Vers les Samoa américaines

13 mai. Ce ne serait pas un vendredi, des fois ?

Petite vérification de routine des fonds avant de partir. Horreur ! Plein d’eau… Douce ! Une inspection rapide désigne le coupable : c’est le tuyau de la douchette de cockpit qui s’est défait. Nous venons de perdre un quart de réservoir…

ByeSuwarrow
Bye bye Suwarrow…

À peine quitté le magnifique mouillage d’Anchorage Island sur l’atoll de Suwarrow, vers dix heures, et la passe franchie, que les deux lignes ploient en même temps : un beau fusilier (dont personne à bord ne connaît la dénomination scientifique exacte, mais qui fera très bien dans nos assiettes) accroché à chacune. Dans la précipitation, Maurice, notre cynégéticien des mers du Sud, se saisit mal du premier nourrain océanique, qui lui glisse des mains et lui plante le deuxième hameçon du leurre dans le bas de sa jambe… Et dans l’Océan Pacifique, c’est bien connu, on ne pêche pas avec des hameçons de réré.

À partir d’ici, la rédaction suggère fortement au lectorat sensible que l’évocation du sang et de la souffrance atroce mettrait au bord de la pâmoison de sauter les lignes et images qui suivent.

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Bobo, Maurice.
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Il y a quelques raisons…

Sur un voilier, il faut savoir se débrouiller avec les moyens du bord. Sur Kousk Eol, suréquipé, il n’y a pas moins de quatre trois1 deux possibilités : soit déclencher la balise de secours, soit prendre la boite à outils. Après concertation entre les personnes concernées (C’est-à-dire ce couple de sadiques d’André et Claude), l’opération extraction se fera à la pince multiprise et aux tenailles.

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Opération toute en finesse…

Et Maurice, dans tout ça ? Il restera stoïque jusqu’au bout, faisant preuve d’un courage hors norme, n’hésitant pas à partager avec nous la grande richesse de ses connaissances en matière d’injures variées. Avouez tout de même que notre Momo a une façon bien à lui de prendre son pied. Rassurez-vous : le poisson coupable a fini en carpaccio, huile d’olive, jus de citron et épices. La vengeance est un plat qui se mange froid, comme tout le monde le sait.

LeCoupable
Le coupable.

À part ça, notre prochaine étape est Pago Pago, dans les Samoa américaines, à environ quatre cent cinquante milles, toujours à l’ouest. Cette première journée est un peu compliquée : nous sommes toujours légèrement trop au nord par rapport aux alizés, et nous retrouvons dans une zone de grains, synonyme de vent variable en direction et force. Il faudra donc jongler avec les voiles, (génois, puis Code D, puis re-génois, puis spi, puis re-génois pour la nuit, puis de nouveau le Code D) les écoutes, la barre. La première nuit sera particulièrement éprouvante, très éloignée des quarts plutôt cool que nous commencions à considérer comme la norme à bord : rafales à plus de trente nœuds, trombes d’eau…

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Sous Code D.

14 mai : aujourd’hui il a fait très beau. Mais très chaud ! Qui a dit qu’on n’était jamais content ? Le vent est plein est, et on va vers l’ouest : avec la houle, impossible de rester vent arrière, donc on tire des bords de grand largue, qui rallongent un peu la route, mais permettent d’avancer plus confortablement et en fatiguant moins le bateau. Le temps s’améliore chaque jour : vents plus stables, nuages plus clairsemés et mer plus tranquille.

LeverSoleil
Banal lever de soleil sur le Pacifique…

La lune a recommencé à éclairer nos nuits. Et toujours personne à l’horizon depuis notre départ de Bora Bora : il nous semble que l’immensité du Pacifique est à nous seuls…

Nous devrions arriver après-demain soir à Pago Pago, si le temps se maintient. Le Code D ne chôme pas : il est à poste depuis hier sans discontinuer et nous tire gaillardement autour de sept nœuds. Sur la carte, nous notons la présence de plusieurs volcans sous-marins, en activité.

16 mai : l’île de Tau, la plus orientale des Samoa américaines, très montagneuse, est en vue à presque trente milles au nord. Encore soixante-dix milles avant l’île de Tutuila, sur laquelle se trouve Pago Pago, seul port d’entrée. Il fait toujours très beau, et le Code D ne chôme pas.

SalonOuOnCause
Dernier salon où l’on cause.

On ne peut en dire de même d ‘Éole : cette feignasse a décidé, tout à fait unilatéralement, que l’horaire syndical était atteint, et qu’on pouvait plier les gaules. L’anémomètre indique un souffreteux cinq nœuds : tout le gréement se met à claquer dans la petite houle. Pas bon. Il est temps de tout affaler et de prendre son mal en patience : nous en profitons pour faire trempette. En dessous de nous, plus de quatre mille mètres de grand bleu : imaginez le Mont Blanc à l’envers. Ça ne vous donnerait pas le vertige, à vous ?

L’essentiel est que ça sente un peu moins le chacal à bord…

Presque trois heures plus tard, le vent reprend un peu, de sud-est cette fois, et c’est au bon plein que nous repartons, génois et grand-voile. Les prévisions sont que l’on devrait arriver de nuit, dans un endroit qu’on ne connaît pas : on fait confiance aux Américains pour avoir balisé convenablement.

DerriereMer
Vers l’avant c’est pareil.

Effectivement, nous sommes à la première bouée verte du chenal vers le port de Pago Pago vers une heure du matin. Appel à la VHF, mais y a person qui répond. Nous nous mettrons

donc à couple d’un bateau de pêcheur en attendant l’ouverture des bureaux.

17 mai, huit heures : le capitaine du port nous demande de venir devant la capitainerie, à couple d’un remorqueur où nous attendent les autorités. Douane, immigration, inspection sanitaire : tout se fait sur le quai, presque sous la pluie, avec des fonctionnaires samoans en jupe traditionnelle noire.

Pago Pago est un gros bourg, avec, devinez, un MacDo. On attend que la pluie cesse et on vous raconte…

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Amarré au tug boat.
Tug2
On est bien à Tutuila…

1– Pour une raison incompréhensible et inconnue de nous, Maurice a catégoriquement refusé que nous prenions la trousse à chirurgie. Et je ne parle même pas de la scie à métaux.

2 réflexions sur « Vers les Samoa américaines »

  1. Salut l’équipage, on voit que vous êtes toujours au petit soin pour Maurice ! Nous sommes à Niue et en attendant le vent on fait du tourisme, notre planning est un peu serré alors on va directement aller au Vanuatu, on espère vous revoir dans ces eaux.
    Amitiés
    L’équipage du Thetis.

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