Ténérife et Santa Cruz

Je vous rappelle : nous sommes arrivés dans la marina de Santa Cruz mardi 22 novembre en début de soirée, par une nuit noire, sans lune, dans une marina plus que chichement éclairée. Comme par magie, une lampe torche semblait faire des signaux : c’était Julio, de la marina, qui nous avait vu entrer, alors que nous pensions que tout était fermé…

Et à 20 heures 15, fatigués, nous sommes amarrés sur un catway. Et nous ne tardons pas à aller nous affaler sur nos couchettes… Pour nous réveiller, tout neufs, le lendemain vers 9 heures.

Le bricolage ne tarde pas : après les formalités au bureau de la marina, c’est l’étanchéité du capot avant qui subit nos assauts, et se rend très vite.

Deuxième cible : la prise d’eau du réservoir d’eau douce avant, dont la fixation a lâché. Mais il faut aller acheter un bout de tuyau pour la réparation.

Idem pour la bosse de ris : il faut la remplacer, la bougresse ! Et donc nous voila à la recherche d’un shipchandler. Le premier ferme sous notre nez : horaires d’ouverture de 9 heures à 14 heures 30… Cool. Le deuxième est bien ouvert : il nous vend une chute de rouleau de la bonne longueur avec une bonne ristourne, mais n’a pas de tuyau. Heureusement, une ferreteria pas loin a ce qu’il faut.

Pendant ce temps, Anne-Sophie explore les environs pour trouver un endroit où manger ce soir.

Retour au bateau : pendant que l’un répare la prise d’eau, l’autre repasse la bosse dans la bôme. Enfin presque : un juron fait vite comprendre qu’un léger problème est survenu : le messager passé avec difficultés ce matin s’est décroché de la nouvelle bosse, et il faut tout reprendre depuis le début…

Côté réservoir, la réparation est rapide. Petit essai en branchant la pompe : elle tente d’aspirer pendant cinq bonnes minutes sans amener d’eau aux robinets… Mierda, comme ils disent ici. En fait, c’et la pompe qui s’est finalement mise à la retraite, et qu’on remplace par celle achetée à Toulon. Et là, ça marche ! Enfin presque : malgré les péremptoires assurances du shipchandler, la nouvelle pompe n’est bien sûr pas complètement compatible avec l’ancienne…

Tout ceci nous aura bien occupés, et nous décidons qu’une petite douche suivie d’un apéro, et complétée par un resto, était de mise. Pas pire.

Jeudi 24. Normalement, nous aurions dû louer une voiture pour visiter l’île. Mais nous sommes loin d’avoir terminé les réparations. Nous décidons donc de rester une journée de plus et de partir samedi.

Nous venons finalement à bout de la bosse de ris assez rapidement. La tirette du tangon est changée dans la foulée. Reste à vérifier les réas des poulies de drisses dans le mât. Donc il faut monter en haut du dit mât. Rien de mieux pour impressionner Anne-Sophie…

Vue d’en bas…
Vue d’en haut…

Que dalle ! Les réas en place sont en bon état, mais commentaire d’AS : « Ça va ? Tu t’es bien amusé ? ». M’en fout, ce soir je me prends un ti punch…

Sinon, la marina est bien entretenue, mais morne… Aucune activité annexe, comme bar ou restaurant. Même faire le plein de gasoil pose un problème. Son intérêt principal est de ne pas être chère, et de se trouver en centre-ville.

De grosses unités sont amarrées dans le port, y compris deux énormes barges de forage pétrolier en révision. De l’autre côté de la marina, les croisiéristes n’arrêtent pas, et de véritables immeubles flottants déversent leurs touristes quasiment tous les jours.

Les immeubles flottants dans le port de Santa Cruz.
Il y a quand même quelques belles unités…
Le von Humboldt II et ses « élèves ».
Il n’y a pas que sur Kpousk Eol qu’on monte au mât.
Mais c’est tout de même Kousk Eol le plus beau, en tout objectivité.

Comme il reste un peu de temps cet après-midi, nous nous lançons dans la réalisation d’une protection solaire pour le cockpit, en navigation. C’est pas gagné, mais on vous expliquera.

Vendredi 25. Nous arrivons à louer une voiture. Enfin, une Fiat 500, seul véhicule disponible : on va se la jouer Grand Bleu… Il ne fait pas beau quand nous partons, et nous avons même de la pluie dans la montée de la très belle route qui traverse l’intérieur de l’île. Notre bolide conduit de main de maître par Anne-Sophie nous montera à plus de 2000 mètres. La route domine vite la côte nord, très bâtie.

Puis le volcan Teide, 2715 mètres et point culminant d’Espagne, nous nargue droit devant. Son isolation le rend impressionnant. Nous décidons de ne pas monter, par manque de temps, mais aussi reculant devant le tarif prohibitif du téléphérique (115 € par personne).

Le volcan Teide.
Le versant sud-est et sa mer de nuages.

Redescente vers la côte nord, puis cap à l’ouest avant de basculer sur la côte sud-est et retour vers Santa Cruz, avec un petit stop au Carrefour du coin pour le complément de courses. Ce petit tour de l’île était sympa, mais ce n’est probablement pas là que nous viendrons passer nos prochaines vacances…

Le départ est toujours prévu pour demain matin samedi. L’alizé semble bien établi, et nous ne devrions pas avoir à descendre trop au sud pour l’attraper.

Pas de mise à jour du blog avant un petit moment !

De Gibraltar aux Canaries

Jeudi 17 novembre, 8 heures : l’équipage prend un dernier petit déjeuner au calme avant de faire les ultimes formalités avant le départ vers les Canaries :

  • Prendre les dernières prévisions météo : on devrait se faire un peu secouer, mais le vent pousse dans le bon sens.
  • Revoir la stratégie pour traverser le détroit, en fonction du courant, du vent, etc.
  • Faire un stop à la capitainerie pour payer notre séjour.
  • Puis aller vers l’aéroport de Gibraltar faire le plein de gasoil, bien moins cher que côté espagnol.
Petit arc e n ciel pour le départ. Celui qui dit que le Sea Gipsy est plus beau que Kousk Eol n’a rien compris aux vrais voiliers…

Le vent d’ouest commence à bien s’établir, et évidemment, côté marée, on ne peut pas dire que nous ayons eu tout juste… Bref, premier bord de près et nous voilà de retour devant la baie d’Algesiras : bord carré d’anthologie !

La solution sera de raser la côte espagnole jusqu’à Tarifa, sous grand-voile appuyée par le moteur : cette fois la tactique est bonne ! Œil sur le sondeur, Eric arrive à attraper un semblant de contre-courant, et nous virons finalement vers le Maroc devant le phare de Tarifa.

C’est Anne-Sophie, à la barre, qui a l’honneur et le privilège extrême d’à la fois traverser le détroit, passer de Méditerranée en Atlantique et quitter l’Europe pour l’Afrique…

Le vent fraîchit comme prévu, montant jusqu’à 30 nœuds, et nous pensons arriver rapidement, en moins de cinq jours, aux Canaries. Mais nous sommes en voilier, et rien ne se passe exactement comme prévu. D’abord, Éole est loin d’être constant, puis la mer très désordonnée, et les quarts un peu compliqués, ce qui n’est jamais une garantie de bonnes moyennes… Cependant, il en faut plus pour entamer le moral de l’équipage !

Dans la nuit de vendredi à samedi, il a même fallu mettre le moteur : le manque de vent et les vagues faisaient que le bateau tournait sur lui-même… Situation qui ne dure pas.

Au petit matin…

Samedi 19. La petite brise du nord-est semble se stabiliser, permettant de mettre les voiles en ciseau. Stabiliser, oui. Mais autour de 20 nœuds tout de même. Et la mer ne se calme pas. La nuit sera fatigante : personne n’arrivera à dormir… Le roulis incessant et fort est comme un massage carrément tonique, du genre à vous laisser plus courbatu après qu’avant…

Quant à manger ou boire sans en renverser, je préfère éviter le sujet.

Et la journée suivante sera du même acabit. Point positif : nous avançons relativement vite, rattrapant un peu le retard pris au début. Mais évidemment pas assez vite pour empêcher un groupe de petits dauphins de venir nous narguer à l’étrave.

Sinon, l’équipage est bien amariné, et les manœuvres sur Kousk Eol n’ont plus de secret pour Anne-Sophie et Eric. Quand, sortant le nez de mon bouquin, je clame : « Sans vouloir vous commander, il faudrait larguer… », la réponse est immédiate, n’attendant même pas la fin de la question : « C’est fait depuis un moment, retourne admirer les photos d’Aliocha ! ». Avec une petite lueur bizarre dans un regard brillant qui en dit long. Sans tomber dans la paranoïa, je me demande si ces deux-là n’ont pas subrepticement pris le contrôle de Kousk Eol, et n’envisagent pas de me débarquer à Tenerife… Je me demande… Bon, bien sûr, je dis ça, je dis rien…

Le soir, petite inspection de routine, pour s’apercevoir que la bosse de ris numéro 2 (écoute) a cassé au niveau de l’œillet de la grand-voile… Bosse que nous venions de changer par une nouvelle achetée à Gibraltar. Ça alors ! Le troisième ris est rapidement pris pour ne pas abîmer la voile, et c’est un peu sous-toilé que nous continuons, dans quinze nœuds de vent, voiles toujours en ciseau : nous jouerons avec le génois pour donner un peu plus de puissance quand il le faudra.

À part ça, Kousk Eol roule toujours autant dans une mer qui met du temps à s’ordonner. Et l’équipage a un peu de mal à trouver un sommeil un tant soit peu réparateur. Mais Tenerife est à 180 milles : on commence à voir le bout de cette traversée.

Lundi 21. Le vent faiblit, et par voie de conséquence, la mer se calme un peu dans la journée. Pour ne pas perdre la main, nous empannons dans l’après-midi afin de suivre une route plus directe : manœuvre effectuée sans coup férir, de main de maître, comme il se doit, avec une synchronisation entre les trois membres de l’équipage exemplaire1. D’ailleurs un groupe de dauphins vient batifoler à l’étrave, sûrement pour nous féliciter. Je ne vois que ça…

Heureusement, Anne-Sophie n’est pas toujours à la manœuvre…

Mardi 22, 10 heures : Tenerife n’est plus qu’à 60 milles. Le nord-est continue à nous pousser autour de 6 nœuds : on devrait être dans le port vers 20 heures…

May Day à la VHF : quelqu’un serait tombé à la mer du côté de la Grande Canarie… Un peu plus tôt, c’est apparemment un bateau de migrants en panne qui s’est fait remorquer.

Re-May Day : cette fois, on parle de deux personnes à la mer…

13 heures 35 : « Terre en vue ! ». Il reste une quarantaine de milles, mais Éole semble insensible à notre impatience d’arriver. On se demande s’il n’est pas en train de faire une petite sieste. À l’Espagnole…

Tenerife en vue!

18h40 : encore 15 milles, et toujours peu de vent. Il est unanimement décidé que Perkins s’y colle…

En attendant, petit bilan des réparations qui nous attendent :

  • Bosse de ris 2 à changer (à nouveau).
  • Prise d’eau réservoir avant à revoir : l’attache du réservoir a bougé, probablement à cause de la mer.
  • Réa de drisse ou balancine cassé : il faudra monter au mât pour vérifier.
  • Pompe WC cabine avant ne pompe plus… Embêtant pour une pompe.
  • Étanchéité capot de pont avant à revoir.
  • Remplacer tirette du piston de tangon, cassée.

Nouveau May Day : les deux personnes à la mer au sud de la Grande Canarie sont toujours dans l’eau, et le jour tombe… Pas cool…

Nous finissons au moteur, le vent refusant de nous accompagner jusqu’au bout. Et nous nous amarrons dans la marina Santa Cruz de Tenerife à 20 heures 15, où Julio nous attendait avec une lampe torche pour nous guider dans la nuit noire, sans trop d’éclairage…

Demain, il devrait faire jour selon les dernières prévisions : on vous racontera la suite. Éventuellement. Peut-être…

  1. Moi je dis ça, je dis rien, mais il me semble, je dis bien il me semble, que si nous ne nous passons pas nous-mêmes un petit coup de brosse à reluire, personne ne le fera à notre place. Me trompé-je ?’

Gibraltar

Donc, disais-je, nous arrivons sous le rocher de la discorde britannico-espagnole lundi 14 novembre 2022.

L’objectif principal de la journée, je vous le rappelle, est de satisfaire le désir d’Eric d’un fish’n’chips. Il aurait soit-disant dégotté un resto à côté de Main Street qui devrait nous convertir à la cuisine traditionnelle britannique… Nous demandons à voir. Parce que Kousk Eol a ses habitudes dans un pub un peu plus loin…

Vers 16h30, douché de frais, l’équipage s’élance d’un pas conquérant vers Gibraltar, à un petit quart d’heure de la marina. La frontière est franchie sans problème. Rappelez-vous : juste après celle-ci, il faut franchir la piste de l’aéroport. Mais quand il y a un avion prêt au décollage, ben il faut attendre… C’est évidemment ce qu’il nous arrive.

L’attente n’est pas trop longue, et nous pouvons entamer la soirée par un apéro (léger) sur le waterfront local. Où Eric continue à nous vanter1 les vertus du fish’n’chips du Vinopolis Gastrobar : il faut dire qu ‘avec un nom pareil…

La terrasse est plutôt sympa, tout comme le service. Ainsi que le vin espagnol. Enfin arrive le mets tant attendu. Bon, il faut bien le dire, c’est plutôt pas mal pour des Anglais… Même les frites sont bien cuites. Il va me falloir beaucoup de mauvaise foi pour les convaincre d’essayer l’Angry Friar, car, évidemment entre mâles prétendus dominants, il est hors de question de dire que ce fish’n’chips est le meilleur. On verra ça demain !

The top of the Rock

Le lendemain donc, mardi 15, le programme est de monter sur la crête du Rocher. Et ça commence mal : la rue, raide, que nous prenons est fermée. Il faut donc faire demi-tour et aller prendre une autre route raide un peu plus loin.

Nous arrivons finalement à la Ohara’s Battery, dont le canon domine le détroit. Les côtes d’Afrique paraissent toute proches, malgré le ciel couvert.

Vue sur l’Afrique depuis la batterie O’Hara qui surveille le détroit.

Puis nous remontons vers le nord et l’arrivée du téléphérique. La vue sur la baie d’Algésiras est magnifique. Quelques singes ne daignent même pas nous regarder passer.

La baie d’Algésiras vue du haut.
Des fois, il y en a qui coulent…
Sur la crête.
La DRH de Kousk Eol interviewant des candidats équipiers sachant monter au mât…

Nous redescendons vers Main Street par les escaliers du Charle’s V Wall, qu’il faut partager avec les macaques qui se prélassent sur les marches étroites. Il faut savoir que ces animaux ont d’impressionnantes canines qui nous incitent à la prudence en les croisant !

Parfois, il faut négocier le passage…
660 marches à descendre…

Il est plus de 13 heures lorsque nous sommes en bas : juste à temps pour la deuxième phase de l’essai comparatif. Direction The Angry Friar, lui aussi crédité du meilleur fish’n’chips du coin. On va voir ce qu’on va voir. La bière, une pinte chacun, est bonne et fraîche : désaltérante à souhait après nos presque 4 heures de marche. Puis arrive LE plat. Et là, déception : très peu à voir avec le plat d’hier… Frites mal cuites et poisson plutôt graisseux… Mais il ressemble plus aux fish’n’chips que l’on trouve dans un papier journal sur les quais des ports anglais. Plus authentique, koâ. Mais malgré toute la mauvaise foi dont je peux être capable2, le verdict est sans appel : Eric a gagné. Il faut le retenir avant qu’il ne monte sur une table pour danser et exprimer sa joie de compétiteur dans l’âme3.

Puis repus et fatigués, nous rentrons au bateau pour une petite sieste avant quelques courses pour le soir, et commencer à se faire peur avec la météo. Au fait, Eric a eu des crampes d’estomac tout l’après-midi… Petite nature ! Mais le ti punch a effacé tout ça, et on a eu droit a une dernière salve d’autosatisfaction sur le choix des restos.

  1. Il faut bien mériter notre surnom de radoteurs…

2. Cathy vous le confirmera.

3. Non, vous n’êtes pas obligés de croire tout ce que je raconte. Non.