Plusieurs lectrices et quelques lecteurs1 nous ont dit ne pas comprendre certains mots, voire certaines parties de ce blog traitant de problèmes spécifiques à la voile. Désireux comme d’habitude de contenter nos abonné(e)s, ainsi que rendre moins insondables les abysses de leur méconnaissance des choses de la marine à voile, nous tenterons aujourd’hui d’apporter quelques compléments explicatifs autour de deux paramètres essentiels à la navigation sur un bateau, à savoir son cap et sa vitesse. Les navigateurs débrouillés peuvent sans peine faire l ‘économie de ce chapitre qui se cantonne à des notions de base.
Cap
Le cap, c’est la direction suivie par le navire. Comme il est plutôt rare de rencontrer des panneaux indicateurs en pleine mer, le marin un peu débrouillé cherchera cette direction sur une carte et la traduira au moyen d’un rapporteur en degrés par rapport au nord. Vous suivez ?
Puis, à la barre, il orientera son bateau dans cette direction avec l’aide du compas magnétique. Le compas, c’est une boussole. Mais « compas », ça fait plus connaisseur que « boussole », alors sur un bateau on dit « compas ». Élémentaire, non ?
Sauf que, le compas, il indique le nord magnétique. Puisqu’il est magnétique. Et même si le nord magnétique est proche du nord géographique, vrai, celui qui fait foi sur les cartes, la différence entre les deux2 peut conduire à des erreurs si une correction n’est pas appliquée. Pour compliquer les choses, la terre n’étant pas une sphère homogène, la direction de son champ magnétique varie selon les endroits où l’on se trouve : il nous est arrivé de naviguer dans des zones où la déclinaison atteignait pratiquement vingt degrés. Et se tromper de vingt degrés sur sa route peut être catastrophique. D’où l’importance de corriger cette différence : toutes les cartes marines indiquent la valeur de la déclinaison pour une région.
C’est là que la technologie vient en aide au marin. Le GPS3, vous connaissez ? C’est ce bidule que vous avez dans votre smartphone ou dans votre tablette qui vous permet de trouver votre chemin. Tous les bateaux sont équipés de GPS. Et ça fait quoi, un GPS ? Comme son nom l’indique, la fonction de base est d’indiquer sa position sur le sphéroïde terrestre, la vraie position géographique, grâce à un réseau de satellites dont la position est parfaitement connue. Donc pas de correction à apporter : le point GPS est utilisable directement4. Et comme le GPS reçoit à intervalles réguliers les informations permettant de déterminer la position, il est facile de tracer sa route, et donc d’en déduire son cap.
Conclusion : le GPS permet d’indiquer un cap, déduit de la direction entre deux positions successives. Magique, non ?
Sauf que, comme la direction est calculée d’après des positions successives, l’indication de cap fournie par un GPS n’est pas instantanée, comme avec un compas. Il faut attendre la position suivante, puis en dériver la direction avant d’afficher cette dernière.
Et, corollaire, si le bateau ne bouge pas, le GPS ne pourra pas indiquer de direction.
En général les instruments ou logiciels intégrant un GPS parlent de COG pour cette direction : Course Over Ground5.
Vitesse
Une fois que l’on sait où diriger son bateau, il est intéressant de savoir à quelle vitesse ce dernier vogue : pour prédire son heure d’arrivée, pour estimer l’impact d’un réglage des voiles sur cette vitesse, etc.
Sur un bateau, la vitesse est donnée par un instrument comportant une petite turbine se trouvant sous la coque, et entraînée par l’eau qui s’écoule le long de cette dernière. La vitesse de rotation de la turbine est traduite en vitesse, de façon très similaire à un compteur de vélo qui traduit les tours de roue en vitesse.
Oui, mais quelle vitesse, sur un bateau ? On n’est pas sur le goudron : la mer, elle est en constant mouvement. À cause du vent, des marées, des courants… Donc la vitesse indiquée n’est que la vitesse par rapport à l’eau, pas par rapport à la terre. Et comme pour le compas, il faut corriger cette valeur à l’aide de tables indiquant les courants, quand on les a… Sur un bateau, cette vitesse est souvent appelée STW : Speed Through Water.
N’y aurait-il pas plus simple, des fois ? Et là, tel un Zorro des temps modernes, GPS accoure à la rescousse, à nouveau. Si vous avez déchiffré les tentatives d’explications confuses dans le paragraphe ci-dessus, vous savez que le GPS donne une position sur le globe à intervalles réguliers. Et on obtient quoi, si on divise la distance entre deux points par cet intervalle de temps ? Eh oui, la vitesse entre ces deux points. Et ça c’est une vitesse qu’elle est vraie, car mesurée par rapport à la terre, qui, hors séisme notable, est réputée stable. Les instruments ou les logiciels intégrant un GPS parent de SOG : Speed Over Ground.
Et en comparant STW et SOG, on peut en déduire vitesse et direction des courants, ce qui permet d’anticiper les dérives potentielles. En entrant dans une passe, si on a une STW de six nœuds et une SOG de moins de un nœud, c’est peut-être que la marée descend et il faudra alors attendre la renverse. Il nous est arrivé d’entrer dans certaines passes à six nœuds (STW) et de nous retrouver à pratiquement quatorze nœuds en vitesse réelle (SOG) ! Ceux qui ont pratiqué le Raz de Sein pour entrer ou sortir du grand lagon d’Iroise savent de quoi on parle ici.
Comme pour le cap, il faut que le bateau bouge afin que le GPS puisse donner une indication de vitesse. Et de nouveau, cette vitesse n’est pas instantanée car calculée.
Le GPS que nous utilisons tous est américain, et très contrôlé par l’armée des USA. C’est une des raisons pour lesquelles les Russes ont leur système, et que l’Europe a un projet de GPS européen. C’est une des rares applications utilisant les résultats de la théorie de la relativité d’Albert6, à cause de la distance des satellites. Ces derniers sont en orbite géostationnaire, à plus de trente mille kilomètres : les ondes électromagnétiques (comme la lumière) mettent un dixième de seconde pour faire le trajet, ce qui est loin d’être négligeable, et imposent des corrections sur les positions à calculer.
Et si le GPS tombe en panne ? Des GPS, on en a généralement plusieurs sur un voilier : celui qui a été installé avec les instruments de navigation, celui de la tablette (ou du smartphone) qu’on n’aura pas oublié d’emporter7, souvent un GPS supplémentaire avec connexion USB pouvant être branché sur l’ordinateur de bord.
Au fait, on faisait comment avant le GPS ? Ben on utilisait un instrument de torture appelé sextant, et une horloge précise donnant le temps universel8. Le sextant permet de mesurer la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon, le soleil en général. En regardant l’heure au moment de son point de passage le plus haut dans le ciel (le zénith), on en déduit sa longitude (position sur un méridien). Et en mesurant l’angle par rapport à l’horizon, on en déduit la latitude (position sur un parallèle). Moyennant quelques correctifs (hauteur du sextant par rapport à la surface de l’eau et donc de l’horizon, date – parce que la hauteur du soleil à une heure donnée dépend du jour de l’année-, rayon du soleil – car on vise le bord de ce dernier et non son centre-, etc.), on obtient les coordonnées de sa position.
Rappelez vous aussi : une minute d’angle sur un méridien représente un mille nautique (mille huit cent cinquante-deux mètres9). Donc une erreur de mesure de une minute faussera la mesure d’un mille. Et une minute d’angle, ce n’est pas beaucoup surtout quand on essaie de viser l’horizon et le bord du soleil sur un bateau qui bouge et un sextant qu’il faut tenir à deux mains… Je ne vous raconte même pas quand le ciel est couvert, ou de nuit.
Vous comprendrez aisément pourquoi le sextant est tombé, malheureusement, en désuétude parmi la plupart des navigateurs modernes, peut-être plus pressés et passant souvent moins de temps à la table à carte.
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1. Les lecteurs semblent avoir plus de mal que nos lectrices à admettre leur ignorance sur certains sujets. À moins que nous n’ayons que des experts comme lecteurs ? Qui sait…
2. On parle de déclinaison du compas.
3. Global Positioning System.
4. Pourvu que les cartes utilisent la bonne représentation géodésique, le fameux WGS-84. On en parlera peut-être un jour.
5. Eh oui, depuis qu’on a pris la pâtée à Trafalgar, les descendants de Nelson ont beau jeu de nous imposer leur idiome insulaire.
6. Dont il existe des photos le montrant à la barre d’un voilier, quand il n’était pas à perturber notre bon sens en prétendant que plus on allait vite et plus on rajeunissait tout en ayant moins de chemin à parcourir. En tout cas, un truc comme ça.
7. La fonction GPS d’une tablette ou d’un smartphone est indépendante du réseau téléphonique : seul le réseau des satellites GPS est nécessaire, et il est toujours disponible. Certaines applications de routage nécessitent l’accès au réseau téléphonique pour charger la portion de carte nécessaire en temps réel. Les cartes utilisées en mer sont préchargées pour assurer l’indépendance par rapport au réseau téléphonique.
8. Qu’on assimilera ici à l’heure au méridien de Greenwich.
9. La Terre fait quarante mille kilomètres de circonférence, soit 360° pour le tour complet. Ou encore 360*60=21600 minutes. Donc, une minute sur un méridien fait : 40000/21600=1,852 km. On prend la mesure sur un méridien, car au contraire des parallèles qui rapetissent quand on s’approche des pôles, tous les méridiens ont la même longueur.
note 9: « La Terre fait quarante mille kilomètres de diamètre ». Diantre! Avec un tel diamètre, votre tour du monde risque de durer plus longtemps que prévu!
J’ajouterai même que le problème vient sûrement du dernier tailleur de costume de Claude, qui lui a annoncé qu’il avait une taille de guêpe de 60cm… Alors qu’en réalité, c’était le diamètre… L’erreur vient probablement de la… Sur ce, je vais me tailler en vitesse…
CF réponse ci-dessous…
Cf réponse ci-dessous…
Bonjour c’est cathie de la réunion. ..je voudrais juste savoir si vous allez tous bien .?..je suis une amie de Philippe marrien et je ne sais pas si le voyage continue avec lui ou s’il est descendu en Papouasie ? Courage et grooos bisous
Bonjour de Darwin!
Philippe a décidé de nous quitter ici, après une navigation un peu dure… Nous repartons jeudi, à deux, pour la traversée de l’Indien.
A bientôt à la Réunion?
Claude & André & Philippe
Bravo Antoine ! Au moins un lecteur attentif ! Trois hypothèses pour cette bévue :
– La relecture de l’article a été bâclée, ou faite après le ti-punch, ou encore lors d’une mer secouante plus que de coutume. Bref, la coquille a réussi à se faufiler au travers du crible ordinairement très sélectif de l’auteur-relecteur.
– Le contrat moral passé avec nos épouses avant le départ stipulait trois années de tribulation : nous avons largement entamé la quatrième et il fallait bien trouver une excuse inattaquable pour cette prolongation.
-Le rédacteur, subtilement démoniaque, glisse de temps à autre un lapsus, volontaire, dans le but de laisser croire au lecteur que son érudition est sans égale, afin qu’il ne se sente pas trop écrasé par l’incommensurabilité sidérale de l’omniscience modestement disséminée au hasard des pages de ce blog.
Rhétorique de baille à mouillage, je vous l’accorde, et je ne m’étendrai donc pas sur le côté superfétatoire d’une réponse à cette réponse. Passez plutôt à l’article suivant.