le cap! ». Réponse : « Mythique ! Moi je passe l’aspirateur… ». L’important, après tout, est de bien réaliser le caractère unique des événements qui illuminent notre quotidien, et de les vivre intensément.

16h15 : le vent souffle toujours, mais comme nous nous sommes rapprochés de la côte, la mer est moins forte. Nous sommes bien partis pour arriver de nuit au lieu du matin comme prévu…

Mais bien sûr, le vent ne tient pas… Quelques heures plus tard, nous doublons le promontoire de Danger Point, à environ trente-cinq milles de l’entrée de False Bay, au fond de laquelle se niche Simon’s Town. Ah, les premiers marins se révélaient être des poètes quand il s’agissait de baptiser les lieux remarquables… On imagine sans trop de peine les peurs et les angoisses de ces découvreurs devant la rudesse de l’environnement.

Mardi 6 décembre. Une heure du matin : Kousk Eol entre dans False Bay. Le phare du cap de Bonne Espérance est à dix milles à l’ouest, et Simon’s Town à dix-huit au nord-ouest. Le vent est tombé : le moteur s’y recolle et la vitesse ajustée pour arriver au petit jour.

Un banc de dauphins vient tourner autour de Kousk Eol dans l’eau phosphorescente : le spectacle est féerique !

Cinq heures : le ciel se teinte de rouge à l’est. Cette fois, ce sont les otaries qui nous accompagnent pour les derniers milles. La température est très fraîche : pas l’idée qu’on se fait généralement du climat en Afrique. Mais ici, le vent du sud vient directement de l’Antarctique. D’ailleurs les manchots l’ont bien compris : eux aussi viennent tourner autour de nous. Les eaux doivent être très poissonneuses : des centaines de cormorans traversent la baie au petit matin.

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Lever de soleil en entrant dans False Bay.
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Petit phare dans False Bay, juste avant Simon’s Town.
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Cormorans à la fin de leur quart de nuit…

Six heures : nous sommes amarrés à un coffre devant la marina de Simon’s Town : premier mouillage dans l’Atlantique, et à l’ouest du cap de Bonne Espérance…

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Le port militaire de Simon’s Town.

Huit heures : après un petit déjeuner à bord, le bureau de la marina ouvre. Et ô miracle, nous avons une place à quai, au milieu des otaries ! C’est plutôt rassurant pour laisser le bateau pendant que nous serons en métropole pour les fêtes de fin d’année.

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La petite marina de Simon’s Town.