Et hop! on y retourne…

Ça faisait bien trop longtemps que Kousk Eol se morfondait autour de Toulon. La dernière traversée remonte à mai-juin 2021 tout de même, pour rentrer de Guadeloupe.

Le projet de retraverser prend corps petit à petit : il faut dire que cette dernière tentative de navigation aux Antilles s’était colletée avec la covid 19. Et avait évidemment perdu : gendarmes au bout du quai pour empêcher toute velléité de vadrouille… D’où frustration profonde, même si le blocage était évidemment pour la bonne cause. Et à l’été 2022, une date provisoire est arrêtée pour une nouvelle tentative, un équipage formé, et une date de départ fixée : ce sera le 8 novembre.

8 novembre 2022

Les jours précédents ont été consacrés au toilettage et au rangement de Kousk Eol (Merci Cathy !), à quelques réparations (coutures de la capote, pompe de cale, pompe de refroidissement du moteur, changement de la ligne de vie, etc.) et bien sûr à l’avitaillement.

Le 8 au matin, le dernier café-croissants avalé avec les proches, et les dernières courses de frais faites, les amarres sont larguées à 11 heures 20 précisément. Le vent de sud-est nous pousse au largue, à plus de 8 nœuds, vers les Baléares à un peu plus de 200 milles.

Nous ? Mais d’abord, c’est qui, nous ?

Ben il y a tout d’abord Anne-Sophie, notre copine de Trégastel que Cathy a embringué dans cette aventure. Ce sera sa première traversée océanique.

Puis Eric, vieux copain des bancs de prépa à Nice, grand voileux devant l’éternel : Fastnet, Tour de France à la voile (1er), et 5 transatlantiques à son actif.

Le grand absent sera Aurélien, jeune impertinent depuis plus de douze ans, bloqué au dernier moment par des impératifs professionnels (c’est le seul non-retraité de la bande).

Pour compléter l’équipage, « ils » ont donc dégotté un troisième, Claude, toujours présent pour les mauvais coups, surtout à bord de Kousk Eol.

Je disais que le vent nous poussait au largue : c’était trop beau pour durer. Le bougre refuse, nous obligeant à faire du près. Et en plus il est froid et humide : la première nuit sera un vrai amarizutage1. La météo nous laisse espérer un vent de nord un peu plus fort en fin de journée. Journée que se déroule plutôt tranquillement, Eric et Claude cassant les oreilles d’Anne-Sophie avec leurs souvenirs d’anciens combattants. Les surnoms sont d’ailleurs vite trouvés : le petit oiseau du bord (qui mange ses graines) et les tontons gâteux et radoteurs…

La deuxième nuit tombe sans que le vent ne se soit levé, et c’est au moteur que se fera le premier quart. Vers 23 heures, appel d’Anne-Sophie : « Claude, tu devrais venir, je crois que le vent se lève ! ». Effectivement, avec un peu de retard, un zéphyr un peu costaud commence à souffler de l’arrière. Et pas qu’un peu… Il monte progressivement jusqu’à quarante nœuds, un peu au-dessus de ce qu’avait prévu la météo, et sous trois ris avec un tiers de génois, Kousk Eol dépassera régulièrement les onze nœuds en mode casserole avec essoreuse dans une mer devenant dure et humide. Les vagues ne se privent pas de se mêler vicieusement à la pluie, en passant sur les côtés de la capote, arrosant copieusement l’équipier de quart. Qui évidemment, très prévenant, n’avait pas mis son pantalon de ciré… Bref, une nuit dantesque2.

Mais le moral est bon, et ce n’est pas cette nouvelle journée grise qui va l’entamer.

  1. Amarizutage : néologisme typiquement kouskéolien, combinaison d’amarinage et de bizutage. Il faut bien que l’expérience entre.

2. On attribue nombre de situations scabreuses au sieur Dante, pauvre homme. Mais avait-il au moins déjà fait de la voile ? Je pose la question.

Jeudi 10 novembre

La journée sera beaucoup plus tranquille. L’objectif est de se poser à Carthagène demain soir, histoire de faire une pose réparatrice, avant Gibraltar.

Le vent passant plein nord, les voiles sont mises en ciseau et Kousk Eol avance bon train entre les Baléares et la côte espagnole. En début d’après-midi, le vent forcit, sous un ciel couvert : deux ris dans la grand-voile et un demi génois nous poussent vers le Cabo San Martin, à l’ouest d’Ibiza.

Dans la nuit, le moteur est mis vers 2 heures le vendredi, à la fois par manque de vent, et parce que les panneaux solaires n’ont pas pu faire leur boulot, les rayons du soleil ayant eu du mal à se frayer un passage à travers les nuages. Et sans batteries, plus de pilote automatique…

Vers 5 heures, un bruit de moteurs puissants se fait entendre : un bateau très rapide, à coque sombre et sans lumière double Kousk Eol à une cinquantaine de mètres, dans la nuit noire… Curieux…

Puis le vent revient vers 9 heures. Et avec lui de gros nuages gris foncé, sous lesquels d’impressionnants éclairs jouent à nous faire peur. La décision est prise de passer la nuit à Alicante, à environ 45 milles, plutôt qu’à Carthagène comme prévu, où nous ne pourrions pas arriver avant le coucher su soleil. Un énorme nuage noir barre l’horizon vers la côte : il va falloir le traverser. Le vent devient très erratique, avec des pointes à plus de 35 nœuds, et nous jonglons entre les voiles et le moteur, sous la pluie. Si forte qu’un petit oiseau vient même se mettre à l’abri. Avec toujours de beaux éclairs devant nous.

Après avoir avalé quelques morceaux de saucisson et d’un excellent fromage de chèvre (celui de Nicole et Baptiste : ils se reconnaîtront !), avant l’arrivée, c’est de la grêle qui nous tombe dessus. Mais comme on n’a pas le droit de boire à bord (décision prise en haut lieu et non discutable1), les glaçons seront perdus pour l’apéro…

Appel à la marina d’Alicante : « Ah ben non, monsieur, on n’a pas de place pour vous ce soir. Allez voir dans une autre marina… ». Eric a la bonne idée d’appeler le club royal de régates d’Alicante (carrément), juste à côté de la marina : ô surprise, eux ont une place pour nous… Nous nous amarrons au ponton, dans le club. Ça fait toujours drôle de mettre pied à terre après quelques jours à se faire secouer : même le sol semble bouger ! Petite douche avant l’apéro dans le club royal (il faut ce qu’il faut). Puis resto en ville.

Mais ceci est une autre histoire. On vous la racontera peut-être. Un jour…

  1. Bon d’accord, il y a quelques dérogations possibles. Mais sous contrôle !

Traversée Pointe à Pitre-Toulon Mai-Juin 2021 : Barcelone-Toulon

Vendredi 25 juin 2021

Ça me navre un peu qu’il y ait encore des lecteurs trouvant un quelconque intérêt aux inepties accumulées sur ce blog. Mais bon… Après tout, il y a bien des téléspectateurs pour CNews…

Bref. Il est temps pour nous de repartir vers la destination finale de cette traversée démarrée le 12 mai à Pointe-à-Pitre…

Nous venons de passer deux jours à Barcelone, à la fois pour y déposer Richard qui reprenait le train pour Grenoble, et pour nous reposer un peu.

Barcelone est une ville extraordinaire sur bien des plans. C’est une cité très vivante, bien sûr avec les ramblas, mais aussi autour du quartier du port, entièrement rénové. L’architecture y est débridée, et pas seulement à cause de Gaudi. On ne compte pas les terrasses où s’arrêter pour une bière et des tapas. Bref, c’est une excellente étape.

Nous en profitons quand même pour bricoler un peu ; un voilier qui navigue s’use, et a besoin de soins réguliers… Nous vérifions les chariots de grand-voile ; rien n’a bougé depuis la réparation à Gibraltar ! Entre temps, le cardan de la cuisinière a décidé que lui aussi avait besoin d’un peu d’attention : un des axes avait rompu, et le deuxième, par pure jalousie, menaçait de faire pareil…

A 7h40, nous larguons les amarres du Porto Olimpic pour Toulon. La météo nous promet pétole pour la première partie du trajet, et ne se trompe pas : nous brûlons donc un peu de nos réserves de résidu organique fossile.

Bye bye Barcelone.

Mais sur le coup des onze heures, une petite brise, en partie thermique grâce à la proximité des côtes et un soleil radieux, permet de dérouler le génois. Et entendre l’eau bruire le long de la coque de Kousk Eol, dans vingt centimètres de vagues, à peine gîté et à plus de sept nœuds, est un plaisir dont on ne peut jamais se lasser…

La journée s’écoule tranquillement. En début de soirée, cri de Gianni et Bernard, depuis le cockpit : « Des baleines ! Des baleines ! ». En fait, un couple de globicéphales vient reprendre son souffle juste à l’arrière de Kousk Eol : ce sont vraiment de très gros dauphins…

Spécial A-S

Les dérapages verbeux du scribouillard de service qui ne rate jamais l’occasion de se la péter amènent parfois des commentaires plus ou moins critiques de la part de certaines lectrices1 quant à l’utilisation de vocables que l’on qualifie trop rapidement de désuets, voire pédants.

Pour ma défense, sans tomber dans un autocatégorème suspect, permettez-moi une prosopopée pour la liberté d’expression du coryphée du bord. Mes galimatias souvent abscons, mes lyriques hypotyposes, sont en général jaculatoires, de pures luthomictions, éventuellement un reflet de mon opsimathie.

Je pense humblement vous avoir convaincues par cet exposé suffisamment clair et limpide pour éviter une quelconque épanorthose. Non ?

Samedi 26

La nuit elle aussi est tranquille. Il faut bien faire un empannage, car le vent passe plus à l’ouest, ce qui nous ramène un peu mieux sur notre route. Mais bon, ça, on maîtrise.

Puis le matin, le vent vient carrément de face, en mollissant : vive Volvo à nouveau !

Nous ne sommes pas sûrs d’avoir une place à Toulon : la capitainerie nous a prévenus que le port était plein… On va tenter quand même. Comme solution de secours, nous pourrons toujours aller à Saint Mandrier, de l’autre côté de la rade, où le capitaine de port, une vieille connaissance, a promis de nous dépanner.

En attendant, Bernard, toujours sur sa promesse de sushis et autres sashimis, compte les leurres avalés et emportés par des poissons récalcitrants à l’idée de finir accomodés de wasabi…

Comme on ne peut compter sur lui pour se remplir la panse, il faut improviser à la cuisine. C’est une association italo-française qui s’y colle : « Si on faisait un risotto ? » « Pourquoi pas, mais avec du riz basmati importé du Pakistan2 ? Et des courgettes ? Et un œuf mollet sur le dessus ? » « Alors, par pur respect pour la la culture italienne, on va l’appeler Ersatz de Risotto à la Kousk Eol. ». Torchée qu’ils l’ont, la poêle, les morfales !

Ce samedi est un des premiers week-ends de sortie pour beaucoup de bateaux : le canal 16 de la VHF n’a pas beaucoup de repos. Et les PAN PAN3 s’enchaînent.

Puis sur le coup des 17 heures, le GSM se réveille à une quinzaine de milles de la côte, et un SMS nous apprend que finalement nous avons une place à la Vielle Darse… Alléluia4 !

Il est environ 20 heures, nous voici amarrés à la Vieille Darse. Bon d’accord, après presque 12 heures de moteur. Mais à la fois contents d’être arrivés et tristes que ce soit terminé.

La fine équipe.

_____________________________________

1 De certains lecteurs aussi, mais ayant une répulsion certaine pour l’écriture inclusive, il me fallait faire un choix.

2 Je rappelle incidemment pour les nombreux inculturés qui se seraient perdus devant ces inepties que le riz basmati (parfumé) vient de la région du Penjab en Inde, pas du Pakistan, ex très gros producteur jusqu’à une directive récente lui interdisant l’appellation… Et que le risotto se prépare avec du riso arborio per riosotto, en toute simplicité.

3 Appel au secours pour des problèmes ne mettant pas en danger des personnes : en général des pannes de carburant…

4 Ben alors, qu’est ce qu’il me prend, à moi ?

Traversée Pointe à Pitre-Toulon Mai-Juin 2021 : Gibraltar-Barcelone

Jeudi 17 juin 2021

Donc nous disions : nous sommes arrivés à Gibraltar dans la matinée, après un peu moins de sept jours depuis Ponta Delgada. Kousk Eol est amarré ponton 12, place 36 vers 11h00. L’équipage (Bernard, Jacques et Claude) ne perd pas trop de temps à aller se faire beau dans les douches : le plan est d’aller à Gibraltar, d’aller boire une bière et manger un fish’n’chips, qui comme chacun sait est une spécialité culinaire incontournable britannique.

La frontière est passée encore plus facilement qu’une lettre à la poste : côté britannique comme côté espagnol, à peine un vague coup d’œil est jeté à nos passeports. Et personne ne nous demande quoi que ce soit concernant la covid 19…

La première étape est de passer chez un shipchandler en espérant dénicher de quoi réparer les chariots de grand-voile. Espoir vite déçu, mais nous nous y attendions un peu… On re-bricolera quelque chose en attendant de trouver mieux.

Puis nous remontons Main Street, avec ses boutiques de plus en plus désuètes, avant d’arriver à l’Angry Friar, pub haut lieu du poisson-frites. Ça nous arrange de manger comme les Britanniques, un peu tôt : Richard doit arriver dans la soirée.

20h45 : Richard est à bord. Demain, nous récupérerons Gianni dans l’après-midi.

Le vendredi est consacré aux diverses réparations et nettoyage du bateau. Les chariots sont effectivement réparés le mieux possible, avec de nouvelles rondelles, en inversant la position de certains. Il suffit que cela tienne jusqu’à Toulon.

Réparation du lazy-jack.

Gianni arrive vers 14h30, et nous allons tous faire les course avant notre départ le lendemain matin. En récompense, nous nous faisons un asador, un restaurant de viande, le soir : viande excellente dans une ambiance un peu bruyante…

Samedi 19

Petit déjeuner, dernière douche et on part, après avoir réglé nos dettes à la capitainerie : 31 € la nuit pour Kousk Eol , c’est moins de moitié moins cher qu’à Toulon !

10h30 : ça y est, nous sommes partis. La météo nous promet un vent soutenu (20 à 30 nœuds d’ouest) qui devrait nous permettre d’avancer rapidement, au moins jusqu’au Cabo de Gata, après Almeria, et juste avant la remontée vers Barcelone.

Juste pour vous donner une idée du trafic autour du détroit…
La pointe sud du Rocher et la tour Victoria.

Et effectivement, ça pulse : Kousk Eol se permet des pointes à plus de 13 nœuds, malgré deux ris dans la grand-voile et le génois un peu roulé, au largue. Puis le vent continue de forcir, de concert avec la mer. Bientôt, il faut se résoudre à prendre le troisième ris, et à rouler un peu plus le génois : nous continuons malgré tout à dépasser les 12 nœuds… Le Cabo de Gata est atteint vers 10h le lendemain : environ 170 milles en ligne directe depuis notre départ, en un peu moins de 24h, alors que nous avons tiré des bords de largue ! Nous aurons fait sept empannages cette nuit ! Tous maîtrisés de main de maître.

Et c’est monté à plus de 13 nœuds…

Le vent ne mollit pas dans la remontée vers Cartagène et le Cabo de Palos. Et la mer s’est à peine assagie : au largue, nous nous faisons, doux euphémisme, un peu ballotter… Il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps ! Mais bon, il fait grand beau.

Cinq mâles dans un canot

Je suis sûr que vous vous êtes posé la question : « Mais comment ils font, cinq mecs, pour se partager l’univers assurément restreint d’un voilier ? ». Même si celui-ci est Kousk Eol. Pour les longues traversées, nous privilégions une certaine forme de confort : que chacun ait sa couchette et sa cabine. Bon, d’accord ; à quatre, il y en a tout de même un qui dort dans le carré.

A cinq, la solution la plus naturelle est de partager la cabine avant, la plus grande. Pour assurer une certaine intimité, une toile anti-roulis a été expérimentée lors de la traversée vers les Antilles. L’intérêt évident d’être plus nombreux lors des traversées est la durée des quarts : à cinq, un quart de deux heures fait largement l’affaire, et est passé relativement vite.

Par contre, l’activité « nourriture » devient un peu plus compliquée, à commencer par l’approvisionnement. « Moi j’aime bien ça : on en prend ? » « Heu, tu es sûr ? Bof, bon, si tu veux, mais pas trop… » « Ah vous avez pris ça ? Quelle drôle d’idée ! C’est dégueulasse ! ». Mais entre marins gentlemen et de bonne éducation, l’art du compromis est complètement maîtrisé : « Dès qu’il a le dos tourné, son truc de merde, je te le balance par dessus bord vite fait ! ».

Une tendance assez naturelle, au bout de quelques jours de confinement à bord, est que l’intérieur se transforme magiquement et assez rapidement en terrier de chacaux humides1. Argument imparable : les manœuvres sont plus importantes qu’une quelconque entreprise de rangement !

Finalement, ça a l’air presque rangé, non?

D’accord. Mais alors, est-on obligé de pisser autour de la cuvette des WC ? Ou de ne pas rincer complètement celle-ci ? Je pose la question… « Ouais, mais tu as déjà essayé quand ça roule de 30° sur chaque bord ? ».

Nos femmes nous disent de pisser assis… Mais c’est vachement dur !

Et l’odeur, alors ? Ben quand tout le monde est à la même enseigne côté usage parcimonieux de l’eau douce, ressource vitale et limitée à bord, on ne remarque plus. Enfin : presque plus… Heureusement qu’il y a les lingettes pour bébés !

Lundi 21

Le vent a rendu l’âme progressivement, et la mer, par solidarité, montre un encéphalogramme résolument plat : enfin on ne se fait plus secouer dans tous les sens. La nuit se termine naturellement au moteur.

Quart de nuit, cool.

La journée est magnifique : grand soleil et pas un nuage, mer d’un bleu hyalin fendue par un Kousk Eol toujours d’accord pour tracer un coruscant et éphémère sillage. Nous jonglons entre moteur et vent.

La position du barreur couché.

Vous vous en doutiez, ça ne dure pas. Les quinze nœuds des GRIB se transforment en trente nœuds, au près. De nuit, le confort ressenti n’est pas terrible, surtout qu’il y a un peu de mer, et que régulièrement, une vague joueuse passe par-dessus le pont.

Ça gite juste un peu…

« Claude, regarde, si on abat un peu, on arrive facilement à Ibiza. », plaide Gianni.

« Non Gianni, il faut qu’on arrive à Barcelone le plus rapidement possible pour le train de Richard. ».

« Oui mais c’est dommage de ne pas s ‘arrêter à Ibiza. »

« Non Gianni ! »

« Parce que tu sais, à Ibiza… »

« NON, Gianni ! »

Trois heures après, le vent a à peine faibli.

« Claude, regarde, on pourrait abattre et aller à Majorque. Je connais un bon resto avec une serv… un serveur calabrais très sympa… »

« NON, GIANNI ! »

« Mierda, je me suis encore fait avoir par les publicités mensongères, avec cette croisière sur Kousk Eol… »

Comme pour couronner cet échange, un bruit étrange monte du carré, et ce n’est pas une vague qui s’écrase contre la coque. Une rapide inspection désigne le coupable : c’est l’axe de rotation de la cuisinière qui s’est usé et a cassé… On réparera au jour.

Ce qui est fait, avec maestria. En attendant, le vent ne mollit pas, et oblige à tirer des bords qui ne nous rapprochent que très lentement de notre destination. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas fait autant de près. Du coup , l’espoir d’être ammarrés avant minuit n’est plus d’actualité. Au mieux, nous devrions arriver en début de matinée. Mais ça risque d’être juste pour le train de Richard.

Mercredi 23

Eh ben non : ce qu’il y a de rassurant avec la voile, c’est qu’on s’affranchit complètement des activités de notre vie quotidienne réglées comme des horloges. À 4h45, nous arrivons au sud de la ville . La lune s’est couchée depuis longtemps et le ciel est noir. Les lumières de Barcelone ne peuvent se rater. Caché derrière un gros nuage très sombre, on a l’impression qu’il y en a un qui n’arrête pas de prendre des photos de Kousk Eol au flash…

Et vous savez quoi ? La voile est descendue toute seule. Miracle !

Et à 6h00 nous sommes amarrés au quai d’accueil de la marina d’Ibiza, heu non : de Barcelone… Sous un magnifique arc-en-ciel sur 180°.

___________________________________

1 Un chacal humide, des chacaux humides, c’est pas compliqué, quand même ! Rien de très surprenant pour de soi-disant loups de mer. Vous ne serez pas sans remarquer que je ne fais aucune référence ici à une quelconque bauge de sangliers.